Débats sur la réforme du crédit à la consommation

la finance pour tous

Les principales orientations du projet de loi sur le crédit à la consommation ont été présentées aux associations de consommateurs, le 16 mars, avant qu’une version légèrement modifiée de l’avant-projet de loi ne soit exposée quelques jours plus tard.

Le projet de loi sera quant à lui examiné en Conseil des Ministres le 22 avril avant d’être ensuite soumis au Parlement.

Il s’agit là d’un thème très sensible, particulièrement dans le contexte de la crise financière. Le débat sur le projet est déjà lancé. Les analyses et les propositions sont nombreuses.

Rappel des principales propositions du projet actuel

2{Encadrer la publicité pour empêcher les pratiques agressives2}

  • Imposer une mention légale dans toutes les publicités relatives à un crédit : « un crédit vous engage et doit être remboursé »

  • Interdiction des mentions qui suggèrent qu’un crédit améliore la situation financière de l’emprunteur

  • Obligation d’illustrer le coût des crédits renouvelables dans les publicités par un exemple chiffré, le même dans toutes les publicités

2{Encadrer les conditions de remboursement d’un crédit renouvelable 2}

  • Prévoir que chaque échéance de crédit renouvelable comprend obligatoirement un amortissement minimum du capital restant dû

  • Informer le consommateur emprunteur dans son relevé mensuel sur la durée estimée que prendra le remboursement de son crédit

2{Renforcement des obligations et des responsabilités des prêteurs, notamment en cas de crédit sur le lieu de vente2}

  • Mise en place d’un « devoir d’explication » du prêteur à l’égard de l’emprunteur

  • Obligation pour le prêteur d’évaluer la solvabilité de l’emprunteur

  • Obligation pour les prêteurs de consulter avant d’accorder un crédit, le fichier FICP qui recense les incidents de remboursement sur les crédits aux particuliers

  • Pour tout crédit sur le lieu de vente, remise obligatoire d’une fiche à remplir par le vendeur et le consommateur- emprunteur comprenant des informations relatives aux revenus et à l’endettement de l’emprunteur qui aideront à apprécier la solvabilité de celui-ci

  • Renforcement du rôle de la Commission bancaire (régulateur des banques et des établissements de crédit en matière de contrôle de la commercialisation des crédits)

2{Réformer les cartes de fidélité pour les rendre plus responsables et plus transparentes2}

  • Interdiction de conditionner des avantages commerciaux à l’utilisation à crédit d’une carte de fidélité.

  • Obligation pour le prêteur d’obtenir l’accord exprès du consommateur (lors de son passage en caisse ou en fin de mois) pour débiter des sommes à crédit

  • la publicité pour les cartes de fidélité doit faire apparaître clairement si une fonction crédit y est attachée

2{Réglementer les activités de rachat de crédit2}

  • Mise en place de mesures de mesures spécifiques de protection des consommateurs-emprunteurs en matière de regroupements de crédit

2{Renforcement des règles de protection des consommateurs-emprunteurs2}

  • Relèvement de 21500 à 75 000 € du montant des prêts en dessous desquels s’appliquent les règles protectrices en matière de crédit à la consommation

  • Allongement de 7 à 14 jours du délai de rétractation sur les crédits

Ces deux dispositions correspondent strictement à l’obligation de transposition de la directive européenne sur le crédit à la consommation)

2{Mieux accompagner les personnes en situation de surendettement2}

  • Raccourcissement des durées d’inscription au FICP (fichier des incidents de paiement) de 8 à 5 ans suite à une procédure de rétablissement et de 10 à 5 ans dans le cas d’un plan de remboursement suite à une procédure de surendettement

  • Accès des emprunteurs aux informations FICP les concernant

  • Raccourcissement du délai de décision de la commission de surendettement de 6 à 3 mois

  • Suspension des voies d’exécution dès la recevabilité du dossier de surendettement

  • Possibilité pour les commissions de surendettement de décider des rééchelonnements de dettes et des effacements d’intérêts

2{Réformer l’assurance emprunteur*2}

  • Suppression de la disposition législative qui autorise les banques, à l’occasion d’une demande de crédit immobilier, à imposer au consommateur d’adhérer au contrat d’assurance emprunteur qu’elles commercialisent.

  • Obligation pour les distributeurs d’afficher le prix de l’assurance emprunteur en euros par mois notamment dans la publicité.

* voir l’article « assureur emprunteur« 

Les principaux points en débat

2{Le renforcement de l’information, du conseil et de l’éducation du consommateur-emprunteur2}

  • Le rapport du cabinet de consultant Athling sur le crédit renouvelable réalisé en 2008 pour le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) préconise des mesures concrètes d’éducation des clients comme des vendeurs. Il propose de « mettre en place un cursus de formation au crédit du vendeur en magasin », et de « prévoir dans le cursus scolaire des enseignements sur la gestion budgétaire ».

  • Le think tank Terra nova souhaite que le consommateur soit informé plus clairementet que la loi oblige les établissements prêteurs à s’assurer de la bonne compréhension par leurs clients des mécanismes du crédit, ce qui est une antienne jamais réalisée. L’idée serait d’instaurer, comme cela a été fait en novembre 2007 pour les placements financiers, un questionnaire rapide à remplir avec le client avant toute contractualisation d’un crédit à la consommation (amortissable ou renouvelable).

