Lu pour vous : Que font-ils de notre argent ?

la finance pour tous

Que font ils de notre argent Que font-ils de notre argent ?

Stanislas Dupré

Editions Nil, novembre 2010. 286 pages. 19 €

L’empreinte carbone est la mesure du volume de dioxyde de carbone (CO2) émis par les entreprises ou les êtres vivants du fait de leur activité. Son calcul vise à prendre conscience de la « responsabilité » des uns et des autres dans les émissions de gaz à effet de serre et à faire évoluer les comportements avec l’objectif de la diminuer.

Le cabinet de conseil Utopies a pour sa part élaboré une méthode de calcul de l’empreinte carbone des banques et de l’épargne des Français. Le livre de son directeur général, Stanislas Dupré, « Que font-ils de notre argent ? » rend compte des résultats de ce travail.

La méthode consiste à établir une empreinte carbone « indirecte » pour les différents types d’épargne en fonction de l’usage des fonds collectés. 5000 € placés sur un livret de développement durable qui sert à financer des PME et des travaux d’économie d’énergie afficherait 4 fois moins d’émissions de gaz à effet de serre que 5000 € placés sur un fonds d’épargne investi en actions. Côté crédits et financements bancaires, on calcule de la même façon, d’une part l’empreinte des différents types de prêts aux ménages selon qu’ils servent par exemple à financer des travaux d’isolation ou l’achat d’un 4×4 et d’autre part celles des financements aux entreprises (crédits, obligations, actions, …) en fonction de leurs secteurs d’activités (PME secteur d’économie sociale, entreprise pétrolière ou du secteur de l’énergie renouvelable etc…).

Globalement l’empreinte carbone de l’épargne et des banques est impressionnante. Selon les calculs de Stanislas Dupré, 10000 € de dépôts bancaires pollueraient autant qu’un 4×4. Normal, l’argent ne dort pas dans les banques et sert à financer la production et la consommation qui produisent les gaz à effet de serre. Les calculs servent aussi à établir une intensité carbone banque par banque. Là encore, sans surprise, les banques qui financent le plus l’industrie et les grandes entreprises sont moins bien classées que celles qui le font moins comme la Banque Postale ou les Caisses d’épargne (cette dernière ayant été du reste partie prenante dans l’élaboration de la méthode d’évaluation) et encore moins que celles qui sont spécialisées dans les activités sociales et solidaires (NEF, Crédit Coopératif).

Selon Stanislas Dupré, le classement obtenu ne s’explique pas seulement par cet effet de structure mais également par l’inertie de certaines grandes banques dans le financement du développement durable.

Le livre qui évoque accessoirement d’autres questions comme celle de la tarification bancaire, conclut par plusieurs propositions à l’adresse des régulateurs ou des banques : la mise en place d’un système de bonus malus environnemental sur la fiscalité de l’épargne ; la mise en place d’une traçabilité de l’épargne ; une clarification du rôle de conseiller clientèle des banques dont les services seraient facturés aux clients et une définition des risques financiers pour intégrer sérieusement les impacts sociaux et environnementaux.

Le travail de Stanislas Dupré est stimulant. Il est amusant de sortir sa calculette pour évaluer l’empreinte carbone de son épargne et les usagers des banques que nous sommes tous seront incités à être plus regardants, sinon plus actifs sur l’orientation de leur épargne et sur l’activité de leur banque en fonction de critères environnementaux.

En même temps, des interrogations demeurent :

D’une part des doutes subsistent sur la pertinence et la fiabilité des mesures des empreintes carbone des différents types d’actifs qui restent très globales et ne sont pas exemptes de bizarreries comme le fait d’exonérer les produits dérivés de toute empreinte carbone.

D’autre part, selon l’auteur, la recherche d’une moins grande teneur en empreinte carbone des placements peut être obtenue sans avoir à diminuer l’objectif de rentabilité financière. La thèse défendue est que « l’économie verte » va être une nouvelle frontière potentiellement tout aussi rentable que l’ont été l’électronique ou l’industrie pétrolière. Cela n’est pas évident.