Banque centrale européenne : le retour des mesures non conventionnelles

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La Banque Centrale européenne a annoncé le 6 octobre 2011 des mesures exceptionnelles pour faire face à la situation préoccupante des banques :

  • Deux opérations de prêts à un an à taux fixes et sans limites seront effectuées l’une en octobre et l’autre en décembre 2011. Elles s’ajouteront aux prêts à taux fixes et sans limites accordés depuis septembre 2008 qui sont maintenus au moins jusqu’en juillet 2012.

  • Un nouveau programme de 40 milliards d’euros d’achat d’obligations sécurisées démarrera à partir de novembre 2011. Il sera achevé au plus tard fin octobre 2012.

  • Parallèlement la BCE a décidé de maintenir inchangé son taux directeur à 1,5 %.

  • Ces mesures s’ajoutent à celles prises le 15 septembre de fourniture de liquidités en dollars aux banquesLa Banque centrale européenne renoue ainsi avec des mesures dites non conventionnelles employées à partir de 2008 et 2009.

Explications

Les mesures non conventionnelles sont des dispositifs de politique monétaire utilisés par les Banques centrales lorsque les instruments habituels de la politique monétaire deviennent inefficaces.

Le Traité européen qui a créé l’Euro (Traité de Maastricht) a donné à la BCE pour mission essentielle d’assurer la stabilité des prix. Les changements dans les traités ne l’ont pas modifiée.

Pour atteindre cet objectif la Banque centrale agit principalement par la fixation du taux d’intérêt auquel les banques se refinancent auprès d’elle. C’est ce qu’on appelle les taux directeur de la Banque centrale.

Stabilité des prix et mesures conventionnelles

Ces taux d’intérêt déterminent le coût des ressources que les banques se procurent sur le marchémonétaire (à court terme). Plus leurs ressources sont chères, moins les banques sont incitées à prêter et plus elles prêtent à taux élevé. Ces variations du volume et des conditions des prêts bancaires sont censées à leur tour avoir un rôle déterminant sur l’évolution des prix parce qu’elles déterminent l’évolution de la masse monétaire en circulation et parce qu’elles influencent les dépenses d’investissement et de consommation.

Nous ne sommes plus à l’époque de l’encadrement du crédit. Pour agir sur l’évolution des conditions de refinancement des banques auprès d’elle, la Banque centrale dispose de plusieurs leviers : L’instrument le plus important est constitué par les opérations appelées selon la terminologie anglo- saxonne « opérations d’open market » par lesquelles la Banque centrale procède sur le marché interbancaire à court terme à l’achat ou la vente de titres contre la remise de liquidités.

Deux autres leviers sont constitués par la facilité de prêt marginal, par lequel les banques peuvent obtenir auprès des banques centrales nationales de la liquidité au jour le jour contre des actifs éligibles et par la facilité de dépôt, à laquelle les banques peuvent avoir recours pour effectuer des dépôts au jour le jour auprès des banques centrales nationales. Le taux d’intérêt offert sur la facilité de prêt marginal est plus élevée que le taux du marché et le taux d’intérêt qui rémunère la facilité de dépôt est inférieure à au taux du marché. Les banques ne doivent pas être incitées à utiliser ces facilités plutôt que d’emprunter ou de prêter sur le marché monétaire.

Enfin les banques doivent constituer un minimum de réserves auprès des banques centrales nationales. Ces réserves obligatoires doivent être d’au moins 2 % des dépôts que les banques gèrent et de certaines autres de leurs ressources. Elles sont rémunérées au niveau du taux directeur. Ces réserves obligatoires créent ou accentuent le besoin structurel de liquidités des banques.

Stabilité du système financier et mesures non conventionnelles

La crise déclenchée en 2008 a montré les limites de ces instruments conventionnels pour assurer la stabilité du système financier menacé à l’époque par un effondrement généralisé avec des risques de conséquences désastreuses sur le crédit et l’économie.

La baisse massive des taux d’intérêt directeurs jusqu’à 1 % et les opérations d’open market n’ont pas suffi à rétablir la situation du marché monétaire interbancaire complètement bloqué. La Banque centrale européenne comme à l’époque les autres Banques centrales ont mis en œuvre des mesures exceptionnelles qualifiées de non conventionnelles :

Fourniture de liquidité à taux fixe, la totalité des soumissions étant servies

En temps normal, lorsqu’elles conduisent leurs opérations d’open market, la BCE et les banques centrales nationales de la zone évaluent le besoin total de liquidité du secteur bancaire et allouent ce montant à travers des appels d’offres. Pour empêcher le blocage du marché monétaire, elles ont décidé d’allouer la totalité de la liquidité demandée par les banques, c’est-à-dire de satisfaire toutes les offres, à un taux d’intérêt fixe et peu élevé. La BCE et les Banques centrales de la zone ont également décidé d’augmenter la fréquence et la durée de ces opérations de refinancement à plus long terme que celles s’inscrivant dans le cadre des mesures conventionnelles (opérations dites de refinancement à plus long terme, dites LTROs). Elles ont abaissé les exigences minimales concernant les garanties sur les actifs que les banques doivent fournir lors de tout refinancement auprès de la banque centrale.

Les banques ayant des difficultés à accéder à des liquidités en devises, la BCE a mené des opérations pour les leur fournir en collaboration avec d’autres banques centrales.

Enfin, plutôt que d’accepter simplement certains actifs en garantie, la BCE a décidé d’acheter ce type d’actifs directement. C’est ce qu’on appelle des opérations d’achat d’obligations « sécurisées ». La BCE a agi d’abord sur le marché de la dette privée pour faciliter le refinancement à long terme des banques. Depuis le déclanchement de la crise sur les dettes publiques en 2010, elle mène aussi des achats d’obligations publiques. L’objectif est combattre la spéculation et la montée des taux d’intérêt sur la dette publique de certains Etats et de les aider à se refinancer. Début octobre 2011, la BCE a acquis plus de 160 milliards d’euros d’emprunts d’Etat grecs, portugais, irlandais, italiens et espagnols.

Ces opérations n’ont pas vocation à devenir permanentes. D’une part si elles s’attaquent aux crises de liquidité des banques, elles ne traitent pas les problèmes de solvabilité .

D’autre part elles constituent des injections massives de liquidités qui pour la BCE risquent de menacer la réalisation de l’objectif de stabilité des prix. C’est pourquoi elles sont mises en place en cas d’urgence de façon adaptée et ciblée. Face au rebond de la crise bancaire à l’automne 2011, certaines mesures non conventionnelles ont été réactivées et d’autres amplifiées.