Économie du bien commun

la finance pour tous
Avec ce premier livre en français destiné à un large public, le prix Nobel d'économie 2014 nous invite à partager sa passion pour cette discipline. Il défend une certaine vision de l'économie, science qui croise la théorie et les faits au service du bien commun, et de l'économiste, chercheur et homme de terrain. C'est dire que le lecteur pénètre dans l'atelier d'un économiste et voyage à travers les sujets affectant notre quotidien : économie numérique, innovation, chômage, changement climatique, Europe, État, finance, marché... En dressant un panorama des grandes problématiques de l'économie d'aujourd'hui, Jean Tirole nous fait entrer au coeur des théories dont il est le père.

L’avis de La finance pour tous

Le second prix Nobel français d’économie, Jean Tirole (en 2014, après Maurice Allais en 1988) et les Presses Universitaires de France ont fait un gros effort éditorial pour mettre à la portée du plus grand nombre les apports principaux du lauréat à la science économique au cours des dernières décennies. L’ouvrage dépasse certes les 600 pages, mais se lit assez aisément.

Après des développements sur la recherche économique et son évolution, les chapitres sont regroupés autour de deux grands thèmes qui se situent au cœur de l’actualité : d’une part, les défis macro-économiques (climat, chômage, Europe et système financier), de l’autre, les enjeux « industriels » au sens large (concurrence, numérique, innovation et régulation). Chacun des sujets traités fait l’objet d’une analyse détaillée, avant que soit proposée, le plus souvent avec modestie, une solution aux problèmes qui ont été détectés. L’appareil théorique n’est jamais loin, mais ne fait l’objet que de renvois aux travaux originaux.

Au total le qualificatif de « libéral modéré » convient bien à Jean Tirole. Celui-ci dirait probablement en effet, en paraphrasant Churchill, que, pour développer la richesse, le marché est le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres. Ce marché, aussi indispensable soit-il, comporte en effet de nombreuses défaillances : l’auteur n’en liste pas moins de six catégories.

Attachons-nous à la deuxième d’entre elles ; elle porte sur ce que les spécialistes appellent les « asymétries d’information » et jouent un rôle central dans l’ensemble de l’ouvrage, comme d’ailleurs dans l’œuvre du regretté Jean-Jacques Laffont, cosignataire de nombreux travaux avec Jean Tirole, prématurément disparu. Pour qu’un échange soit mûrement consenti sur le marché, il est indispensable que les deux parties à l’échange soient correctement informées des circonstances de cet échange et des caractéristiques précises du bien ou service échangé. Si ce n‘est pas le cas, il y a tromperie, que celle-ci soit ou non volontaire. La réglementation (on parle aussi de régulation) a pour but de faire apparaître dans l’échange les caractéristiques cachées. Ou au moins d’empêcher que l’une des deux parties (en général, le vendeur) puisse imposer à l’autre un prix qui ne correspond pas à la véritable valeur de la transaction.

En France, on pense évidemment en ce domaine aux missions qui ont été confiées à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, au service de protection des épargnants de l’AMF et à l’ACPR auprès de la Banque de France. Mais aussi, naturellement, au rôle que jouent les différentes associations de consommateurs et les médiateurs dans les professions.

Deux prix Nobel plus anciens, les Américains George Akerlof et Robert Schiller, poussent curieusement le bouchon plus loin en dénonçant des « Marchés de dupes, L’économie du mensonge et de la manipulation » (Paris, Odile Jacob, mars 2016, 323 pages). Mais les incantations ne suffisent pas ; il faut aussi proposer des solutions aux déséquilibres que l’on identifie. C’est ce que fait Jean Tirole dans son remarquable ouvrage.

 

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