Directive sur les marchés financiers. Ce que ça change pour vous

la finance pour tous

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Jacques Delmas-Marsalet, Membre du Collège de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et auteur du rapport relatif à la commercialisation des produits financiers remis au Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie en novembre 2005, répond aux questions de « la financepourtous.com »

Q : La Directive Européenne sur les Marchés d’Instruments Financiers (MIF), constitue le nouveau cadre dans lequel vont opérer les entreprises d’investissement à partir du 1er novembre 2007. Dans quelle mesure intéresse-t-elle le consommateur qui investit en produits financiers ?

mr delmaspetitminuscule jpgJDM : La directive MIF ne concerne pas seulement l’organisation des marchés financiers et les conditions de négociation des titres. Elle comporte aussi des dispositions relatives aux relations entre les intermédiaires financiers et les investisseurs individuels, « consommateurs » de produits financiers, notamment dans les domaines, très importants pour ces derniers, de l’information et des conseils qu’ils sont en droit de recevoir.

Q : Pourquoi la directive MIF s’est-elle intéressée à ces sujets ?

mr delmaspetitminuscule jpgJDM : Principalement pour deux raisons.La première est la nécessité de prévenir la reproduction des ventes abusives ou inadaptées (« missellings ») de produits financiers qui se sont produites notamment au Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, en France à la fin des années 90 et qui se sont révélées lors de l’éclatement de la bulle boursière au début des années 2000. L’objectif premier de la MIF, qui est de permettre une libre commercialisation des produits financiers à l’intérieur de l’Union Européenne, ne sera bénéfique aux consommateurs, et même tout simplement acceptable par eux, que si leur protection est maintenue à un haut niveau.

La deuxième raison est le besoin accru d’information et de conseil des épargnants lié à l’évolution des formes de l’épargne. Celle-ci est marquée par un développement relatif de l’épargne financière, investie en titres, parts d’OPCVM et contrats d’assurance vie en unités de compte – qui sont au risque de l’épargnant – par rapport à l’épargne placée en compte, plans ou contrats en euros dans le bilan des banques ou des compagnies d’assurance qui portaient jusque là le risque de son investissement.

Il en résulte un transfert vers l’épargnant à la fois des risques et de la responsabilité du choix de ses investissements. Alors que dans l’épargne traditionnelle, l’épargnant n’avait le choix qu’entre un nombre très limité de produits ne se différenciant que par le taux de rémunération et la durée de placement (qui allait de 15 jours pour les livrets à 8 ans pour l’assurance vie), il doit aujourd’hui choisir entre un grand nombre de produits se distinguant par des couples rendement-risque et des horizons de placement très différents. Il doit donc être correctement informé sur les caractéristiques des produits et bien conseillé dans ses choix.

Q : Comment cette exigence d’information et de conseil renforcée se traduit-elle dans la directive MIF ?

mr delmaspetitminuscule jpgJDM : S’agissant de l’information, la directive étend à l’ensemble des produits financiers proposés au consommateur le principe déjà inscrit dans le règlement général de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) pour les OPCVM, selon lequel l’information y compris publicitaire doit être exacte, claire et non trompeuse. Ce qui implique notamment :

  • qu’elle ne mette pas en exergue les avantages du produit sans mettre en regard, de manière très apparente, les risques correspondants,

  • qu’elle soit compréhensible par l’investisseur moyen de la catégorie à laquelle est destiné le produit.

La directive renforce et élargit également l’obligation de conseil. Il ressort clairement de son article 19 point 4 qu’un intermédiaire ne pourra désormais recommander, de manière individuelle, à un client déterminé, d’acheter ou de souscrire un produit financier qu’après avoir accompli un minimum de diligences pour s’assurer que celui-ci est adapté au profil, à la situation financière et aux objectifs d’investissement du client.

Cette obligation s’applique non seulement en cas de demande de conseil de la part du client, mais à toute vente individuelle « active », c’est à dire consécutive à une sollicitation personnelle du client par le vendeur. Elle ne s’applique pas, en revanche, à la simple exécution d’un ordre d’achat passé à l’initiative du client qui ne donne lieu, au mieux qu’à un devoir d’alerte s’il ne correspond pas à l’expérience et aux compétences du client en matière financière.

La mise en œuvre des dispositions relatives à ce que j’ai qualifié de « vente conseillée » impliquera de la part des banques un gros effort de formation des conseillers-vendeurs et d’investissements informatiques. A la fois pour mettre à la disposition des conseillers, sur leur poste de travail, des outils d’aide au conseil, c’est à dire des logiciels assez simples de questionnement du client et d’orientation des préconisations en fonction de ses réponses ; puis pour archiver les informations recueillies et les conseils dispensés dans le dossier du client, une copie d’écran pouvant lui en être délivrée.

