Encourager l’épargne à long terme

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Interview réalisée en juillet 2009. David Thesmar est, depuis, devenu professeur de finances au MIT et Olivier Garnier, directeur général à la Banque de France, en charge des statistiques et de l’international. Depuis, le Prélèvement forfaitaire unique (PFU) a été introduit pour les principaux produits d’épargne, qui va dans le sens de la préconisation des auteurs de simplifier et alléger la fiscalité sur l’épargne. Pour le reste, cette interview reste tout à fait d’actualité.

David Thesmar, professeur associé à HEC, livre les principaux résultats du rapport « Epargner à long terme et maîtriser les risques économiques » réalisé pour le Conseil d’Analyse Economique auprès du Premier Ministre, dont il est le co-auteur avec Olivier Garnier Directeur général adjoint à la Société Générale Asset Management. 

Pourquoi faut-il encourager l’épargne à long terme des Français ?

En France, explique David Thesmar, la fiscalité de l’épargne est omniprésente et elle est d’une grande complexité. Il n’y a pas de contrepartie au régime fiscal favorable de l’épargne à court terme. De fait, l’État encourage les Français à épargner dans des dispositifs qui leur permettent de retirer facilement leur épargne. L’épargne est ainsi « biaisée » d’une part vers l’épargne courte et d’autre part vers l’assurance-vie, qui, selon David Thesmar, est une épargne effectuée avec un horizon de placement relativement court de 8 ans minimum. On est loin des horizons de 30 ans que sont typiquement ceux de l’épargne retraite.

Du fait de ces possibilités de retrait relativement faciles par les épargnants, les compagnies d’assurances et les banques mettent en face de cette épargne des actifs qu’elles peuvent facilement mobiliser à une décote relativement faible. C’est pourquoi l’épargne française est assez peu investie dans les types d’actifs, typiquement les actions, qui mûrissent à long terme, c’est-à-dire dont on sait, qu’à long terme, ils sont relativement sûrs, tout en offrant une bonne rentabilité.

Les ménages français appartenant aux classes moyennes détiennent ainsi directement ou indirectement, beaucoup moins d’actions que leurs homologues américains.

La fiscalité n’est pas la seule explication de cette spécificité française. Le mode de financement des retraites, souligne David Thesmar, en est aussi la cause. La détention d’actions par les ménages est beaucoup plus forte, non seulement dans des pays comme les États-Unis, le Royaume Uni ou les Pays Bas (qui ont privilégié quasi exclusivement des régimes de retraite financés par l’épargne) mais aussi dans des pays comme la Suède qui ne l’ont fait que très partiellement. Dans ces pays, la fiscalité est construite de façon à inciter les gens à acheter davantage d’actifs de type actions qui « maturent » à long terme.

Modifier la fiscalité de l’épargne

Sur la base de cette analyse, le rapport pour le Conseil d’Analyse Économique (CAE) préconise de modifier de deux façons la fiscalité de l’épargne :

Simplifier la fiscalité de l’épargne

Simplifier la fiscalité de l’épargne, en soumettant celle-ci à une imposition plate de 20 % à partir d’un certain niveau de revenu obtenu sur les placements. « Pour tout euro gagné sur votre épargne vous payez 20 centimes d’impôt, sauf pour les 500 premiers euros gagnés, (ou disons 300 ou 700, c’est un chiffre qui reste à calibrer) pour lesquels vous ne paierez rien du tout ». Les revenus de la petite épargne, correspondant à l’équivalent du livret A, resteraient ainsi exonérés. Une telle imposition très simple enverrait, selon David Thesmar, un signal neutre, en ne différenciant pas selon le type de placement effectué.

Encourager l’épargne à long terme

Selon David Thesmar, il s’agit d’appliquer un principe général de politique économique selon lequel l’État doit intervenir quand le marché ou les individus ne font pas ce qu’il faut faire. Or les gens savent épargner pour prévoir les coups durs, mais « ils ne sont pas équipés mentalement pour anticiper ce qui va se passer dans 30 ans ». Il faut donc ajouter une incitation fiscale spécifique.

Ainsi, par exemple, les dispositifs d’épargne retraite en entreprise devraient être des véhicules que l’on pourrait emporter avec soi d’un emploi à l’autre, car il va être de plus en plus courant de changer d’emploi plusieurs fois dans sa carrière professionnelle.

Maîtriser les risques financiers

La maîtrise de risques financiers dans le cadre d’une épargne de long terme est le deuxième thème du rapport de David Thesmar et Olivier Garnier.

Celle-ci passe essentiellement par la diversification et une gestion du portefeuille en fonction de l’évolution de l’horizon de placement, explique David Thesmar.

Selon lui, si on investit pour le long terme il faut avoir environ 40 % d’obligations, de 50 à 60 % d’actions, le reste (c’est-à-dire maximum 10 %) étant investi en liquidités. Avoir beaucoup d’actions est justifié parce qu’à long terme les actions offrent une rentabilité élevée par rapport à leur risque. Mais elles ne sont pas toujours rentables à long terme. C’est pourquoi, il faut aussi détenir des obligations qui sont moins risquées.

À l’intérieur de chaque classe d’actifs, il ne s’agit pas de « boursicoter », il faut également diversifier ses placements, ne pas avoir une entreprise « surpondérée », mais acheter un panier représentatif des grands indices mondiaux comme le CAC 40, les indices boursiers américains ou émergents, ces derniers étant, eux mêmes, plus rentables mais plus risqués. Selon David Thesmar, le mieux est d’acheter des parts de fonds qui achètent eux-mêmes des parts de nombreuses sociétés. Comme il n’y a pas un gérant meilleur que les autres, le mieux, dit-il, est de comparer leurs frais de gestion.

Enfin, la répartition entre actions et obligations doit, elle-même, évoluer en fonction de l’évolution de l’horizon du placement. Au fur et à mesure que l’âge de la retraite approche et, qu’en conséquence, l’horizon de l’investissement se raccourcit, il faut vendre ses actions et les remplacer par des titres plus sûrs comme les obligations.

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