Le capitalisme hors la loi

la finance pour tous

Le capitalisme hors la loi A travers 18 courts chapitres, Marc Roche, correspondant du Monde à Londres, se penche sur les dessous du « capitalisme de l’ombre » dans son nouveau livre « le capitalisme hors la loi ».

Chaque chapitre se concentre sur une thématique précise (pétrole, paradis fiscaux, régulation, matières premières etc) pour nous en livrer les coulisses en mêlant description des lieux et personnages sous forme anecdotique et analyse du rôle de ces pratiques de l’ombre dans la crise financière de 2008-2009 et les scandales financiers des dernières décennies.

Les coulisses du casino

Dans la première partie du livre « les coulisses du casino », Marc Roche nous confie les secrets bien gardés des financiers à travers le monde : du hors-bilan pratiqué chez Lehman Brothers sous la forme de Special Investment Vehicles (SIV) qui englobaient les crédit subprimes pourris dont les pertes n’apparaissaient qu’en marge des comptes – aux relations incestueuses de Goldman Sachs et BP avant et pendant l’accident de la plateforme Deepwater Horizon le 22 avril 2010 à l’origine d’une marée noire désastreuse.

Il expose tour-à-tour le rôle des agences de notation dans la crise de la dette souveraine en Europe, l’existence de paradis fiscaux où sont domiciliées des coquilles vides servant à l’ « optimisation fiscale » des comptes d’entreprises ou de grandes banques y compris des banques françaises (BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole) implantées aux îles Caïmans jusqu’en 2010.

Il y décrit l’immobilisme des régulateurs qui « ont en partie échoué dans leur mission de surveillance » pendant la crise de 2008, faute de moyens et de personnel compétent. Depuis, explique Marc Roche, la régulation a été renforcée. Dans le secteur bancaire, la loi Dodd-Franck a vu le jour dans le but de « prévenir le risque systémique, neutraliser les établissements « too big to fail », rendre transparent le mystérieux marché des produits dérivés et protéger le consommateur contre les crédits prédateurs. »

Cependant, cette loi, les accords de Bâle III et les trois institutions mises en place par l’Union Européenne ne suffiraient pas selon l’auteur à régler « les causes profondes des dysfonctionnements du système. » Marc Roche déplore la trop grande taille des banques empêchant la libre concurrence et dont les outils informatiques sont plus performants que ceux des régulateurs. S’ajoutent à cela, la complexité des nouvelles réglementations qui les rendent difficilement applicables, la mauvaise coordination entre les autorités et le pouvoir du lobby bancaire.

Un nouveau krach possible ?

La seconde partie « un nouveau krach est-il possible ? » s’attaque aux relations entre le monde des finances et celui de la politique, citant notamment l’exemple de l’administration Bush et de la banque Goldman Sachs unies dans le sauvetage d’AIG comme dans la disparition de Lehman Brothers. On y découvre aussi l’impunité avec laquelle les puissants à l’origine du maquillage des comptes grecs ou de l’invention de produits toxiques comme les CDS (Credit Default Swaps) et autres pratiques douteuses se sont retrouvés à la tête de hedge funds ou encore de compagnies d’assurance après la crise. « Le constat est édifiant, dit Marc Roche, les responsables de la crise n’ont pas seulement survécu, ils ont prospéré. »

Les dysfonctionnements du capitalisme n’ont pas cessé avec la crise, constate Marc Roche. Il rappelle comment fin 2010, LVMH a mis la main sur Hermès en faisant racheter à ses quatre filiales immatriculées à Panama – la place offshore non coopérative en tête de la liste de l’OCDE- des actions d’Hermès via des contrats d’equity swaps passés avec des établissements financiers français. Marc Roche explore aussi la place de l’Irlande dans la crise de la dette souveraine, celle des hedge funds ou fonds spéculatifs, qui gagnent de l’argent quand les autres en perdent, le rôle des avocats d’affaires dans les montages financiers arrangeants, la spéculation sur les métaux précieux (notamment l’argent) et enfin les fonds souverains du Moyen-Orient qui « illustrent jusqu’à la caricature le capitalisme de l’ombre. »

La conclusion du livre n’est guère plus optimiste. « Ce sous-système quasi autonome cachant des transactions financières aussi invisibles que massives et des affaires pourries peut provoquer un cataclysme comme celui qui vient d’affecter le système économique mondial. Avec, à la clé, une nouvelle plongée dans la récession et une chute encore plus grave du niveau de vie. »

Pour Marc Roche, il est temps de s’attaquer au « chantier des chantiers » qu’est l’économie de l’ombre.

Marc Roche Albin Michel Septembre 2011, 272 pages

0 commentaire

Commenter