Bien que lourds, ces investissements devraient à terme être rentables dans la mesure où l’amélioration de la connaissance du client devrait être source de nouvelles opportunités de développement, à condition bien sûr que les campagnes commerciales soient davantage axées sur les clients que sur les produits.

Q : Le consommateur ne va-t-il pas devoir lui aussi s’adapter ?

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JDM : Oui, et c’est essentiel, car l’épargnant est au bout du compte le responsable final de ses choix d’investissement. Les dispositions de la directive relatives au conseil impliquent nécessairement un dialogue entre le conseiller vendeur et le client. Celui-ci devra répondre de manière aussi exacte et précise que possible aux questions que sera amené à lui poser son conseiller sur sa situation financière – ce qui inclut ses revenus disponibles (capacité d’épargne), ses actifs liquides, son portefeuille financier et, le cas échéant ses actifs immobiliers – mais aussi ses objectifs d’investissement (épargne de précaution ou financement d’un projet, horizon de placement, préférences concernant le risque ou la sécurité).Si le client ne répond pas ou de manière trop imprécise, l’intermédiaire pourra, et même devra s’abstenir de formuler des recommandations, l’épargnant n’ayant alors droit qu’à l’exécution éventuelle d’un ordre d’achat passé à son initiative et sous sa seule responsabilité.

L’épargnant doit donc être capable de formuler clairement ses projets et, en amont, de gérer convenablement son budget. Il faut donc renforcer son éducation financière. A cet égard, votre Institut a un rôle important à jouer, en liaison avec tous les acteurs possibles de l’éducation financière du public.

Q : La directive couvre-t-elle tous les sujets ? Le dispositif est il complet ?

mr delmaspetitminuscule jpgJDM : Non. La directive ne concerne que les titres (et autres instruments financiers) détenus en direct et les parts d’OPCVM. Elle ne concerne pas l’assurance vie.

Certes les directives assurance, notamment la dernière concernant l’intermédiation en ce domaine, soumettent les courtiers et agents généraux à des obligations d’information et de conseil voisines de celles imposées par la MIF. Toutefois, elles devront être harmonisées dans la forme avec celles imposées aux banques, entreprises d’investissement et conseillers en investissements financiers. Elles devront également être étendues aux réseaux salariés des entreprises d’assurance.

Par ailleurs, les produits financiers, qu’il s’agisse d’OPCVM ou de produits structurés, devront être soumis aux mêmes règles – et, le cas échéant, restrictions – de commercialisation, qu’ils soient vendus en direct ou insérés dans des contrats d’assurance vie en unités de compte, ce qui n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui.

Enfin, il conviendra de simplifier l’information pré-contractuelle sur les produits, notamment le prospectus simplifié des OPCVM, actuellement trop chargé en informations réglementaires d’importance inégale et de la rendre plus pertinente en la recentrant sur des éléments-clés qui sont indispensables à l’épargnant pour prendre ses décisions d’investissement en connaissance de cause.

Dans mon rapport sur la commercialisation des produits financiers, j’avais identifié six éléments-clés : la nature du produit (s’agissant par exemple des OPCVM, l’orientation principale des placements) ; l’existence ou non d’une garantie inconditionnelle de récupération du capital investi ; la durée minimale de placement recommandée à laquelle j’attache d’autant plus d’importance que la plupart des cas de ventes inadaptées sont imputables au fait qu’on propose aux gens des produits qui ne correspondent pas à leur horizon de placement ; des indications sur les chances de gain et les risques de perte sur cette durée ; l’impact sur la performance de l’ensemble des frais (droit d’entrée et commission annuelle sur encours) perçus, apprécié sur la même durée ; enfin le profil type de l’investisseur (qualifié ou grand public) auquel est destiné le produit.

Cette question fait l’objet d’un chantier ouvert au sein du CESR à la demande de la Commission européenne. Il devrait permettre de mettre à la disposition des consommateurs une information pré-contractuelle mieux adaptée à leurs besoins. Il pourrait, en même temps, être l’occasion de réhabiliter la véritable épargne longue, c’est à dire celle qui est détenue longtemps, en faisant passer le message, confirmé jusqu’à présent par les statistiques, que le couple rendement-risque des placements, notamment en actions, est d’autant meilleur que la durée de placement est longue.