Pourquoi mener une politique de l’offre aujourd’hui en France ?

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La France peine à soutenir ses exportations et la hausse de la consommation est, plus que dans d’autres pays, satisfaite par les importations. Faut-il donc mener une politique de l’offre, c’est-à-dire stimuler la capacité de production des entreprises, comme le recommandent certains observateurs ?

Le constat de départ est celui d’un positionnement intermédiaire de l’industrie française dans le commerce mondial des produits manufacturés, avec une offre de produits « moyen de gamme ».

Cette offre subit de plus en plus la concurrence des produits de pays émergents à bas coûts de production mais à qualité en constante augmentation. Elle ne peut y échapper faute de pouvoir monter rapidement vers le « haut de gamme » où le facteur prix est secondaire par rapport au facteur qualité dans le choix du consommateur.

La compétitivité des entreprises industrielles françaises se dégrade depuis plusieurs années

Ceci se reflète à travers différents indicateurs :

  • le solde de la balance courante, quasi-systématiquement déficitaire depuis 2007 (seule l’année 2019 se distingue). A l’exception de quelques produits phares dans le luxe, l’aéronautique ou l’agro-alimentaire, le secteur manufacturier français, qui génère 70 % des exportations totales, a de plus en plus de difficultés à s’imposer dans la concurrence internationale. C’est le signe que l’industrie française n’est pas assez compétitive et adaptée pour répondre aux attentes des consommateurs à l’extérieur comme à l’intérieur des frontières.

Balance courante de la France

Cependant, regarder la seule balance courante (qui donne une vision plus large que la seule balance commerciale puisqu’elle inclut notamment les échanges de services) n’est pas suffisant. En effet, la balance courante peut être déficitaire non pas du fait de la faiblesse des exportations, mais parce que les importations sont très dynamiques.

Toutefois, dans le cas français, on constate bien que la croissance des exportations a été inférieure aux autres pays avancés, comme le montre le graphique suivant :

Balance courante : évolution des exportations

  • Dans le classement mondial des pays les plus compétitifs établi par le World Economic Forum (WEF) pour l’année 2019 (dernière année pour laquelle ce comparatif est disponible), la France figure au 15e rang. Pour les experts du WEF, la réglementation du travail ainsi que la taxation des entreprises  sont les principaux facteurs qui handicapent le plus l’économie française.

Les raisons de cette perte de compétitivité

Les raisons tiennent essentiellement à la conjugaison de trois éléments constatés depuis la crise de 2007/2008.

Une croissance des salaires supérieure aux gains de productivité

Depuis 2011, les salaires ont augmenté dans l’industrie manufacturière à un rythme de 3 % en moyenne annuelle alors que la productivité ne progressait que de 1 % par an. Ainsi, sur cette période, les coûts salariaux unitaires se sont accrus à hauteur de 2 % en moyenne annuelle.

Dégradation de la rentabilité des entreprises françaises

Elle se traduit aujourd’hui par le fait que leur taux de marge figure parmi les plus faibles en Europe : selon une première estimation de l’INSEE, le taux de marge devrait atteindre 32 % en France en 2022, contre 40 % en moyenne pour la zone euro. Cependant, le taux de marge s’est légèrement accru à partir de 2014, notamment du fait de la mise en place du CICE et, temporairement en 2021, en raison des aides d’urgence liées à la crise sanitaire.

Evolution des taux de marge des entreprises françaises

Faiblesse de l’investissement productif

Les dépenses d’investissement des entreprises non financières ont chuté fortement en 2009 et ne se sont que partiellement redressées depuis. Toutefois, ce sont surtout les dépenses de construction qui ont joué un rôle moteur dans ce redressement de l’investissement. Hors construction, le taux d’investissement se révèle beaucoup moins dynamique. Principalement destiné à renouveler les capacités existantes, à mettre en conformité avec les normes et à réaliser des économies d’énergie, l’investissement productif des entreprises industrielles françaises n’a été que très partiellement orienté vers l’introduction de nouveaux processus ou technologies de production.

Ces trois éléments sont étroitement liés : la faiblesse de l’investissement productif et l’obsolescence de l’outil de production rendent difficile la réalisation de gains de productivité globale qui permettent de compenser la hausse des coûts salariaux. Il s’ensuit une perte de compétitivité-prix que les entreprises françaises compensent en rognant sur leurs marges. La faiblesse de celles-ci a pesé sur l’autofinancement des entreprises et a de ce fait obéré leurs capacités d’investissements productifs.

La politique de l’offre menée par le gouvernement vise à casser cette spirale négative en rétablissant la compétitivité et les marges des entreprises via une baisse des charges salariales. Résumé des effets attendus d’une politique de l’offre.

Les limites de la politique d’offre

Si une politique d’offre s’avère, pour ses partisans, indispensable pour restaurer la compétitivité des entreprises françaises, il n’en reste pas moins que ces dernières sont aussi confrontées à une consommation des ménages qui reste peu dynamique en France et dans toute la zone euro.

Or, sur ce point, la politique de l’offre n’est pas la solution. En outre, les résultats attendus de cette dernière ne peuvent être escomptés qu’à moyen/long terme, le temps que les entreprises françaises reconquièrent des parts de marché et que cela se traduise par une reprise de leurs investissements.

A court terme, la politique d’offre ne permettra donc pas à elle seule un redémarrage de l’activité économique et une baisse du chômage.

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