Les Français délaissent les placements en actions

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Les Français se détournent de plus en plus des placements en actions au profit de placements sans risque, ce qui peut constituer un handicap sérieux pour l'économie française.

Les Français privilégient l’épargne sans risque

Les statistiques publiées par la Banque de France et l’AMF sur l’épargne des ménages montrent que les Français se détournent de plus en plus des placements en actions au profit de l’assurance-vie.

Un recul des actions

Entre mi-2007 et mi-2013, les encours investis dans des valeurs mobilières baissaient de 140 milliards d’euros, dont 86 milliards imputables au recul des actions cotées détenues en direct par les ménages, alors que l’assurance-vie progressait de 360 milliards d’euros. De 2006 à 2013, la part des actions cotées est ainsi passée de 8,2 % à 4,5 % du total des encours des placements des ménages français. En 2012 et en 2013, les statistiques de la Banque de France montrent également que les Français ont été globalement vendeurs d’actions (flux nets d’achat d’actions en direct négatifs de 5,8 milliards d’euros et de 5,7 milliards d’euros respectivement).

Ce désintérêt des Français pour le placement en actions s’observe aussi au niveau des placements collectifs. Dans la continuité de l’année 2012, les souscriptions nettes d’OPCVM actions et diversifiés (qui comprennent une part importante d’actions ainsi que d’autres actifs, notamment des obligations) se sont en effet inscrits en  2013 en repli de 7 milliards et 3,5 milliards d’euros respectivement.

Le nombre d’actionnaires individuels ne cesse également de se réduire drastiquement. Ainsi, le panel Sofia de l’institut de sondage TNS Sofres indique qu’entre 2007 et 2013, la proportion de la population française de 15 ans et plus détenant des actions en direct a été quasiment divisée par deux, passant de 14 % à 8 %.

Une culture de l’épargne sans risque

Un sondage conduit en novembre 2013 par l’Ifop auprès d’un échantillon de 1001 personnes représentatif de la population française de 18 ans et plus confirme que les Français ont développé une vraie culture de l’immobilier et de l’épargne sans risque.

Interrogés sur la meilleure façon de conserver leurs économies, ils sont 71 % à citer l’immobilier, 64 % à désigner le livret A ou le livret de Caisse d’épargne, 53 % l’or et encore 51 % l’assurance-vie.

Les produits atypiques comme l’art, le vin ou la forêt recueillent un tiers des suffrages et la thésaurisation (le fait de garder son argent chez soi) un quart.

Bon dernier de ce classement, l’achat de valeurs mobilières (actions ou obligations) n’est mentionné que par 22 % des répondants.

Ces résultats sont cohérents avec ceux d’un autre sondage réalisé par la TNS Sofres fin 2012 qui indiquait que seulement 25% des personnes interrogées s’intéressaient à la Bourse et que 5% se déclaraient incités à acheter des actions. Percevant à 90% les produits boursiers comme particulièrement risqués, les Français tendent à privilégier l’assurance vie et le livret A (un tiers des répondants choisissent ces produits) comme support pour leur épargne financière.

Les statistiques de la Banque de France sur la répartition des placements financiers (hors actions non cotées) le confirment.

Les actions non cotées sont des actions détenues par les propriétaires dirigeants de leur entreprise et à ce titre elles ne constituent pas à proprement parler un support d’investissement pour l’épargne disponible des ménages.

Repartition des placements financiers des menages

Un handicap pour le financement de l’économie française

La faiblesse de l’épargne des ménages investie en actions constitue un handicap pour le financement des entreprises françaises, qui de fait recourent principalement au crédit bancaire.

Or, comme le souligne le rapport de Paris Europlace sur le « financement des entreprises et de l’économie française : pour un retour vers une croissance durable » rendu public en février 2013, le recours au crédit bancaire a vocation à se réduire en raison de l’impact des normes prudentielles Bâle III, qui renforcent les exigences en matière de fonds propres bancaires sur ce type de risque.

Le rapport estime qu’en raison de l’insuffisance de l’épargne nationale investie sur les marchés de capitaux, un véritable risque pèse sur le financement des entreprises françaises à moyen terme si elles n’arrivent pas à lever les fonds nécessaires à leur développement ou si les investisseurs étrangers, qui détiennent déjà près de 46 % des actions des entreprises du CAC 40, renforcent leur poids au sein du capital des entreprises françaises au point de faire peser une véritable menace sur notre souveraineté financière.

Ce risque apparaît d’autant plus grand que les nouvelles normes européennes « Solvabilité II » pénalisent les investissements en actions des sociétés d’assurance – qui sont pourtant des pourvoyeurs de capitaux traditionnels sur les marchés de capitaux – et que la fiscalité des placements en actions en France est parmi les plus lourdes en Europe.

Le rapport Berger-Lefebvre, remis au gouvernement le 2 avril 2013, établit le même constat que le rapport Europlace et propose de remédier à l’insuffisance de l’épargne investie en faveur du financement des entreprises en réaménageant la fiscalité spécifique de l’assurance-vie et en ciblant mieux les dispositifs fiscaux incitant au financement direct dans les fonds propres des entreprises (ISF-PME, FCP/FCPI, dispositifs Madelin). Il propose également de mettre en place un plan épargne en actions (PEA) spécifiquement dédié aux PME.

Suite à ces deux rapports le gouvernement a adopté une série de mesures visant à réorienter l’épargne des ménages vers les marchés boursiers, comme la hausse du plafond de versements des plans d’épargne en actions (PEA) ou la création du PEA-PME et des fonds d’assurance-vie « euro-croissance ». Toutefois, côté fiscalité les placements en actions ne sont pas nécessairement gagnants. L’exonération d’impôt sur le revenu sur le PEA s’applique potentiellement à davantage d’actions (hausse du plafond du PEA ordinaire et création du PEA/PME). Mais pour les actions détenues en dehors d’un PEA, la fiscalité a été alourdie avec la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire sur les gains (dividendes et plus-values). 

Au total, il semble peu probable que les mesures adoptées puissent suffire en elles-mêmes à modifier les comportements très adverses au risque des Français et à rééquilibrer l’épargne financière des ménages au profit des actions.