JECO 2012 : L’argent occupe-t-il une place trop importante dans notre société ?

la finance pour tous

Pour cette édition 2012 des Journées de l’Economie, nous avons choisir de traiter du thème du rôle de l’argent dans nos sociétés et des relations que les individus entretiennent avec l’argent. Et également de la question de la régulation financière et du contrôle de l’activité des banques.

« La finance pour tous » était présente aux JECO de Lyon avec deux conférences, le vendredi 9 novembre, dont les thèmes étaient les suivants : « L’argent occupe-t-il une place trop importante dans notre société ? » et la présentation par leurs auteurs, tous issus de la finance pour tous, du livre :  « le tour de la finance en 10 étapes ».

L’argent occupe-t-il une place trop importante dans notre société ?

Autour d’une table ronde animée par notre déléguée générale, Pascale Micoleau Marcel, se sont retrouvés Georges Pauget, Président de la Finance pour tous, Jeanne Lazarus, sociologue et Michel Ruimy, économiste statisticien.

La conférence a commencé par une présentation de Michel Ruimy sur les fonctions de la monnaie et les raisons qui incitent les agents économiques à détenir de la monnaie (terme économique donné à l’argent). Jeanne Lazarus est venue donner un regard de sociologue sur la relation que les individus entretiennent avec l’argent.

Stigmatisé avec la notion de « puissance de l’argent », agent de manipulation des rouages économiques, l’argent peut être perçu comme un objet d’aliénation quotidienne puisqu’il faut « perdre sa vie à la gagner ». Mais Jeanne Lazarus montre comment la monétarisation de l’économie et la vie privée se sont développées en parallèle. Les relations entre individus ne sont plus conditionnées par les enjeux économiques : exit les tractations patrimoniales dans les négociations matrimoniales. Alors, l’argent, les individus n’en parlent plus ? Jeanne Lazarus donne une réponse différente. La place que les individus donnent à l’argent est fonction de la précarisation de la société. Moins l’Etat-providence est présent, plus grand est le sentiment de vulnérabilité sociale et plus fort est le désir de protection. Elle termine en faisant remarquer que l’histoire se renouvelle et que les thèmes chers à Proudhon et à d’autres penseurs révoltés ou observateurs du milieu du 19ème siècle restent ou sont redevenus d’actualité.

Georges Pauget nous donne un autre aperçu de la place de l’argent dans nos sociétés contemporaines. Fort de son expérience professionnelle enrichie des nombreux travaux de recherche économique qu’il mène en tant que professeur-chercheur universitaire, il aborde la question complexe du fonctionnement des marchés financiers. Son intervention répondait à deux questions : quelles sont les caractéristiques générales des marchés financiers et comment la finance peut-elle devenir un obstacle à la croissance économique ?

D’emblée, Georges Pauget insiste sur la place de l’incertitude : les marchés financiers sont des marchés d’anticipation ou de promesse, expression reprise d’André Orléan. Ils rassemblent des agents qui n’ont pas tous le même niveau d’information et les mêmes anticipations. Les comportements ne sont pas toujours rationnels, il peut y avoir des phénomènes grégaires. L’ensemble de ces éléments qui ne donnent plus les conditions nécessaires pour fonctionner dans un univers de concurrence pure et parfaite peut conduire à des déséquilibres importants.

Il insiste également sur l’inertie des marchés financiers. Selon lui, la crise des Subprimes qui s’est révélée en février 2007, présentait déjà des symptômes de dysfonctionnement dès août 2006. Mais il a fallu 6 mois pour que les investisseurs prennent conscience de l’absence de solvabilité des emprunteurs et réagissent avec les conséquences que nous connaissons.

Alors, la finance est-elle nocive pour la croissance économique ? Non, évidemment, les banques et les marchés financiers sont nécessaires au développement des activités de crédit aux entreprises et aux ménages. Ces institutions assurent l’alimentation en liquidité qui permet le bon fonctionnement de l’économie. Mais il faut un calibrage adapté de l’activité économique afin d’éviter les phénomènes de surchauffe ou inversement les risques de « credit crunch ». Pour cela, se pose la question de la régulation financière et du contrôle de l’activité des banques.

