Quatre banques françaises maintenues dans la liste des « too big to fail »

la finance pour tous
Le Conseil de stabilité financière (FSB) a récemment remis à jour la liste des établissements financiers dits « too big to fail », littéralement « trop gros pour tomber ». Comme en 2011, les quatre grandes banques françaises (BNP Paribas, BPCE, Société Générale et le Crédit Agricole) figurent parmi les vingt-huit banques citées. Fait notable : la banque franco-belge Dexia n’en fait plus partie.

Objectif : prévenir un risque systémique

Depuis la déréglementation financière initiée par les Etats-Unis dans les années 1980, le système financier repose sur un mécanisme complexe fait de relations d’interdépendance entre banques de différents secteurs (banques de détail, banques d’affaires, banques d’investissement) intervenant sur différents types de marchés (marché des dérivés, marché des changes…) et ce, à une échelle désormais mondiale. Dès lors, tout choc intervenant dans une de ces sphères peut s’étendre et asphyxier l’ensemble du système économique.

L’objectif de cette liste est donc d’identifier les structures financières dont la faillite pourrait  contaminer l’ensemble des acteurs du secteur bancaire par une réaction en chaîne et ainsi provoquer l’effondrement de l’ensemble de l’économie mondiale. La défiance des banques les unes envers les autres entraîne un resserrement de l’octroi de crédit paralysant ainsi l’économie réelle. C’est ce que l’on appelle le risque systémique. C’est dans ce contexte que l’expression « too big to fail » est souvent utilisée : faut-il sauver les banques responsables des défaillances du système financier ou laisser le système tout entier s’effondrer au risque de paralyser l’économie réelle ? En 2008, l’Etat américain s’est retrouvé face à ce dilemme complexe : à l’exception de Lehman Brothers, le Plan Paulson, dénomméTARP (Troubled Asset Relief Program) a permis l’injection de quelque 700 milliards de dollars dans les rouages du système bancaire américain.

Too big to fail : Ce terme a été utilisé pour la première fois par Stewart Mc Kinney, alors membre du congrès américain, lorsqu’en 1984, l’une des plus grosses banques américaines The Continental Illinois National Bank s’est retrouvée en situation d’insolvabilité nécessitant l’intervention du FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation). 4,5 milliards de dollars ont alors été injectés pour sauver cette banque qui menaçait la santé financière du secteur tout entier, intervention qui inspira Stewart Mc Kinney accusant alors le gouvernement américain d’avoir créé une nouvelle classe de banques, les « too big to fail ».

La question s’est également posée en Europe mais là encore les Etats sont intervenus, notamment le gouvernement britannique dont le plan de sauvetage des banques a atteint près de 850 milliards de dollars.

L’identification de ces « too big to fail » est donc nécessaire afin d’éviter de nouveaux plans de sauvetage bancaires et d’améliorer les réglementations prudentielles auxquelles sont déjà assujetties ces banques (réglementation Bâle).

Un processus d’identification inchangé

Comme en 2011, le Conseil de stabilité financière a établi différentes familles de critères pour identifier les établissements bancaires « too big to fail » que sont :

  • la taille du bilan,

  • l’interconnexion avec d’autres banques,

  • la capacité à remplacer un concurrent défaillant,

  • le caractère international ou national,

  • la complexité de leurs activités.

La liste ainsi obtenue et classée par ordre d’importance est la suivante : Citigroup, Deutsche Bank, HSBC, JP Morgan Chase, Barclays, BNP Paribas, Bank of America, Bank of New York Mellon, Credit Suisse, Goldman Sachs, Mitsubishi UFJ FG, Morgan Stanley, Royal Bank of Scotland, UBS, Bank of China, BBVA, Groupe BPCE, Groupe Crédit Agricole, ING Bank, Mizuho FG, Nordea, Santander, Société Générale, Standard Chartered, State Street, Sumitomo Mitsui FG, Unicredit Group, Wells Fargo.

Les objectifs du FSB restent inchangés : renforcer les fonds propres de ces banques et établir un plan de faillite bancaire ordonnée. Par exemple, le 2 novembre dernier, Le gendarme financier allemand BaFin a demandé à la Deutsche Bank de remettre en priorité son« testament », c’est-à-dire les documents exposant la réorganisation et le démantèlement de ses activités en cas de crise menaçant sa survie.

Une liste non définitive

Comme le souligne le rapport du FSB, cette liste ne sera définitive qu’en 2014. D’ici là, d’autres établissements bancaires « too big to fail » pourraient y entrer ou en sortir. En effet, sur les 29 établissements bancaires listés en 2011, trois ont été exclus : le franco-belge Dexia, l’allemand Commerzbank et le britannique Lloyds Banking Group. A l’inverse, deux nouveaux établissements ont rejoint la liste : l’espagnol BBVA et le britannique Standard Chartered. Comme en 2011, cette liste ne contient que des établissements bancaires mais le FSB a de nouveau rappelé que d’autres types établissements (fonds d’investissements, assureurs…) pourraient y faire leur entrée d’ici à 2014.

L’aléa moral

Par ailleurs, en étant qualifiées de « too big to fail », ces banques s’assurent de l’engagement des banques centrales et des Etats de leurs refinancements en cas de situation d’illiquidité ou d’insolvabilité. Cet engagement constant pourrait inciter les banques à prendre davantage de risques. C’est ce que l’on appelle l’aléa moral. Pour certains observateurs, il faudrait ainsi se concentrer sur le démantèlement des activités bancaires. Par exemple, séparer les banques de dépôt des banques d’investissement. Pour d’autres, cette voie semble « impraticable ».