Les Français, l’épargne et la crise

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Ce que pensent les Français

Le journal les Echos a publié le 11 septembre 2008 les résultats du dernier « baromètre de l’épargne », sondage réalisé fin juin dernier par l’Institut TNS Sofres.

Les Français sont inquiets sur l’avenir. Ils sont extrêmement nombreux à penser qu’il serait bon pour eux d’épargner : 89 % estiment qu’il est nécessaire d’épargner (soit 4 points de plus sur un an). Mais la difficulté d’épargner n’a jamais été aussi forte depuis la création du baromètre en 2004 : 83 % jugent qu’épargner ne sera pas aisé (+ 8 points).

Où investir ? La bourse et les marchés financiers, qui ont baissé en un an et sont très volatils, les attirent moins que jamais, mais les réticences s’accroissent également vis-à-vis de l’immobilier.

Peu enclins à acheter en Bourse…

Seulement 14 % du grand public et 28 % des actionnaires estiment qu’il s’agit d’un bon moment pour placer une partie de son épargne en Bourse… Il y a un an, les taux étaient respectivement de 24 % et 42 %.

A la question :  » Personnellement », l’évolution de la Bourse sur les derniers mois a-t-elle plutôt tendance à vous inciter à acheter des actions ? « , les Français ne sont que 6 % à répondre par l’affirmative, soit 4 points de moins qu’il y a un an et 9 points de moins qu’à l’été 2005. Parmi la population des actionnaires individuels, ils ne sont que 18 %. On retrouve en fait les niveaux observés juste après l’éclatement de la bulle financière du début des années 2000.

Frileux pour tous les investissements

L’immobilier lui aussi est atteint : 68% des Français pensent que la période n’est pas propice l’acquisition de sa résidence principale. Un an avant, en juin 2007, ils n’étaient que n’étaient que 49 % à le penser. A vrai dire, la frilosité à investir frappe tous les domaines y compris la voiture. Les Français sont 64 % à penser que ce n’est pas le moment pour acheter une voiture, et 81 % que ce n’est pas le moment d’acheter une résidence secondaire.

L’autre fait nouveau est que l’idée que l’investissement immobilier est un placement non risqué commence à reculer. Jusqu’ici Ils considéraient massivement que les placements en actions étaient risqués. Ils sont encore plus nombreux à le penser. Mais ils jugeaient à 76 % que l’achat de sa maison ne l’était pas et à 67 % que l’investissement immobilier locatif ne l’était pas non plus. Ils ne sont plus que 73% et 62 %. C’est moins mais c’est donc encore un sentiment très majoritairement partagé.

L’assurance vie plutôt que les autres placements boursiers

TNS Sofres pose tous les 6 mois la question de savoir « Aujourd’hui, si vous aviez de l’argent à placer, investiriez-vous dans l’assurance vie, dans des valeurs mobilières (actions/obligations/SICAV, FCP/trackers ou des warrants) ? » (ce qui exclut du choix les placements sur livrets). La stabilité des réponses est très forte y compris les réponses de juin 2008 : Près de 60% disent qu’ils placeraient dans une assurance vie (en choisissant à 85 % l’assurance vie en €). Un peu moins de 50% disent qu’ils placeraient dans d’autres valeurs mobilières. Et 25% disent ne pas savoir. De même en ce qui concerne la préparation de la retraite, le baromètre est très stable depuis sa création, avec environ 1 français sur 3 qui disent mettre « régulièrement de l’argent de côté pour préparer sa retraite sur le plan financier ? ». Quant aux moyens mis en œuvre par ces Français qui épargnent pour leur retraite, l’assurance vie est toujours en tête avec près de 7 français sur 10 qui la plébiscitent (+10 points en 3 ans et demi), mais l’achat de la résidence principale connaît un regain d’intérêt avec 6 sur 10 qui opte pour lui (+ 12 points en 1 an). Le PEA ( 36%), les PERP (34 %) ou les plans d’épargne salariale des entreprises (21 %) arrivent nettement derrière.

