Un rapport sur le patrimoine des ménages et sa fiscalité

la finance pour tous

À la demande du Président de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale, le Conseil des prélèvements obligatoires a réalisé une étude consacrée aux prélèvements fiscaux et sociaux sur le patrimoine des ménages. Celle-ci a été rendue publique le 4 mars 2009. Le rapport retrace les évolutions du patrimoine des Français depuis 10 ans. Il présente les principales caractéristiques des prélèvements sur le patrimoine et leur impact économique et il s’interroge sur les réformes possibles. Les données portent principalement sur la période 1997/2007. Elles n’intègrent pas les effets de la crise actuelle, mais le rapport s’efforce d’en préfigurer les effets tant sur le patrimoine que sur les prélèvements.

Patrimoine : 9800 milliards

Le patrimoine des ménages français a considérablement augmenté de 1997 à 2007. Le patrimoine net (c’est-à-dire déduction faite des dettes) est passé de 3800 milliards d’€ soit 4, 6 ans du revenu total des ménages à 9400 milliards soit 7, 5 années de revenu d’€. Cette progression exceptionnelle a été plus forte que dans les autres pays de l’OCDE. Elle s’explique pour beaucoup par la hausse des prix de l’immobilier.

La composition du patrimoine des ménages, en France a peu évolué. Elle est composée pour moitié d’immobilier et principalement de la résidence principale, pour un tiers d’épargne financière et pour 15 % environ de biens professionnels. Au sein de l’épargne financière, les placements risqués en actions ont continué d’avoir une place relativement modeste, sauf pour les patrimoines les plus élevés. L’assurance-vie a fortement progressé et les dépôts et livrets ont conservé une place importante. Sans surprise non plus, le rapport confirme l’ampleur des inégalités : les 10 % de ménages les plus riches possèdent près de la moitié du patrimoine brut total et les 1% les plus riches en possédent 13%. Selon le rapport, les inégalités s’expliquent par des différences d’âge, de revenus ou de niveau social et, plus encore, par les successions et donations. Elles ne semblent pas s’être accentuées depuis le début des années 1990 ; elles paraissent plutôt moins fortes qu’à l’étranger.

1Patrimoineetrevenumenages gif

2patrimoinenetmenagesannees gif

3repartitionpatrimoine2007 gif

Revenus du patrimoine : 174 milliards :

Le rapport a également cherché à évaluer les revenus du patrimoine des ménages et leur évolution. Comme il le souligne lui-même, la plus grande prudence s’impose sur les chiffres obtenus. Les revenus de la propriété, qu’ils soient financiers, fonciers ou immobiliers, sont beaucoup moins bien connus que les autres et notamment que les salaires.

Le rapport estime à 174 milliards les revenus bruts de la propriété des ménages pour l’année 2007 contre 119 en 1997.

Si le patrimoine a augmenté beaucoup plus vite que l’ensemble des revenus des ménages, ce ne serait donc pas le cas des revenus tirés annuellement de ce patrimoine. Ils auraient au contraire progressé moins vite que les autres revenus (+46% en 10 ans contre +51% pour l’ensemble des revenus). Au total les revenus de la propriété représentaient 14,5 % du total des revenus des ménages en 1997 et 14% en 2007).

3% de rendement annuel

Ramené à la valeur du patrimoine de 2007, cela fait seulement 3% de rendement (en ne comptant pas la valeur les résidences principales et secondaires qui ne produisent pas de revenus). C’est peu d’autant que cela ne tient pas compte de l’inflation.. Cela tient pour une part à la composition peu risquée du patrimoine des ménages. Mais cela peut être une sous-estimation due aux difficultés de connaitre précisément les plus-values réalisées, aussi bien que les revenus tirés de la location, et de la propriété professionnelle.

Le rapport souligne également que la concentration des revenus de la propriété est plus forte encore que celle de la détention du patrimoine lui même. En 2007, les 10% de ménages les plus riches ont concentré 79 % des revenus tirés de cette richesse. Cette proportion est stable entre 2003. Là encore rien d’étonnant : les ménages les plus riches sont ceux qui concentrent le plus les placements risqués et les plus rentables, du moins, durant la période considérée.

