Grand Débat : les jeunes ont la parole !

la finance pour tous

Le magazine Pour l’Eco a organisé son propre Grand Débat à destination des oubliés du débat national : les jeunes. Lundi 15 avril, il organisait la restitution des réponses obtenues, accompagné de trois économistes, pour aborder des questions sur l’emploi, la fiscalité et la transition écologique.

Pour l’Eco, un jeune magazine – il a moins d’un an – qui a vocation à vulgariser l’économie, a décidé de « hacker » le Grand Débat national et de donner la parole aux lycéens et autres jeunes adultes. En février, faisant le constat que cette population n’attirait guère l’attention, la rédaction lance son propre dispositif afin que la jeunesse s’exprime et attire quelque 600 participants (moyenne d’âge : 19 ans).

Emploi, impôt et écologie à la « Une »

Lundi 15 avril, Pour l’Eco a donc fait une restitution des réponses reçues, avec la participation de trois économistes : Florine Martin, membre de BSI Economics, spécialiste des questions relatives au chômage, à l’emploi et à la formation, Mathilde Viennot, elle aussi membre de BSI Economics, chef économiste à la Fédération Française de l’Assurance, qui éclairait le débat sur la fiscalité, et Mireille Chiroleu-Assouline, professeure des universités, spécialiste en économie de l’environnement. Maxime Hanssen, rédacteur en chef adjoint de Pour l’Eco, coordonnait la restitution divisée en trois parties : les jeunes et l’emploi, les jeunes et les impôts, et les jeunes et la transition écologique. En voici un bref résumé si vous l’avez manquée ! (et si vous voulez en savoir davantage, la vidéo de la conférence est sur leur page Facebook ).

Les jeunes et l’emploi

Florine Martin rappelle quelques statistiques pour peindre le paysage français des 15-24 ans. Leur taux d’emploi s’établissait à environ 29 % en 2017, leur taux de chômage à 21 % et le taux de jeunes inactifs déscolarisés, les NEET (Not in Education, Employment or Training – qui ne sont ni en études ni en emploi ni en formation), à 11,5 %.

Que faire pour réduire le chômage des jeunes ?

A cette question, presque deux participants sur trois abordent une meilleure valorisation des stages. Selon les jeunes, ils devraient être davantage intégrés dans les formations et les employeurs devraient davantage leur faire confiance pour ce qui est souvent leur première expérience professionnelle.

Dans la même lignée, la question de l’apprentissage est aussi posée. En France, 5,5 % des 15-19 ans et 4,4 % des 20-24 ans sont dans ce genre de formation. Plutôt mal vue en France, c’est toute l’image de ce vecteur d’insertion professionnelle qui est à revoir auprès « des parents, des enseignants, ou encore des conseillers d’orientation », selon Florine Martin. « L’apprentissage aujourd’hui, ce n’est pas réservé aux mauvais élèves et ce n’est pas une voie de garage. » Au contraire, cela accélère l’accès au marché du travail, avec des compétences directement utilisables.

Mais que faire des jeunes en apprentissage dont la fin de la formation signe également la fin de leur collaboration avec les entreprises qui ne souhaitent ou ne peuvent pas les embaucher ? Des quotas ? « Imposer aux entreprises de recruter des jeunes diplômés » ? propose Thomas B., un contributeur de 17 ans. D’après Florine Martin, la contrainte ne serait pas la solution : « il vaut mieux leur montrer ce qu’un jeune pourrait apporter dans une entreprise ».

Les jeunes et les impôts

Pour entamer le nouveau thème, Maxime Hanssen précise que les impôts ne touchent pas seulement les adultes puisqu’en achetant un paquet de gâteaux, chaque citoyen, aussi jeune soit-il, paie la TVA.

Tous les actifs doivent-ils payer l’impôt sur le revenu, même un euro symbolique ?

Pour presque deux tiers des participants, la réponse est oui, alors que Mathilde Viennot, spécialiste de la fiscalité, va prouver que faire payer l’impôt sur le revenu à tous serait injuste.

Tout d’abord, elle explique que c’est un impôt minime dans la fiscalité française et que son rôle est surtout symbolique. Dans ce cadre, elle définit le consentement à l’impôt comme « le sentiment que l’impôt est juste et donc accepté par tous », qu’ «  à revenu égal, impôt égal ». Mais ce consentement connaît deux crises :

  • Une crise de consentement par le haut (celle des Gilets jaunes) : « sentiment que les plus riches ne paient pas ce qu’ils devraient payer »;
  • Une crise du consentement par le bas (celle plutôt décrite par les contributeurs) : « mécontentement entre les travailleurs pauvres qui paient l’impôt et les classes modestes qui ne vivent que de revenus de transfert et qui ne le paient pas. »

Cette dernière est le fruit des effets de seuil (à revenus proches, il est possible d’être dans des tranches d’imposition différentes). Pour y pallier, le gouvernement compte rendre les tranches plus progressives, et notamment, « baisser les taux des deux premières tranches », indique Mathilde Viennot – ce qui est l’inverse de ce qui est préconisé par les jeunes contributeurs.

Mathilde Viennot explique ces points de vue divergents par une vision pas assez globale du système fiscal par les jeunes qui n’y sont pas encore totalement imbriqués : l’impôt sur le revenu sert à contrebalancer les impôts sur la consommation. En effet, avec une TVA qui est la même pour tous, cet impôt est régressif : les ménages les plus modestes y contribuent plus que les plus riches, proportionnellement à leurs revenus. De ce fait, l’impôt sur le revenu, qui est progressif, a un rôle compensatoire des autres impôts.

L’économiste conclut donc sur ces mots : « Quand on somme l’ensemble des taxes et impôts, le système est progressif jusqu’aux classes moyennes, devient régressif pour le top 5 % et encore plus pour le top 1 %. Si on fait payer à tous l’impôt sur le revenu, on rend l’ensemble du système encore plus injuste que ce qu’il est déjà.»

Demain, tu voudrais que tes impôts financent quoi ?

Education, protection, sécurité, services publics, écologie, recherche, sont les termes qui reviennent dans les réponses des jeunes. Toutefois, il n’est pas possible de flécher des impôts vers un poste de dépenses, tient à préciser Mathilde Viennot car « l’impôt, c’est accepter que son argent privé devienne de l’argent public ».

« Vouloir flécher l’impôt, c’est vraiment toucher à la légitimité-même de l’impôt. » Mathilde Viennot, BSI Economics, chef économiste à la Fédération Française de l’Assurance.

Enfin, il faut savoir qu’à l’heure actuelle, plus de la moitié des impôts financent la protection sociale. L’éducation et la recherche, postes plébiscités par les contributeurs, ne représentent que 9,6 % et 2,3 % des dépenses publiques, selon le tableau transmis par le gouvernement dans le cadre du grand débat.

Les jeunes et le climat

Qui doit financer la transition écologique ?

Pour trois quarts des participants, il est indiscutable que les entreprises polluantes doivent être des actrices majeures de la transition. Mais pour Mireille Chiroleu-Assouline, cela va bien plus loin que les entreprises ou les automobilistes : aujourd’hui, les efforts sont 100 à 1 000 fois trop insuffisants par rapport à ce qu’ils devraient pour compenser les externalités négatives. L’économiste met en cause les lobbies à l’échelle nationale et européenne, ainsi que les secteurs exonérés des taxes sur la pollution, tels que l’agriculture. Il faut « qu’il devienne rentable d’investir dans des activités qui sont en faveur de la transition écologique », préconise Mireille Chiroleu-Assouline, comme dans la « dédiésélisation » du secteur automobile au profit de l’électrique.