Consulter le baromètre La Banque Postale/Les Echos

Ce qu’ils font aujourd’hui

Les Français mettent d’une certaine façon leurs actes en conformité avec leurs sentiments. Ils épargnent avant tout sur des placements liquides et en premier lieu sur le livret A et ils diminuent leurs investissements sur des OPCVM.

De décembre 2007 à juin 2008, le livret A a recueilli, selon les statistiques de la Banque de France,  près de 10 milliards d’€ d’épargne nouvelle, un niveau record depuis plus de 15 ans. De son côté, l’épargne investie dans les OPCVM en France a reculé de 19,5 milliards d’€ au 1er semestre 2008, selon les statistiques publiées ce mois ci par l’Association professionnelle européenne des gestionnaires de fonds collectifs (EFAMA). Cette diminution ne tient pas compte de la baisse enregistrée de la valeur des actifs détenus. Dans le détail, les investissements sur les fonds actions ont reculé de 5 milliards, ceux sur les fonds obligataires de 10 milliards, sur les fonds diversifiés de 25 cependant que la collecte sur les fonds monétaires a continué d’augmenter de 25 milliards confirmant la priorité donnée aux placements liquides.

A noter que le recul est encore plus fort en Italie (40 milliards d’€) et en Espagne (30 milliards). Mais le flux d’investissement est resté positif sur les OPCVM du Luxembourg (+ 6 milliards) ou de Suisse (+ 5 milliards). Des chiffres qui donnent à penser que les épargnants et les investisseurs français ou italiens ont sans doute désinvesti de fonds français pour opérer des transferts vers des OPCVM de droit luxembourgeois (ou irlandais).

Consulter le sitee de l’EFAMA

Et demain ?

Le BIPE (Société d’études économiques) a présenté le 4 septembre 2008 ses prévisions concernant les marchés de l’épargne et du crédit pour la période 2008-13.

Baisse de l’épargne en 2008 et 2009

L’institut prévoit que les Français devraient diminuer leur épargne en 2008 et 2009 pour maintenir leur niveau de consommation, alors que leur pouvoir d’achat est en berne. Il ne prévoit donc pas que leur inquiétude vis-à-vis de l’avenir ne les poussent au contraire à sacrifier leur consommation. Le résultat serait donc « deux années de baisse du flux nouveau de placements financiers et il faudrait attendre 2013 pour retrouver les montants observés en 2007 ».

Selon le BIPE, le démarrage de l’année 2009 sera marqué par la banalisation du livret A dont les taux resteraient attractifs. Cette période serait donc encore favorable à l’épargne liquide. Mais le taux du livret A devrait baisser en cours d’année avec la baisse des taux que devrait opérer la Banque centrale européenne. Le BIPE est donc relativement optimiste en ce qui concerne l’inflation et les marchés boursiers qui devraient connaître « aussi une amélioration de la situation » au deuxième semestre 2009. En conséquence, « la croissance des encours d’assurance vie devrait alors retrouver une certaine vigueur : la repentification de la courbe des taux devrait être favorable aux contrats libellés en euros, le léger rebond des marchés boursiers soutenant la collecte sur les contrats en unités de compte. L’investissement en titres reprendrait progressivement alors que le ralentissement se poursuivrait sur le marché du logement ». Avec néanmoins des inflexions plus durables vers la modération aussi bien en ce qui concerne les crédits à la consommation ou à l’habitat qu’en ce qui concerne le marché boursier.

Normalisation à partir de 2010

Au total, on retournerait progressivement vers une situation où le patrimoine des ménages augmenterait à nouveau davantage que leur revenu, mais de façon très ralentie par rapport à la période 2003-2006. Le BIPE décidément optimiste ne croit donc ni à une déflation durable, ni à la constitution d’une nouvelle bulle financière.

Lire le communiqué de presse du BIPE