Prélèvements fiscaux et sociaux : 65 milliards d’euros

Le rapport étudie ensuite les six prélèvements sociaux et fiscaux sur le patrimoine.

  • l’ISF et les taxes foncières qui taxent la simple détention du patrimoine

  • les droits sur les mutations à titre onéreux et les droits de succession et de donation qui taxent la transmission du patrimoine ;

  • les prélèvements sociaux (principalement la CSG) qui pèsent sur les revenus du patrimoine financier.

Le produit total des prélèvements sur le patrimoine des ménages est évalué en 2007 à 65 milliards d’euros.

 Les prélèvements fiscaux et sociaux sur le patrimoine des ménages en 2007 (en milliards d’€)

Impôts sur la détention du patrimoine

22

ISF

 4

Taxes foncières

18

Impôts sur la transmission du patrimoine

18,5

Droits sur les mutations

9,5

Droits de succession et de donation

9

Impôts sur le revenu du patrimoine

24,2

Prélèvements sociaux

14,6

Impôt sur le revenu au barème

8,5

Prélèvement forfaitaire libératoire

1,1

Total

64,7

Doublement en 10 ans

Selon le rapport, les prélèvements sur le patrimoine en France représentent 3,4 % du PIB. Ils sont sensiblement supérieurs à celui constaté en moyenne dans les autres pays de l’OCDE. Ils ont sensiblement augmenté puisqu’ils ont doublé en 10 ans.

Attention cependant de ne pas en tirer des conclusions hâtives, a tenu à préciser le Président de la Cour des comptes en présentant le rapport.

Cette forte progression est d’abord due à ce que l’on appelle un effet d’assiette : les impôts assis sur la valeur vénale des actifs ont naturellement suivi la même évolution que les prix de l’immobilier et des actifs financiers. La chute actuelle des prix va donc conduire à une évolution inverse.

En second lieu il y a eu un double mouvement : d’un côté des allègements sur les droits de succession et de donation, et en sens inverse un alourdissement des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine qui sont passés en 10 ans de 3 à 14 milliards d’euros.

Il faut savoir par ailleurs que les bénéficiaires des ressources fiscales prélevées sur le patrimoine sont d’abord les collectivités territoriales qui en perçoivent 40 % (notamment les droits de mutation). Elles vont donc être les plus pénalisées par la crise et notamment par le gel des transactions immobilières.

4beneficiairesprelevpatrimoine1997 gif

5beneficiairesprelevpatrimoine2007 gif

Juxtaposition préjudiciable

Au delà de ces chiffres, le rapport souligne que la fiscalité du patrimoine souffre d’une juxtaposition de prélèvements, construits sur des assiettes hétérogènes, sans véritable pilotage d’ensemble. La situation est loin d’être optimale en termes d’efficacité économique aussi bien que d’équité. « Dans certains cas extrêmes, note le rapport, dont la fréquence est toutefois difficile à mesurer, l’utilisation de toutes les subtilités de la législation fiscale peut aboutir à un allègement très substantiel, voire une quasi-disparition de l’impôt sur le patrimoine, en particulier des droits de succession et de donation ».

Réfléchir aux évolutions de chaque impôt dans un cadre global

À partir de cette analyse, le rapport préconise de rechercher une meilleure cohérence et lisibilité des règles fiscales concernant le patrimoine et de réfléchir aux évolutions possibles de chacun des 6 impôts concernés dans un cadre global et non pas simplement un par un.

Ainsi par exemple s’agissant de l’ISF. Le rapport montre que l’ISF évolue de plus en plus vers une imposition de seul patrimoine foncier. Si l’on voulait confirmer cette situation il faudrait sans doute inscrire l’évolution de l’ISF dans une évolution plus générale de la fiscalité de la propriété immobilière qui inclurait les taxes foncières. Mais note le rapport, d’autres pistes sont envisageables pour traiter le déséquilibre de cet impôt. La solution retenue en Allemagne a consisté, après avoir supprimé l’impôt sur la fortune, à relever le taux de la tranche marginale de l’impôt sur le revenu. Si elle était retenue pour la France une telle solution pourrait avoir des incidences sur le bouclier fiscal.

Pour aller plus loin :

Consulter le texte du rapport

Le site de la Cour des comptes