    Consulter les propositions de Terra Nova.

  • Pour leur part, les Sénateurs de l’Union centriste veulent réglementer encore davantage la publicité et même l’offre préalable, souvent agressive et peu claire. Ils demandent d’imposer aux établissements de crédit de faire figurer sur leurs publicités un avertissement visant à alerter les emprunteurs potentiels des risques de surendettement

2{Prévenir le surendettement2}

La création d’un fichier centralisant les différents crédits souscrits par chaque ménage et qui devrait être consulté par les prêteurs préalablement à tout octroi de crédit nouveau est une mesure proposée par certains sous le nom de fichier positif. Celle-ci ne fait toutefois pas l’unanimité, même parmi ceux qui trouvent que le projet du gouvernement ne va pas assez loin.

Elle est considérée comme la seule réellement efficace et pour ses promoteurs (Terra Nova, le groupe de l’Union centriste, le groupe socialiste au Sénat), il est possible de la mettre en place d’une façon protectrice des libertés et qui garantisse la non utilisation commerciale d’un tel fichier, tel que cela semble être le cas en Belgique.

Notons que le Conseil Economique et Social, après l’avoir étudiée, n’avait pas préconisé cette mesure dans son rapport sur le surendettement (décembre 2007) Ni les professionnels (invoquant l’usage commercial qui pourrait en être fait), ni une majorité d’associations syndicales et familiales (pour des raisons de protection des libertés) n’y étaient jusqu’à présent pas favorables.

2{Limiter le développement du crédit revolving2}

Les associations de consommateurs présentent ici de nombreuses demandes, sur lesquelles les sénateurs socialistes les rejoignent pour partie.

  • la dissociation crédit revolving/carte de fidélité constitue une revendication majeure notamment du CLCV et de UFC- Que choisir (niveau 3). C’est également une proposition des sénateurs socialistes (art 10) et de Terra Nova.

  • l’interdiction du crédit renouvelable dans la grande distribution. C’est également une proposition des sénateurs socialistes (art 9)

  • l’interdiction du commissionnement des vendeurs sur la vente d’un crédit (proposition de la CLCV)

  • un accord exprès pour le renouvellement d’un contrat de crédit revolving qui n’a pas été utilisé pendant un an (CLCV)

  • l’interdiction du démarchage (appel UFC-Que Choisir)

2{Promouvoir d’autres formes de crédit2}

  • Des associations de consommateurs réclament que les professionnels soient tenus de proposer plusieurs types de crédits lorsqu’un crédit renouvelable est « offert » pour le financement d’un bien ou d’un service. A cela pourrait s’ajouter une simulation chiffrée de chacune des deux options (proposition du CLCV).

  • Une des solutions pour développer d’autres formes de crédit est de réformer le taux d’usure qui constitue le taux maximum possible pour un crédit. Ce taux est très élevé pour le crédit revolving : 21.32%, à ce jour. Il est à l’inverse relativement bas pour les prêts « classiques » à la consommation : 9.92 % (pour les montants supérieurs à 1.524 €). Soit un différentiel de plus de 11 points. Conséquence : ces taux incitent les banques à n’octroyer des prêts « classiques » qu’aux ménages fortement solvables (car leur rémunération est faible) et à basculer le maximum de clients, et notamment tous les clients à risque, sur les crédits revolving fortement rémunérés. Ils souhaitent que ces taux soient harmonisés à la fois de rendre le crédit revolving moins coûteux et le crédit à la consommation classique plus accessible (en augmentant les marges possibles pour les banques) car aujourd’hui 25 % de la population française en serait exclue.

  • Ils préconisent d’autre part la création d’un crédit social à la consommation. L’idée serait d’inciter les banques à octroyer un crédit à la consommation « classique » plafonné à 3 000 € pour les personnes disposant de ressources limitées, en mettant en place un dispositif de soutien public permettant de couvrir les surcoûts liés aux taux de défaillance et aux coûts de gestion (prêts de faibles montants) supérieurs de cette clientèle.

Notez que ce crédit social à la consommation serait très proche du micro-crédit social développé par la Caisse des dépôts en partenariat avec les collectivités locales (notamment à Paris).

2{Renforcer la prise en charge des personnes surendettées2}

Nombreux sont ceux qui s’inquiètent également des problèmes potentiels de surendettement concernant les emprunteurs existants. Selon Pierre Blanc, associé du cabinet de conseil Athling, la réforme n’aborde pas suffisamment ce sujet alors que « de 1 à 2,6 millions de ménages estiment déjà leur charge de remboursement trop élevée. » (cité par le journal La Tribune du 8 avril 2009). Il propose à cet effet la création d’une plate-forme paritaire nationale unique d’accompagnement des ménages en difficulté. Une proposition qui reçoit le soutien de plusieurs associations (notamment l’association Cresus) même si cela ne serait sans doute pas suffisant : il ne suffit pas qu’une structure existe pour que les ménages en difficulté y aient recours.

Dès lors l’importance de développer une information pédagogique du public sur ce sujet se révèle nécessaire.