Revue de presse : où vont les banques ?

la finance pour tous

Avec la publication en mai de leurs comptes pour le 1er trimestre 2008, les banques américaines, européennes et asiatiques auraient comptabilisé en tout depuis le déclenchement de la crise, 165 milliards de $ de pertes potentielles liées aux subprimes.

200 à 300 milliards de $.

Selon une analyse de l’agence de notation Fitch, dont la presse s’est faite largement l’écho, cela représente 80 % de leurs pertes potentielles totales pour les actifs liés aux subprimes, qu’elle estime à 200 milliards pour les banques. 200 autres milliards seraient supportés par les assureurs, les rehausseurs de crédits, les hedge funds

D’autres analyses donnent des estimations plus élevées de la facture totale. Dans une étude du numéro de mai 2008 de la revue Conjoncture publiée par BNP Paribas, Laurent Quignon annonce une facture totale de 300 milliards pour les banques et de 100 à 200 pour les autres acteurs.

4 banques totalisent à elles seules autour 60% des pertes comptabilisées. Il s’agit de 2 banques américaines , une banque suisse UBS (37 milliards de $] »/> et une banque allemande IKB (9 milliards de $.

Moitié Etats-Unis moitié Europe ?

Selon l’agence Fitch, les banques des Etats-Unis et celle de l’Europe enregistreraient à ce jour des pertes équivalentes de 77 milliards; l’Asie étant davantage épargnée avec seulement 10 milliards de pertes. Pourtant l’épicentre de la crise était aux USA. Pour sa part, Laurent Quignon se réfère aux estimations différentes du FMI : 55% de la facture totale pour les Etats-Unis, 40 % pour l’Europe et 4 % pour le Japon.

«Proche de l’épicentre, explique–t-il, les banques américaines sont évidemment les premières concernées. De l’autre côté de l’Atlantique, le tableau est plutôt rassurant. Les grandes banques ont certes publié des résultats décevants, mais à l’exception notables des banques suisses, elles ont évité les pertes et préservé leurs capitaux propres ».

L’impact est également élevé pour le Royaume-Uni dont les banques enregistreraient à elles seules 15 % de la facture bancaire mondiale, soit presque autant que toutes les autres banques de l’Union Européenne.

Et la France ?

Les dépréciations d’actifs enregistrées depuis le 3ème trimestre 2007 se sont élevées pour l’ensemble des banques françaises à quelques 15 milliards d’€ (plus de 20 milliards de $), dont 5,4 enregistrés par Crédit Agricole, 3,5 par SG (hors affaire Kerviel), 1,3 par Natixis, 1,2 par BNP Paribas, et 0,9 par Dexia. Une note «salée», considère La Tribune (19 mai 2008) qui souligne : «en l’espace de trois mois, elles ont vu fondre leurs bénéfices». Salée peut être, mais pas désastreuse. Les bénéfices fondent mais il y en a encore. Aucune banque française n’a plongé dans le rouge. En fait ce sont surtout [les banques de financement et d’investissement qui ont été touchées. Comme le souligne la Tribune (30 avril 2008) «la crise actuelle justifie le modèle de banque universelle, diversifiée tant au plan géographique qu’en termes d’activités. C’est lui qui a permis, notamment aux banques françaises, de compenser les effets de la crise qui ont durement touché les activités de banque de financement et d’investissement».Cependant, en France même, les différences sont importantes entre les établissements. «Les résultats trimestriels accentuent la hiérarchie des banques françaises» constate le Journal des Finances (15 mai 2008). La crise frappe davantage les banques mutualistes (Crédit Agricole, Groupe des Caisses d’Epargne et Groupe des Banques Populaires). Hormis l’affaire Kerviel à la Société Générale. «Pour rattraper leur retard pris sur les banques commerciales en matière de banque d’investissement et de marchés, ces établissements (mutualistes) ont mis en place des plans de développement accélérés », note Anne Michel dans le journal Le Monde (15 mai 2008). Elles n’ont pas agi dans ce domaine avec la plus grande prudence, explique-t-elle.

Quelles conséquences ?

2{Pour les clients des banques2}

Les clients des banques vont-ils payer la facture, ou une partie de celle-ci, par des crédits plus rares et plus chers ?

L’impact semble rester, en France du moins, assez limité. « Les taux de crédit ont un peu augmenté mais il n’y a pas de resserrement quantitatif, explique le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, dans une interview accordée au journal Ouest France (22 mai 2008). Pour l’instant, la distribution du crédit en zone euro et en France en particulier, reste très vigoureuse, avec un taux de croissance des crédits aux entreprises d’environ 15% qui bénéficie aux grandes entreprises comme aux PME. Aujourd’hui le crédit n’est donc pas un frein à l’activité économique mais, ajoute-t-il, nous surveillons attentivement son évolution ».

2{Pour les actionnaires.2}

Ils ont subi une chute importante de la valeur des actions. L’étude annuelle du Boston Consulting group présentée en France le 5 mai fournit pour 2007 des données significatives : la capitalisation boursière des banques nord-américaines et d’Europe occidentale a diminué de 695 milliards de dollars en valeur, « soit plus que le PIB des Pays-Bas » (alors que celle des banques des pays émergents a connu une augmentation de 880 milliards de $). Ainsi aux Etats-Unis, le secteur bancaire a enregistré un taux de rentabilité totale pour l’actionnaire de –21% en 2007.

De plus, les banques vont devoir compenser les dévalorisations enregistrées (et celles encore à venir) par des augmentations de capital. C’est nécessaire pour respecter les règles de prudence adoptées à l’échelle internationale. En France, après la Société Générale il y a quelques mois, le Crédit Agricole a annoncé le 15 mai qu’il procéderait dans les prochains mois à une augmentation de capital de 5,9 milliards d’euros. Aux USA, au RU et en Suisse, les recours à des augmentations de capital sont plus massifs. Pour les actionnaires actuels cela se traduira par une « dilution du capital».

2{Pour l’industrie bancaire elle-même.2}

Au-delà des ajustements « conjoncturels», y aura-t-il un impact «structurel» sur l’industrie bancaire et sur son modèle économique, et si oui lequel ?

Selon Olivier Pastré, professeur d’économie à l’université de Paris-VIII, interviewé par Challenges.fr (15 mai 2008), d’une part «On peut envisager, dans les mois à venir, une recomposition de l’industrie bancaire mondiale». Et d’autre part, «un rééquilibrage des métiers de la banque s’impose de toute manière. Les banques ont peut-être trop développé la banque d’investissement au détriment de la banque de détail ».

Dans une éventuelle recomposition mondiale, les groupes français ne sont pas les plus fragiles, y compris la Société Générale dont le nouveau Directeur, Frédéric Oudéa, a souligné dans la Tribune (14 mai 2008) qu’elle est «armée pour rester indépendante».

S’agissant du futur modèle économique des banques, Olivier Pastré insiste sur les limites de la révision nécessaire à ses yeux : «il n’est cependant pas question d’arrêter la titrisation. Le but est de revenir à un partage plus équilibré pour moins de risques». La question reste posée de savoir comment y parvenir.