La Bourse

la finance pour tous

weber bourse jpg On connait Max Weber comme l’un des fondateurs de la sociologie moderne, auteur de « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme » publié en 1904-05. On le connait moins pour avoir écrit sur la bourse quelques années auparavant entre 1894 et 1896. Le débat faisait rage en Allemagne sur la spéculation, accusée d’être responsable d’une très forte instabilité des prix des produits agricoles. Les deux articles que Max Weber publie au cours de ce débat sont aujourd’hui réédités par les Editions Alia dans une nouvelle traduction de Pierre de Larminat. Cette publication est une bonne idée.

Certes la bourse d’aujourd’hui n’est plus celle de la fin du 19ème siècle. Mais les questions posées sont toujours d’actualité. En 1892, déjà, une commission parlementaire était constituée en Allemagne pour réformer les marchés financiers. Face à l’instabilité des prix agricoles, les grands propriétaires terriens prussiens mènent bataille contre l’existence même de la bourse en Allemagne. Max Weber considère que cela la mettrait en danger, alors qu’elle est engagée, comme toutes les Nations, dans « une lutte économique inexorable et inéluctable pour leur existence nationale et la puissance économique ».

Ces deux articles regroupés aujourd’hui, ont été à l’origine publiés successivement dans la « Bibliothèque ouvrière de Göttingen ». L’auteur veut convaincre les ouvriers de ne pas rallier la cause des Junkers. Il fait de la pédagogie à l’usage de personnes qui ne connaissent ni ne fréquentent la bourse, et c’est l’intérêt essentiel de ce texte.

Max Weber expose en premier lieu « comment ça marche ». Il décrit la différence entre un marché et une bourse, les différents types de marchés boursiers, leur mode de fonctionnement. Il explique ce que sont les transactions sur les titres, les matières premières et les devises, les contrats à terme, les ventes à découvert, les appels de marge. Il désigne les acteurs, analyse le rôle et les pouvoirs des intermédiaires et des professionnels.

Même si les traders n’existaient pas encore, cette pédagogie de base reste très utile.L’auteur expose en second lieu l’apport de la bourse et même de la spéculation. Sans la Bourse des matières premières, et l’information sur les prix qu’elle fournit, les producteurs de céréales n’auraient pas la possibilité de contrôler le bénéfice réalisé par les négociants sur les céréales qu’ils achètent. Ils dépendraient de leur bon vouloir. Quant à la spéculation, elle permet de se prémunir contre les risques.

Max Weber n’est cependant pas naïf. Il sait qu’ « une bourse forte ne peut être un club de culture éthique et (que) les capitaux des grandes banques ne sont pas plus des institutions de bienfaisance que ne le sont les fusils et les canons ». Il reconnait notamment l’ambivalence de la spéculation, son caractère potentiellement déstabilisateur et formule des recommandations pour « renforcer la régulation » comme on dirait maintenant : arrêter d’inciter les personnes inexpérimentées à spéculer ; empêcher la spéculation sur les petites valeurs ; empêcher les spéculateurs sans capitaux de participer aux échanges…c’est-à-dire interdire ce qu’on appelle aujourd’hui « les ventes à découvert à nu » comme le préconise, 115 ans plus tard, la Chancelière allemande.

Max Weber Editions Allia2010, 160 pages, 6,10 €

 

0 commentaire

Commenter