Dossier Alstom : l’AMF joue les trouble-fêtes

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Sollicitée par Bouygues et l'Etat français sur la nature de l'engagement qu'ils avaient conclu dans le cadre du rachat de la branche "Energie" d'Alstom par General Electric, l'AMF a estimé dans une décision du 3 juillet dernier, que l'accord conclu entre Bouygues et l'Etat, constituait une "action de concert".

En quoi l’Etat français et Bouygues ont-ils agi de concert ?

L’AMF a relevé plusieurs éléments dans l’accord passé entre Bouygues et l’Etat français qui ne laissent à ses yeux aucun doute sur le fait qu’ils avaient pour but de mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis d’Alstom :

  • la clause selon laquelle Bouygues s’engage à prêter à l’Etat les titres sur lesquels il dispose d’une option d’achat valable pendant les vingt premiers mois suivants la réalisation de la cession par Alstom à GE de ses activités « Energie ». L’Etat obtient de la sorte les droits de vote attachés à 20 % du capital d’Alstom.

  • La clause selon laquelle Bouygues s’engage à voter aux assemblées générales d’Alstom contre toute résolution remettant en cause l’instauration d’un droit de vote double, ainsi qu’à ne pas exercer plus de droits de vote que n’en détient l’Etat.

  • La clause selon laquelle les deux parties s’engagent à faire en sorte que, pendant une période de dix ans, le conseil d’administration d’Alstom comporte deux administrateurs représentant l’Etat et un représentant Bouygues.

Quelles sont les conséquences de la décision de l’AMF ?

D’après le droit boursier, dès qu’un actionnaire ou un groupe d’actionnaires agissant de concert acquiert 30 % du capital d’une société cotée, il doit lancer une OPA sur la totalité des titres.

Or, Bouygues dispose actuellement de 29,4 % du capital d’Alstom, ce qui empêche de facto l’Etat d’acheter des titres sur le marché comme l’accord conclu avec Bouygues le prévoyait. Cet accord permettait en effet à l’Etat -qui souhaite obtenir 20 % du capital d’Alstom- soit d’acheter les titres directement sur le marché, soit de les acquérir auprès de Bouygues au prix de 35 euros l’action (alors qu’elle cote environ 26 euros actuellement) au terme d’une période de vingt mois après la réalisation de l’opération de cession des activités « énergie » d’Alstom à GE.

Si l’Etat décidait d’acheter les titres sur le marché, compte tenu de la position de l’AMF, il provoquerait un dépassement du seuil de détention de 30 % du capital d’Alstom pour lui et Bouygues confondu. Ce faisant, et conformément à l’accord conclu entre eux, l’Etat serait tenu pour responsable de cette situation et devrait assumer seul l’obligation de lancer une OPA sur l’ensemble des titres Alstom. Or, cela n’est absolument pas son intention. L’idée initiale était en effet de rentrer au capital de la société à moindre frais mais en ayant tout de même suffisamment de poids pour peser sur ses décisions.

Si la stratégie de l’Etat pour rentrer dans le capital d’Alstom est contrariée par la décision de l’AMF, elle n’est toutefois pas complètement remise en cause. Il suffirait par exemple que Bouygues décide de céder une part substantielle de ses actions sur le marché pour que l’Etat puisse en acheter à due concurrence, sans que leur détention commune du capital d’Alstom n’excède le seuil de 30 %.

A tout le moins, l’Etat pourrait exercer à terme son option d’achat auprès de Bouygues. Mais dans ce cas de figure, il devra payer le prix de 35 euros par titre. Soit un niveau sensiblement plus élevé que le cours actuel. Pas sûr alors qu’il fasse une bonne opération financière…