Rescrit fiscal

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Le rescrit fiscal (ou « tax ruling » en anglais) est une prise de position formelle de l’administration fiscale saisie au préalable par un contribuable – particulier ou entreprise – sur l’application d’une règle fiscale au regard de sa situation spécifique. 

Cette procédure, qui permet au contribuable d’obtenir une réponse précise et définitive opposable à l’administration y compris si elle est contraire à la loi, fait ainsi prévaloir la sécurité juridique du contribuable sur le principe de légalité.

La pratique du rescrit fiscal est très répandue dans l’Union européenne où 22 pays membres le mettent en œuvre.

L’affaire dite des « LuxLeaks » a toutefois mis en lumière les dérives auxquelles cette procédure peut conduire en matière d’évasion fiscale et de « dumping » fiscal entre États européens.

En France, le rescrit fiscal obéit à des règles strictes

En droit français, la demande du contribuable peut porter sur tous les impôts, droits et taxes prévus par le code général des impôts, elle doit cependant respecter un certain nombre de règles de forme et de fond.

Ainsi, pour être valable, la demande de rescrit doit être formulée par écrit et indiquer le nom (ou la raison sociale) et l’adresse du contribuable. Celui-ci doit par ailleurs être de bonne foi, ce qui signifie qu’il lui faut présenter sa situation de manière précise, complète et sincère. Il doit également mentionner dans sa demande la ou les dispositions légales sur lesquelles il souhaite que l’administration se prononce.

Enfin, sa demande doit être transmise par lettre recommandée avec accusé de réception ou faire l’objet d’un dépôt contre décharge.

Caractère opposable de la réponse de l’administration fiscale

En principe, l’administration fiscale est tenue de répondre à la demande du contribuable dans un délai de trois mois à compter de sa réception par le service compétent. Toutefois, le fait de ne pas répondre dans les trois ou six mois vaut généralement accord tacite de sa part.

Mais une fois que l’administration s’est prononcée selon les conditions requises, elle ne peut la remettre en cause, sauf si le contribuable n’est pas de bonne foi, par exemple s’il n’a pas fourni tous les éléments permettant d’apprécier sa situation réelle, ou si sa situation a changé. La garantie offerte par le rescrit prend fin lorsque l’administration modifie sa position. Mais dans ce cas, ce changement ne vaut que pour l’avenir et après information du contribuable.

Le contribuable est tenu par la réponse de l’administration

Une fois averti de la position retenue par l’administration fiscale, le contribuable doit se conformer à la solution admise, éventuellement en se conformant au préalable aux conditions posées.

S’il ne suit pas la position de l’administration, le contribuable prend alors le risque de s’exposer non seulement à un redressement fiscal, mais également à des pénalités pour manquement délibéré au taux de 40 %.

Toutefois, s’il n’est pas satisfait de la solution retenue par l’administration, le contribuable peut demander un second examen de sa demande de rescrit, mais sans avoir la possibilité d’y ajouter des éléments nouveaux puisqu’il est supposé avoir fait sa première demande de bonne foi.

Dans ce cas, le contribuable doit déposer sa demande de réexamen dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la réponse de l’administration à sa demande initiale. Cette demande de réexamen sera alors examinée par une formation collégiale composée de membres de l’administration fiscale. La nouvelle réponse de l’administration, notifiée comme la première par lettre recommandée avec accusé de réception, est alors définitive et s’impose au contribuable.

Les dérives du rescrit fiscal : évasion fiscale et dumping fiscal en Europe

En 2014, le consortium international des journalistes d’investigation ICIJ (International Consortium of Investigative Journalists) a révélé que les rescrits fiscaux du Luxembourg étaient largement utilisés par de grandes sociétés multinationales dans le cadre de leur politique d’optimisation fiscale afin de réduire fortement le montant de leurs impôts sur les bénéfices.

Dumping fiscal luxembourgeois

À partir du début des années 1990, le Luxembourg a commencé à accueillir des filiales de sociétés étrangères en grand nombre et s’est appuyé sur une législation favorable visant à attirer les capitaux étrangers.

Les rescrits fiscaux s’inscrivent dans cette politique. Ils permettent aux multinationales de bénéficier de taux effectifs très faibles d’imposition sur les bénéfices – bien en dessous du taux officiel de 29 % – atteignant parfois un taux d’imposition inférieur à 1 %. En parallèle, les multinationales mettent en place des schémas financiers intragroupes afin de transférer les flux de revenus vers leurs filiales luxembourgeoises peu imposées.

Au regard de la loi fiscale luxembourgeoise, les rescrits fiscaux sont légaux, bien que très opaques. Néanmoins, leur légalité est questionnée au niveau européen car ils peuvent être assimilés à des aides d’État allant à l’encontre des règles européennes en matière de concurrence. En outre, ces mécanismes d’optimisation fiscale provoquent une érosion des bases fiscales dans les pays où sont principalement réalisées les activités des multinationales.

Plus de transparence en Europe

Cette affaire, identifiée comme le scandale « LuxLeaks », a été révélée grâce à des fuites en provenance de filiales luxembourgeoises de grands cabinets comptables qui avaient rédigé des rescrits fiscaux pour le compte de 343 sociétés multinationales entre 2002 et 2010.

Suite à la révélation de cette affaire, la Commission européenne s’est saisie de la question des rescrits fiscaux et a adopté en décembre 2015 une directive européenne visant à les rendre plus transparents et à décourager ainsi les pratiques excessives. Jusqu’à présent, le contenu de chaque rescrit fiscal n’était en effet connu que des parties concernées, c’est-à-dire le contribuable et l’administration fiscale. 

En vertu de cette directive, inspirée des propositions contenues dans un rapport de l’OCDE sur la lutte contre l’érosion de la base d’imposition et des transferts de bénéfices publié en octobre 2015, les États membres de l’UE doivent procéder, depuis le 1er janvier 2017, à l’échange automatique d’informations sur leurs accords fiscaux avec les multinationales.

Si, à l’issue de ce premier échange, un État membre estime avoir besoin de davantage d’informations concernant un rescrit en particulier, il peut demander des informations complémentaires à ce sujet ou même l’intégralité du rescrit.

L’idée est qu’une transparence accrue devrait contribuer à exercer une pression par les pairs sur les États membres pour les mener à adapter leurs pratiques fiscales nationales et leur permettre de prendre des mesures contre des pratiques fiscales nuisibles appliquées dans d’autres États membres.

 

    1 commentaire sur “Rescrit fiscal”
    1. Bonjour, Merci pour votre lettre d’ information . Particulièrement  » le Rescrit- fiscal  » ( sur tous les impôts) dont la T.F., j’ose espérer? Cdlmt/ C.M./

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