La « loi Florange » en partie censurée par le Conseil Constitutionnel

la finance pour tous
Après plusieurs mois de débats animés, la loi visant à reconquérir l'économie réelle, dite "loi Florange", a en partie été censurée par le Conseil Constitutionnel  le 27 mars dernier. En cause, la mesure phare du texte visant à contraindre les entrepreneurs cédant des sites industriels à chercher un repreneur jugée contraire à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété. Décryptage.

Cette loi, promesse de campagne du président Hollande, avait été définitivement adoptée le 24 février 2014. Trois jours après son adoption, 80 députés et 108 sénateurs UMP ont saisi le Conseil Constitutionnel pour contester trois articles. Deux d’entre eux, qui relevaient d’un volet de la loi favorisant l’actionnariat de long terme et encadrant les offres publiques d’achat (OPA) hostiles, ont été jugés conformes à la Constitution. En revanche, les modalités de contrôle  de l’obligation de recherche d’un repreneur par l’entreprise ont en partie été censurées, notamment le volet relatif aux sanctions.

Le volet « sanctions » de la loi censuré

Dans sa version initiale, la loi prévoyait l’obligation pour les entreprises d’au moins 1 000 salariés de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture entrainant un licenciement collectif, et ce, dans un délai de trois mois avec l’obligation d’en informer les salariés. Des mesures considérées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

C’est le volet « sanctions » de la loi que les Sages ont retoqué jeudi dernier. En effet, la loi donnait aux représentants du personnel la possibilité de saisir le Tribunal de Commerce s’ils estimaient que les recherches d’un nouveau repreneur par l’entreprise n’avaient pas été respectées ou qu’une offre sérieuse n’avait pas été prise en considération par la direction. En outre, la loi prévoyait que seule la « mise en péril de l’ensemble des activités de l’entreprise » pouvait permettre à l’entrepreneur de refuser une offre.

Par ailleurs, en cas d’absence de recherche d’un repreneur dans le délai imparti ou en cas de refus d’une offre de reprise sérieuse par l’entreprise, le juge pouvait prononcer de lourdes sanctions, pouvant atteindre jusqu’à vingt fois la valeur mensuelle d’un SMIC par emploi supprimé, dans la limite de 2 % du chiffre d’affaires.

Or, pour le Conseil Constitutionnel, ces dispositions interdisent « l’anticipation des difficultés économiques par l’entreprise » et permettent au juge « de substituer son appréciation à celle du chef d’entreprise« . De plus, elles « portent, tant au droit de la propriété qu’à la liberté d’entreprendre, une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l’objectif« , ont estimé les Sages.

Une décision jugée « réaliste » par le Medef, « sévère » par le gouvernement

Le Medef a aussitôt tenu à saluer cette décision du Conseil Constitutionnel jugée « réaliste ». Un avis partagé par le groupe UMP du Sénat. Selon lui, cette censure constitue une « belle victoire ».

De son côté, le gouvernement a déclaré prendre acte de cette décision : »nous jugeons la censure sévère mais il y a des éléments importants qui demeurent » a indiqué le ministère du travail.

Edouard Martin, ancien syndicaliste CFDT et symbole de la lutte contre la fermeture de l’usine AcerlorMittal de Florange, duquel découlent en partie les dispositions de la loi, a quant à lui tenu à indiquer toute sa « colère » face à une telle décision.

Ce qu’il reste de la loi

Les autres dispositions de la loi ont donc été définitivement adoptées. Elles concernent la promotion de l’actionnariat de long terme et les offres publiques d’achat. Elles prévoient notamment :

  • La réduction du quota d’acquisition annuel d’actions : un actionnaire détenant entre 30 % et 50 % du capital d’une entreprise peut augmenter sa détention d’actions de 1 % par an sur 12 mois  glissants, contre 2 % auparavant.

  • La généralisation des droits de vote double : la loi prévoit que dans l’ensemble des sociétés cotées sur un marché réglementé les actionnaires détenant leurs titres au nominatif, disposent par défaut d’un droit de vote double.  

  • Le renforcement du rôle du Comité d’Entreprise dans le cadre d’une procédure d’OPA : il doit désormais être obligatoirement consulté et rendre un avis sur l’offre alors qu’il en était uniquement informé auparavant.

  • Le relèvement du plafond d’attribution d’actions gratuites : la quantité d’actions pouvant être versées gratuitement aux salariés et dirigeants passe de 10 % à 30 % du capital à condition que la distribution bénéficie à l’ensemble des salariés et que l’écart entre le plus petit et plus grand bénéficiaire d’actions gratuites ne soit pas supérieur à 5.

  •  L’abandon du principe de neutralité des organes de direction en période d’OPA : il permet aux dirigeants de se défendre en cas d’OPA hostile (tentative de rachat à laquelle une société cible s’oppose) grâce à plusieurs outils. Ils peuvent notamment prendre des dispositions financières (ventes d’actifs stratégiques, endettement, etc.), ou encore faire appel à un cavalier blanc (offre de rachat amicale de la part d’une autre entreprise).

Les décrets relatifs à ces différentes mesures, qui devraient entrer en vigueur en août 2014, sont en attente de parution.

  • La mise en place d’un seuil de caducité pour les OPA : une offre devient « caduque » de plein droit quand le projet d’offre déposé n’obtient pas au minimum 50 % des droits de vote en assemblée générale ou un nombre d’actions représentant 50 % du capital (seuil de caducité fixé par l’AMF). Contrairement aux autres mesures, son entrée en vigueur est immédiate.