Epargne salariale : une conférence pour préparer la réforme

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Les 2èmes Rencontres parlementaires pour l'épargne salariale ont réuni, le 23 septembre 2014, des parlementaires, chefs d'entreprise, syndicalistes et économistes de tous bords, autour de Fondact, association qui œuvre pour la promotion de la participation des salariés dans l'entreprise.

Les trois tables rondes, animées par la journaliste Sylvie Bommel, ont été l’occasion d’exprimer les plus vives critiques à l’égard du forfait social à 20 % et des différentes mesures de déblocage anticipé. Si tous les intervenants ont salué l’intérêt de l’épargne salariale, certains lui prêtent essentiellement une vertu de motivation des salariés, quand d’autres y voient davantage un outil d’épargne … de long terme. Dans tous les cas se pose le problème de l’utilité de cet outil pour financer l’économie et des tensions entre cet objectif et le peu d’appétence des particuliers pour le risque. Retour sur ces débats constructifs.

Comment contribuer au succès du pacte de responsabilité ?

Cette première table ronde qui réunissait Christophe Castaner député des Alpes de Haute Provence et vice-président du Copiesas, Marie Christine Coisne-Roquette, présidente de Sonepar, Alain Giffard, secrétaire national de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC),Vianney Mulliez, président du groupe Auchan et Charles de Courson, député de la Marne, fut la première occasion de confronter les expériences.

Certaines entreprises réservent l’épargne salariale aux cadres, d’autres en font profiter tous les salariés (groupe Auchan par exemple). Généralement, comme ce fut précisément le cas chez Auchan, le périmètre et la forme de l’épargne salariale s’adaptent à l’internationalisation du groupe. De ces premiers échanges, il est apparu que l’augmentation du forfait social à 20 % était un frein considérable au développement de l’épargne salariale. Dans le cadre de la réflexion actuellement menée sur les évolutions possibles de l’épargne salariale, la modulation du forfait en fonction de la nature de l’épargne (taux plus faible pour l’épargne investie à long terme et/ou sur des supports risqués) est une solution recommandée par plusieurs intervenants. Autre constat : l’épargne salariale est complexe, tant en ce qui concerne les flux (intéressement, participation) que les placements eux-mêmes. D’où la recommandation, faite par Alain Giffard de la CFE-CGC, de former à la fois les représentants des salariés aux conseils de surveillance et tous les porteurs.

L’épargne salariale dans les entreprises moyennes: peut mieux faire ?

Ce deuxième débat fut introduit par Laurent Grandguillaume, député de la Côte d’Or et co-président du Conseil de la simplification pour les entreprises, lequel a suggéré, pour commencer, qu’on réduise un certain nombre d’aides aux entreprises pour financer la baisse du forfait social.

Deux témoins chefs d’entreprise ont ensuite expliqué ce qu’ils attendent de l’épargne salariale. Pour Pierre Marcel, président d’une PME de 150 salariés (45 M€ de chiffre d’affaires), Tournus Équipement, le contrat de travail n’est pas suffisant pour encourager les valeurs aujourd’hui nécessaires, à savoir l’agilité, l’adaptation … C’est la raison pour laquelle il a ouvert le capital de sa société aux salariés. S’il est pour l’actionnariat salarié, en revanche il ne perçoit pas l’intérêt du PEE, simple support d’épargne. Dans le même esprit, Stanislas de Bentzmann, co-président de CroissancePlus a fait valoir qu’il s’agissait pour lui d’un outil de motivation des salariés.

Pour Inès Minin, secrétaire nationale de la CFDT, l’épargne salariale est bien un enjeu pour favoriser le dialogue social, et elle préconise d’y introduire des critères non financiers et de développer cette épargne sur une base égalitaire.

Pour Thibault Lanxade, président du pôle entrepreneuriat et croissance du MEDEF, la régression de l’épargne salariale est liée aux difficultés des PME, mais également à la complexité du dispositif et au forfait social (800 M d’euros prélevés).

Chargé de conclure, Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes, a indiqué que, bien que ce sujet soit très consensuel et qu’il s’agisse d’un « couteau suisse » qui permet pour les uns d’attirer des talents, pour les autres d’épargner, il faut réfléchir à ce qu’on attend vraiment de l’épargne salariale. Pour limiter la casse (64000 entreprises mettent la clé sous la porte chaque année), appliquons la loi sur les délais de paiement (car les problèmes de trésorerie sont la première cause des faillites des PME). L’épargne salariale n’est pas utile pour ça mais doit être consacrée à l’épargne de long terme. Il recommande donc de ne pas autoriser le déblocage anticipé. A son avis, le Perco est un bon produit, les actions gratuites également.

