Les épargnants doivent-ils craindre une remontée des taux d’intérêt ?

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La remontée des taux apparaît intuitivement comme un élément favorable. C’est exact pour les nouveaux souscripteurs de produits mais pas pour ceux qui les détiennent déjà.

Explications.

Des taux d’intérêt extrêmement bas

Les taux d’intérêt sont globalement très bas en France et ce quelle que soit l’échéance. Ils sont même souvent négatifs, s’agissant des obligations d’Etat ! Il suffit pour s’en convaincre de visualiser la courbe des taux d’intérêt élaborée à partir des données fournies par la Banque de France.

Taux indicatifs des bons du trésor et OAT

Cette courbe, relativement pentue pour les échéances les plus longues, présente la particularité d’avoir des taux courts et moyens, négatifs. Cette situation conduit, sur le marché interbancaire (où les institutions financières s’échangent des liquidités), à payer un taux d’intérêt à celui à qui on prête de l’argent en contrepartie de la récupération de son capital à terme !

Cette particularité a été pilotée par la Banque centrale européenne (BCE) pour inciter les banques à prêter de l’argent à l’économie : leurs excédents de liquidités placés auprès de la BCE les obligent à payer des intérêts alors que si elles les prêtent à moyen/long terme, elles percevront des taux d’intérêt positifs.

Rendement annuel des produits réglementés ou non réglementés

Il est à noter que même en rapportant peu, les produits réglementés et d’asurance-vie en euros offrent cependant une rémunération à l’instar du livret A, 0,50 %, alors que les taux d’intérêt de marché sont négatifs jusqu’à 15 ans et plus.

Les taux bas profitent aux entreprises

Les taux bas profitent aux entreprises, à la fois directement et indirectement

Directement, les entreprises peuvent se financer par des prêts peu onéreux (charges d’emprunt peu élevées).

Indirectement cela leur permet – toutes choses égales par ailleurs – de dégager des bénéfices et de verser des dividendes à leurs actionnaires, ce qui a un effet très positif sur les marchés actions.

Les produits immobiliers sont eux aussi très avantagés par des taux bas

En effet, les taux bas solvabilisent la demande. Les investisseurs, ne pouvant généralement pas financer un investissement immobilier comptant, trouveront des prêts à taux d’intérêt très avantageux. Le tableau ci-dessous proposé par Meilleurstaux.com en est l’illustration.

Taux selon l’échéance

Taux excellent Taux très bon Taux bon
15 ans 0,75 % 1,01 % 1,10 %
20 ans 0,95 % 1,20 % 1,30 %
25 ans 1,19 % 1,41 % 1,65 %

Quelles seraient les conséquences d’une remontée des taux d’intérêt ?

Tout dépend de la nature des produits. Ainsi, on peut distinguer quatre catégories de produits :

  • Les produits d’épargne réglementée

Une remontée des taux d’intérêt avantagerait les épargnants dans la mesure où ils bénéficieraient rapidement d’une meilleure rémunération, qu’ils soient déjà titulaires de tels produits ou nouveaux porteurs. Seuls les plans d’épargne logement ont une rémunération définie contractuellement lors de leur souscription.

  • Les produits obligataires et l’assurance-vie

Pour ces produits, il convient de distinguer les nouveaux titulaires et les épargnants déjà titulaires de tels produits. Les nouveaux titulaires bénéficieront de la meilleure rémunération offerte par les produits de taux. Il en va différemment des épargnants déjà porteurs. La valeur de leurs produits se dépréciera dans un premier temps jusqu’à ce que le taux de marché des obligations constituant majoritairement ou exclusivement leurs produits soit comparable aux taux des obligations nouvellement émises).

S’agissant des contrats d’assurance-vie en euros, par-delà la baisse du rendement, le risque principal est que les taux remontent brusquement. Les épargnants inquiets, mais aussi attirés par des placements plus rémunérateurs, seraient alors tentés de transférer leurs avoirs pour les placer à meilleur compte. Incapables de maintenir la ­garantie en capital à tout instant qu’offre le fonds en euros, les assureurs seraient alors contraints de limiter, voire de suspendre, les possibilités de retraits pour préserver les intérêts des épargnants.
C’est un tel risque qui a justifié l’édiction de l’article 49 de la loi dite « Sapin II » qui permettrait au Haut conseil de stabilité financière, en cas de menace sur la stabilité financière, de limiter ou bloquer les retraits des sommes placées en assurance vie (blocage  des sommes investies durant 3 mois éventuellement renouvelables 3 mois supplémentaires).

Dans une telle hypothèse, les épargnants ne subiraient pas  une perte financière mais une perte temporaire de liquidité récupérée au fur et à mesure du remboursement des obligations constituant le portefeuille de l’assureur.