Cette table ronde s’est poursuivie avec de nombreuses questions de la salle sur l’historique de la crise financière de 2007, le lien entre les nouveaux produits financiers et la perception du risque, les stratégies des banques pour améliorer leurs résultats, la place de la banque centrale européenne et son rôle dans la crise de 2007.

Le tour de la finance en 10 étapes

Le tour de la finance en 10 etapes La seconde table ronde s’est déroulée avec les auteurs du livre  « le tour de la finance en 10 étapes », édité chez Dunod et disponible dans toutes les bonnes librairies. Notre déléguée générale, Pascale Micoleau-Marcel en est coauteur avec Georges Pauget, président de l’IEFP, Bernard Simler, vice-président de l’IEFP et Bernard Marx, ancien conseiller pour les questions économiques et internationales de l’IEFP.

Lors de ce second tour de table, chaque auteur a eu à cœur de présenter les principes et objectifs qu’il s’était fixés dans la rédaction des chapitres qui lui étaient impartis. Bernard Simler a insisté sur l’idée que la finance nous concerne tous ; qu’elle a bien sûr une responsabilité dans la crise actuelle mais qu’elle n’en est pas l’unique cause (les régulateurs en particulier ont leur part de responsabilité) ; et que les excès de la finance ne peuvent être corrigés aujourd’hui qu’au niveau international, mondialisation oblige. D’où la difficulté et parfois la lenteur pour faire évoluer la réglementation financière.

Pascale Micoleau-Marcel a insisté sur le fait que, en dépit de comportements d’épargne relativement prudents (les Français sont des fourmis prudentes et peu endettées), il y a, compte tenu du faible niveau de culture financière des Français, un vrai besoin d’éducation financière qui doit permettre d’améliorer les comportements (éviter le surendettement et ne pas avoir systématiquement des comportements contra-cycliques en achetant en haut du cycle et en vendant au plus bas) et de donner la culture de base permettant de comprendre le monde qui nous entoure.

Georges Pauget a insisté sur la diversité des formes que prend la crise selon les pays : financière, bancaire, immobilière… La crise actuelle a mis en lumière la problématique de l’endettement des Etats. Si, au sein de l’Europe, la crise affecte davantage les pays du sud, la politique de la BCE a permis jusqu’à présent de contenir le phénomène. Posant la question de savoir quand on sortirait de la crise, il a laissé entendre que selon lui cela pourrait prendre un ou deux ans, voire davantage.

Quant à Bernard Marx, il a insisté sur l’ambivalence de la finance. Elle a une utilité sociale incontestable puisqu’elle permet la mobilisation de l’épargne de ceux qui ont des capacités vers ceux qui ont des besoins. Elle est à la fois un levier pour rendre des risques, entreprendre et innover et un moyen pour se protéger et s’assurer contre certains risques. Des innovations financières comme la lettre de change au Moyen Age, la société par actions au 19ème siècle, la banque de dépôts ou plus récemment la titrisation, ont eu une portée considérable, au même titre que d’autres innovations technologiques ou sociales. Mais ses excès et ses dysfonctionnements sont au cœur des crises qui rythment l’histoire économique moderne. Ces crises sont plus ou moins graves et durables. La crise actuelle l’est tout particulièrement. Selon Bernard Marx, ce sont alors les structures financières dominantes  – celles de la finance libéralisée devenue progressivement prédominante depuis les années 1980 – qui sont en cause. Les débats portent donc légitimement sur les réformes qu’il faut y apporter au même titre qu’à d’autres structures technologiques, économiques sociales et culturelles également caractéristiques de la même période.

Cette table ronde s’est poursuivie par une série de questions posées par des élèves des classes de BTS du lycée de Grenoble qui avaient travaillé sur cet ouvrage, sous l’impulsion de leur enseignante. Leurs centres d’intérêt : avantages et inconvénients de la cotation en bourse, rôle des agences de notation ou fonctionnement des marchés financiers. Nous les remercions encore de leur motivation puisqu’ils sont venus de Grenoble exprès pour rencontrer les auteurs et qu’ils ont étudié dans le détail cet ouvrage qui, rappelons-le, traite en très grande partie du programme des BTS banque.

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