L’épargne salariale pour quoi faire ?

Cette dernière table ronde réunissait Jean-Charles Taugourdeau, député de Maine et Loire, Paul-Henri de la Porte du Theil, président de l’AFG, Sandra Bresson, membre du Comité intersyndical de l’épargne salariale (CIES), René Thomas, directeur des avantages sociaux de Carrefour, Laurent Laïk, directeur général du groupe La Varappe et Valérie Rabault, députée du Tarn et Garonne et rapporteure générale du budget.

Cette table-ronde a été l’occasion de rappeler quelques chiffres. L’encours d’épargne salariale est aujourd’hui de 111 Mds€, dont 9,5 pour le Perco ; 40 % sont investis en actionnariat salarié et 60 % en fonds. Le président de l’AFG (Association française de la gestion financière) a tiré la sonnette d’alarme. Beaucoup d’accords ont été dénoncés (effet du forfait social). Pour la première fois en 2013, les sorties ont été supérieures aux rentrées (les cas de déblocage utilisés sont pour 300 000 la cessation du contrat de travail, et pour 150 000 l’acquisition de la résidence principale, les autres cas étant utilisés marginalement).

Il a avancé quelques propositions : élargir l’épargne salariale aux PME ; simplifier (revoir notamment la formule actuelle de calcul de la participation qui ne permet pas d’aligner les intérêts des actionnaires et des salariés car elle n’utilise pas la même définition du salaire) ; favoriser l’épargne de long terme (moduler le forfait social en fonction de la durée de détention pour valoriser l’actionnariat salarié et le perco) ;

Sandra Bresson a insisté sur la nécessité d’être vigilant sur la non substituabilité au salaire, sur la sensibilité au risque, et sur la méconnaissance des outils techniques par les salariés.

René Thomas a expliqué que chez Carrefour, il y avait eu une réorientation de l’épargne salariale à partir de 2000. Jusque-là prioritairement tournée vers l’actionnariat salarié (qui représentait au moins 40 % de l’épargne salariale), ils ont alors cantonné l’épargne salariale sur un fonds ISR et solidaire investi à 60 % en actions. Au cours des dernières années, la moyenne d’âge sur le Perco Carrefour a baissé de 5 ans et est aujourd’hui de 45 ans. Laurent Laïk a présenté l’épargne salariale vue du côté bénéficiaire de l’investissement puisque son groupe La Varappe bénéficie aujourd’hui de financements provenant de trois fonds solidaires. Valerie Rabault, a, quant à elle, insisté sur le fait que l’épargne salariale est la plus grosse niche en relatif et qu’il convient de réfléchir à la manière dont on peut en faire un outil de financement de long terme.

Chargé de conclure, Patrick Artus, chef économiste de Natixis, s’est interrogé sur la capacité de l’épargne salariale à améliorer la situation macro-économique, sachant que :

  • La croissance potentielle de long terme sera de 1 %, et cela pose un problème de financement des retraites.

  • Nous avons un sérieux problème de compétitivité de nos salaires: en Espagne 1h de travail (charges comprises) coûte 22 € contre 37€ en France.

  • Nous n’avons pas de problème général de financement des entreprises : ce qui manque c’est le financement des activités risquées – notamment pour les start-up, et ce qui est en cause, c’est la faiblesse du capital risque.

  • On n’a pas encore vu les conséquences de nouvelles réglementations applicables aux banques. Il faudra désintermédier, c’est-à-dire trouver des financements directs, en dehors des banques, d’où la nécessité pour les épargnants d’accepter un certain niveau de risque.

  • Avec des taux d’intérêt durablement bas, il serait utile d’avoir des financements longs et risqués. Or, les débats des différentes tables rondes montrent que l’épargne salariale peut difficilement être risquée. Si on continue à privilégier la sécurité, on ne pourra pas financer l’économie.

François Rebsamen, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, a conclu les travaux, en rappelant que l’installation du Copiesas en juin 2014 et la Conférence sociale de juillet 2014 avaient lancé la réflexion sur l’épargne salariale, avec l’idée que la réforme de l’épargne salariale est une contrepartie au pacte de responsabilité et de solidarité.

Le Copiesas fera des propositions de réforme d’ici fin octobre, lesquelles réformes devraient s’articuler autour de la simplification, de l’élargissement de l’épargne salariale à ceux qui n’y ont pas accès et de la participation de l’épargne salariale au financement de l’économie.

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