  • Les produits actions

Les facteurs qui justifiaient une bonne tenue des marchés actions en période de taux bas vont jouer en sens inverse. Les entreprises devront se financer en empruntant à des taux plus forts et les investisseurs préféreront des produits de taux redevenus plus attractifs (qui présentent des risques plus limités).

  • Les produits immobiliers

La remontée des taux d’intérêt limitera l’attrait d’un financement par l’emprunt comme c’est aujourd’hui le cas. En outre, comme dans le cas des marchés actions, les investisseurs potentiels pourraient préférer des produits obligataires offrant un investissement moins long et nécessitant des investissements moins lourds.

Mais existe-t-il un véritable risque de remontée des taux ?

La remontée des taux pourrait être le fait :

  • de déterminants internes :

– demande de capitaux du fait de l’anticipation d’une croissance économique soutenue ;

– Inflation anticipée ;

  • de déterminants externes :

– augmentation des taux dans d’autres zones géographiques et notamment aux Etats-Unis

Mais les anticipations de croissance mondiale sont plutôt en baisse qu’en hausse et rien ne laisse augurer, dans l’immédiat, une inflation par la demande ou par les coûts. Notons également que les craintes de remontée des taux d’intérêt affectent également l’Etat qui devrait en pareil cas augmenter le taux moyen de sa dette.

Gérer c’est toutefois prévoir. En cas de remontée des taux, il conviendra d’être vigilant et de ne pas hésiter à re-dispatcher son patrimoine pour en éviter les effets négatifs.

    2 commentaires sur “Les épargnants doivent-ils craindre une remontée des taux d’intérêt ?”
    1. Bonjour, merci pour vos infos d’une grande clarté et bien répartis.
      Je détiens des actions immobilières depuis 2020. LEs cours ont alors grimpé très favorablement. Jusqu’à ce que la hausse des taux s’invite en 2022. A date de septembre 2023 les cours ont chuté en moyenne de 60%. Je suis même perdant en accumulant au niveau de la crise de 2020 (-25%).

      J’ai lu ceci:
      L’évaluation des actifs immobiliers est revue à la baisse pour une majorité des acteurs du secteur.
      L’augmentation des taux grignote mécaniquement la valeur des bâtiments , puisque la valeur de l’actif correspond aux revenus locatifs divisés par le rendement.
      Pouvez vous vulgariser de point et comment se calcule ledit rendement?
      Les emprunts et levées de capitaux passés ne devant pas souffrir d’une hausse des taux (à moins que les emprunts soient faits ç taux variable) ainsi que la lecture du bilan des sociétés restant inchangées
      les fondamentaux devraient résister ou non?

      Alors que l’immobilier constituait l’une des sources uniques de rendement lorsque les taux d’intérêt étaient auplus bas, leur forte remontée offre des opportunités pour les investisseurs qui cherchent du rendement viad’autres classes d’actifs. Conséquence: l’ensemble du secteur boit la tasse depuis plusieurs mois enbourse.
      Certes des investisseurs aux dents longues shortent à peu près tout ce qui leur semble bon pour générer du rendement court terme. Pourquoi dans ce cas l’immobilier en priorité? y a t il un lien de cause à effet inextricable entre la récente hausse des taux et la chute de leurs valorisation ou assiste t on tout bonnement à une politique de la part des shorteurs?

      Merci de donner des éléments d’analyse pratique sur ce cas de figure.

      1. Bonjour,
        Votre commentaire porte, notamment, sur l’évaluation d’actifs. Pour simplifier, on considère généralement que la valeur d’un actif correspond à la somme des revenus actualisés qu’il permettra de générer. Faisons ici un détour par « l’actualisation » : il s’agit d’une méthode permettant d’exprimer en valeur présente des valeurs futures. L’actualisation est donc l’opération inverse de la capitalisation. En supposant par exemple que le taux d’intérêt en vigueur dans l’économie est de 3 %, 100 euros aujourd’hui vaudront 103 euros dans un an, 106,09 euros dans deux ans, etc. C’est le principe de la capitalisation. En renversant ces opérations, on peut en déduire que 106 euros de septembre 2025 ont une valeur présente, c’est-à-dire en septembre 2023, de 100 euros. Vous l’aurez alors compris : le choix du taux d’actualisation est loin d’être neutre. Plus le taux d’intérêt choisi pour actualiser est élevé, plus la valeur présente de flux futurs sera faible. Ce mécanisme s’applique à de nombreux types d’actifs.
        Revenons à l’immobilier : en appliquant ce raisonnement, on comprend qu’une même trajectoire future de loyers aura, après la hausse des taux d’intérêt, une valeur présente plus faible qu’auparavant. Voilà pour répondre à votre première question.
        Concernant votre dernière question, nous ne disposons pas de tous les éléments nous permettant de conclure. Il nous semble, toutefois, que l’endettement élevé de certaines sociétés spécialisées dans l’immobilier est une source d’inquiétude pour les investisseurs.
        Meilleures salutations,
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

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