Produits dérivés : un trader de la banque JP Morgan suscite des inquiétudes

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Dans son édition du 6 avril 2012, le Wall Street Journal rapportait qu’un trader français travaillant au bureau londonien de la banque américaine JP Morgan aurait pris des positions colossales sur le marché des produits dérivés. Même si aucune activité frauduleuse n’a été à ce jour décelée, cela suscite de nombreuses interrogations. Explications.

De quelles opérations s’agit-il ?

Le trader en question s’appelle Bruno Michel Iksil, il est français et il travaille au principal bureau d’investissement (Chief Investment Office) de la banque JP Morgan à Londres, la plus grosse banque des  États-Unis.

Ce trader a vendu un nombre très important de CDS. Il s’agit plus précisément d’un indice composé de CDS sur les crédits accordés à 121 entreprises américaines.

Ce trader table donc sur la bonne santé financière future de ces entreprises, il parie qu’elles n’auront aucune difficulté à rembourser leurs emprunts et que JP Morgan n’aura pas à payer le nominal des prêts en cas de défaut de paiement. Selon le site Bloomberg, ces positions atteindraient 100 milliards de dollars, ce qui explique que les traders des autres banques ont appelé M. Iksil « la baleine de Londres ». Mais JP Morgan n’a pas confirmé ce chiffre.

Les importantes ventes de ces CDS ont eu pour effet une baisse du prix de l’indice par rapport aux CDS dont il est composé.

Quels sont les risques de ces opérations ?

Si ces paris s’avèrent perdants, JP Morgan pourrait perdre plusieurs dizaines de milliards de dollars, qui correspondent à la valeur nominale des crédits qui servent de sous-jacents à cette protection. Cela correspond donc à un risque très élevé de la part de JP Morgan.

Opération de couverture ou opération de spéculation ?

Selon la banque JP Morgan, ces opérations ont pour seul but de couvrir le risque de crédit de la banque. Le porte-parole de la banque précise : « (le) CIO fait des investissements de long terme dans le cadre d’une couverture macroéconomique pour notre bilan global ». Certains observateurs extérieurs estiment qu’il peut  s’agir de la couverture de positions que la banque a depuis l’automne 2007.

Mais d’autres participants au marché, notamment les hedge funds, pensent que JP Morgan a voulu donner une direction au marché. On parle même de manipulation du marché des CDS. Le montant colossal et le sens de ces opérations font penser à une forte spéculation.

Tous s’accordent à dire que ces opérations n’auraient pas eu lieu si la règle Volcker était déjà entrée en vigueur.

Du grain à moudre pour l’application de la règle Volcker

Après les excès des banques lors de la crise des subprimes en 2008, le gouvernement américain a pris des mesures pour limiter les effets négatifs de la spéculation.

La règle Volcker (du nom de l’ancien gouverneur de la FED) interdit aux banques qui collectent des dépôts de réaliser des opérations de trading pour leur propre compte.

Cette règle, qui doit entrer en vigueur en juillet 2012, concerne les banques américaines mais aussi toutes les banques présentes aux États-Unis. De nombreuses banques, y compris JP Morgan, se sont insurgées contre cette règle. Mais le comportement de l’un de ses traders donne désormais du grain à moudre aux défenseurs de la règle Volcker.

En tout état de cause, cette histoire a encore démontré l’opacité du marché des CDS.