La folie des banques centrales

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Une analyse qui est un véritable cri d’alarme dénonçant les excès des politiques monétaires expansionnistes,  menées par les grands  banquiers centraux depuis la dernière crise financière de 2008. Co-écrit par Patrick Artus, chef économiste de Natixis,  professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Marie-Paule Virard, journaliste économique, cet ouvrage au titre dérangeant explique que nous sommes installés désormais durablement dans l’ère de « la crise financière permanente ».

Les banques centrales, et pas n’importe lesquelles,  la Banque Centrale Européenne, la Réserve fédérale américaine ou la Banque centrale d’Angleterre, seraient-elles devenues « folles » ou déraisonnables ? Comment est-ce possible ?

C’est ce qu’affirment nos deux auteurs qui, pas à pas et de manière très vivante, montrent comment les politiques monétaires expansionnistes (dites de « quantitative easing ») sont devenues depuis 2010 très dangereuses pour la stabilité financière et l’ensemble de l’économie mondiale.

Autant ces politiques monétaires se sont révélées fort utiles pour conjurer la crise financière de 2009 grâce à l’injection de monnaie, nécessaire aux acteurs économiques, autant elles semblent désormais faire « plus de mal que de bien» et n’ont plus que très peu d’influence sur la croissance économique qui peine à repartir.

Pis même, ces politiques d’expansion monétaire risquent fort d’être à l’origine de la prochaine crise financière qui risque d’être, annoncent les auteurs, encore plus violente et dévastatrice pour nos économies que la précédente.

La nervosité des marchés financiers avec la forte volatilité des cours des actifs boursiers, décrite dans le chapitre 1, s’est accrue en début d’année avec l’abondance de liquidités, liée à la politique monétaire expansionniste des banques centrales.  Comment expliquer ce phénomène ? Toute politique économique mise en place par la sphère publique, qu’elle soit budgétaire ou monétaire, a pour objectif de faire redémarrer la croissance en utilisant un certain nombre de leviers, pour soutenir l’investissement des entreprises et/ou la consommation des ménages.

Ce qu’affirment P. Artus et M-P. Virard, c’est que la politique monétaire mise en place par les banques centrales, pour lutter contre le manque de liquidités en 2009, s’est traduite à la fois par des taux d’intérêt faibles et une abondance monétaire sans précédent.  Or, cette politique monétaire est encore utilisée aujourd’hui alors qu’elle est devenue inadaptée, voire même dangereuse face à la croissance de l’endettement mondial et aux nouvelles contraintes économiques.

Il aurait fallu arrêter de créer de la monnaie (qui représente à l’heure actuelle près de 30 % du PIB mondial) mais les banquiers centraux,  encouragés par les responsables politiques, les opinions publiques et même par le FMI, continuent de « gaver » les marchés financiers de liquidités. Les opérateurs achètent et vendent compulsivement,  « sans autre considération que le profit à très court terme ».

Le lien entre la valeur et le risque des actifs financiers s’est considérablement affaibli, car les opérateurs sont assurés, quoi qu’il arrive, d’avoir le soutien en dernier ressort des banques centrales en cas de difficultés. On a là un bel exemple d’aléa moral, bien connu des économistes, qui conduit à une instabilité croissante des marchés financiers sans que pour autant l’on ait des résultats positifs sur l’inflation et la croissance économique.

Comment comprendre que la politique d’expansion monétaire, si nécessaire en 2009, génère actuellement de tels effets pervers ? Si cette politique expansive a été bien adaptée à la crise de 2008, elle n’est plus justifiée depuis 2010, dans le contexte d’endettement mondial croissant. On a confondu création monétaire et création de richesse, et oublié que l’économie réelle a toujours le dernier mot. Quand les taux d’intérêt sont très faibles, voire même négatifs, l’argent n’a quasiment  plus de valeur, « on ne peut faire que des bêtises », comme l’écrivent nos auteurs.

La question qui se pose alors aux banquiers centraux est simple : peut-on sortir de ces politiques monétaires expansionnistes ? Non, répondent nos deux auteurs,  car il est très difficile de sortir d’une politique monétaire expansive lorsque celle-ci a été menée sur longue période. Un relèvement des taux d’intérêt infligerait d’énormes pertes aux emprunteurs (à taux variables) et aux investisseurs (en obligations, qui seraient obligés de constater des moins-values importantes) et affaiblirait les effets de richesse, qui soutiennent la demande.

On est dans une situation caractérisée par l’irréversibilité des politiques monétaires, il est impossible de revenir en arrière, les banquiers centraux sont devenus impuissants dans un contexte de récession mondiale. Cette  déconnexion entre la sphère réelle et la sphère financière risque fort de provoquer une nouvelle crise financière, dans un avenir plus ou moins proche. Seule la mise en place de réformes institutionnelles « pourrait déjouer la crise ». Les auteurs listent six propositions qui pourraient éviter le pire…

Pour conclure, une analyse claire et cohérente des politiques monétaires expansives, menées avec succès par les banques centrales pour faire face à la crise financière de 2008. Mais, aujourd’hui dans le nouveau contexte monétaire caractérisé par une liquidité abondante,  les auteurs pensent que les banques centrales auraient intérêt à changer de politique monétaire, le quantitative easing étant devenu inapproprié au regard de la situation actuelle.

 

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