A propos d’EADS. Qu’est ce qu’un délit d’initié ?

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A l’occasion de la révélation par Le Figaro d’une note transmise par l’AMF au parquet de Paris, on reparle d’une affaire d’initiés à EADS.C’est l’occasion de faire le point rapidement sur quelques notions, pas toujours très connues.

Un délit d’initié, c’est quoi ? C’est le fait pour une personne d’acheter ou de vendre des titres cotés (souvent des actions) alors qu’elle possède une information que les autres n’ont pas sur cette entreprise, une information dite privilégiée.

Qu’est-ce qu’une information privilégiée? Pour faire simple, c’est une information importante et précise, qui n’est pas connue du public et qui, si elle l’était, aurait une incidence sur le cours du titre de la société concernée. Exemple : vous apprenez qu’une entreprise est sur le point de signer un contrat qui lui garantit 5 ans de chiffre d’affaires et de résultats bénéficiaires. Si vous achetez une grosse quantité d’actions de cette société, vous utilisez une information privilégiée. Mais vous entendez dire par la rumeur publique que peut-être un des dirigeants va donner sa démission. Rien ne dit que cette nouvelle va faire baisser le titre… Cette information n’est sûrement pas assez précise (rumeur) et sans doute pas susceptible d’avoir un effet sur le cours du titre.

Là où les choses se compliquent, c’est qu’on distingue délit et manquement. C’est plus ou moins la même chose, mais le délit est une infraction pénale, il relève de la procédure pénale (instruction, procès…), est punissable d’amendes ou même de peines de prison… Comme pour toute infraction pénale, le juge va s’attacher à l’intention de celui qui a commis le délit (Avait-il l’intention de profiter d’une information que lui seul détenait ?)

Le manquement d’initié, c’est plus ou moins la même chose, mais c’est l’Autorité des Marchés Financiers qui est compétente pour en « juger ». L’AMF ne peut pas infliger de peines de prison, mais seulement des sanctions pécuniaires, plafonnées, comme les amendes pénales, à 1.500.000 euros (ou jusqu’à dix fois les gains). Si, au cours d’une enquête, elle a connaissance de faits dont elle pense, en première analyse, qu’ils pourraient être qualifiés pénalement, l’AMF transmet les éléments en sa possession à la justice pénale.

Les textes sont plus exigeants à l’égard des dirigeants.Le manquement consiste pour des personnes qui détiennent une information privilégiée à ne pas respecter l’interdiction qui leur est faite de s’abstenir de l’utiliser sur le marché ou de la communiquer à des tiers. Mais on fait une différence entre les personnes proches de la société (qui la connaissent mieux que les autres) comme les dirigeants, les actionnaires, les conseils… et les personnes qui lui sont plus extérieures. S’agissant des premières, on leur impose tout simplement de s’abstenir d’utiliser les informations qu’elles auraient. « Vous savez que la société va mal, vous devez vous abstenir de vendre des actions de cette société ». S’agissant des personnes extérieures, on admet qu’elles puissent ne pas faire la distinction entre ce qui est une information privilégiée et ce qui ne l’est pas, qu’elles puissent ne pas réaliser qu’elles étaient en possession d’une telle information. Leur comportement n’est donc répréhensible que si elles savaient ou auraient dû savoir qu’elles étaient en possession d’une information privilégiée.

Information privilégiée et information du publicCes deux notions sont très liées. Si un dirigeant est considéré comme ayant utilisé une information privilégiée, c’est qu’il a « omis » de révéler au public des faits importants qui auraient eu un impact sur le cours du titre. Cette mauvaise information du public est également punissable, là aussi par le juge pénal et par l’AMF.Les deux sujets peuvent être associés, mais ne le sont pas toujours. Parfois les dirigeants informent mal le public mais n’utilisent pas cette information pour faire des opérations pour leur compte. Inversement, une personne peut avoir utilisé une information qu’elle connaissait de par ses fonctions, mais n’être pas responsable de la communication de la société et donc pas susceptible d’être sanctionnée à ce titre.