Les autorités françaises se sont engagées auprès des institutions européennes à respecter un programme de stabilité financière visant à réduire progressivement le déficit public de 7,5 % du PIB en 2009 à 0 en 2016. Ces engagements réitérés en avril 2012 ont été confirmés par les nouvelles autorités nationales sous réserve d’un retour à un déficit zéro retardé d’un an en 2017. L’objectif est d’empêcher la dérive de la dette publique qui atteint, à la mi 2012, 1.800 milliards d’euros, soit 90 % du PIB.
Les engagements pris en avril 2012
Tout budget se construit sur la base des exercices précédents et avec des hypothèses de croissance.
Il en est ainsi du budget de l’Etat pour 2013 (ou projet de loi de finances – PLF) rendu public le 28 septembre 2012 et du budget des organismes de sécurité sociale rendu public le 1er octobre. Les budgets des collectivités locales sont élaborés et présentés de manière indépendante, mais une des composantes de ces budgets est la dotation qui leur est accordée par l’Etat.
L’hypothèse de croissance retenue est de 0,8 % en volume + 1, 7 % de croissance des prix.
Rappelons que le PIB français est de l’ordre de 2000 milliards d’euros et que un point (ou 1 %) de PIB vaut donc 20 milliards d’euros.
Pour faire passer le déficit public de 4,5 % à 3 % alors que naturellement, sans rien faire, il resterait stable et aurait même tendance à augmenter quand la croissance est faible, il faut faire des économies et/ou trouver des ressources nouvelles pour un montant total minimum de 30 milliards d’euros (1,5 point de PIB), et même 35 milliards d’euros.
Interaction croissance-comptes publics
Selon la Cour des comptes, quand la croissance est de 1,5 %, l’évolution des prélèvements obligatoires serait d’une élasticité de 1,1 par rapport à l’évolution du PIB. Cela signifie que les prélèvements obligatoires augmentent de 10 % de plus que la croissance ; inversement en cas de ralentissement de la croissance, les recettes augmenteront moins que la croissance. Au total selon la Cour des Comptes, l’évolution tendancielle des dépenses et des recettes publiques n’aggraverait pas celui-ci si la croissance est 1,4/1,5%. Si la croissance est inférieure à ce niveau, les évolutions spontanées auront tendance à aggraver le problème du déficit. En effet, côté recettes, les impôts et les cotisations sociales auront tendance à moins bien rentrer dans les caisses. Et côté dépenses il y aura des suppléments notamment dans les dépenses sociales (indemnisation du chômage en augmentation etc.
Toujours selon la Cour des Comptes, le solde « conjoncturel » s’améliore de 0,2 point de PIB si la croissance est de 1,8 % ; il ne varie pas si la croissance est de 1,4 % et se dégrade de 0,2 point si elle est de 1%, ou encore de 0,7 point si la croissance 2013 est nulle.
Dans l’hypothèse retenue par le gouvernement d’une croissance 2013 de 0,8% en volume, l’effort budgétaire pour passer d’un déficit de 4,5% à 3% serait non pas de 1,5% mais de 1,7% du PIB : 1,5+0,2 point. L’effort budgétaire devrait être alors de 35 Milliards d’euros (et non 30 !).
Répartir l’effort budgétaire entre les administrations publiques
L’Etat ne compte que pour 1/3 des dépenses publiques, mais pour 85 % du déficit public. D’autre part la croissance tendancielle en volume de l’Etat hors dépenses d’intérêt sur la dette et les dépenses de pensions est estimée à 1,3 % (selon l’Inspection Générale des Finances).
Les administrations publiques locales sont à peu près à l’équilibre.
Les administrations publiques de sécurité sociale pèsent pour 45 % dans les dépenses publiques et pour plus de la moitié des prélèvements obligatoires. Leur déficit est inférieur à 1 point de PIB. Mais l’évolution tendancielle des dépenses est supérieure à la croissance potentielle pour les dépenses de la branche maladie (2,3 % en volume) et pour les dépenses de la branche vieillesse (1,9 %) (mais inférieure pour la branche famille et les aides au logement (0,4 %).
Voici comment le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoient de répartir l’effort budgétaire public global de 35 Milliards entre les différents grands secteurs des administrations publiques.
L’essentiel des efforts porte naturellement sur le budget de l’Etat puisque c’est la source principale du déficit.En 2012, le déficit du budget de l’Etat sera de 83,6 milliards d’euros.
Les dépenses devraient augmenter de 19,1 Mds€ (10 Mds€ d’évolutions tendancielles + 9,1 Mds€ d’autres charges (augmentation des charges de la dette et pensions, charges exceptionnelles et contentieux perdus liés à des non respects de règles européennes).
Les recettes devraient augmenter de 15,3 Mds€ (9 Mds€ compte tenu des prévisions de croissance + 6,3 Mds€ de mesures nouvelles décidées cet été).
Face à ces évolutions « naturelles » qui aboutiraient à un déficit prévisionnel de 87,3 Mds € en 2013, le projet de loi de finance 2013 prévoit 25,6 Mds € d’efforts budgétaires nouveaux. 10 Milliards d’économies seront faites sur les dépenses. Les dépenses de l’Etat hors charges de la dette et de pensions seront stabilisées en valeur. En outre, les dépenses totales de l’Etat ne progresseront pas plus vite que l’inflation. L’évolution de la charge de la dette est supposée être favorable, compte tenu de la situation actuelle des marchés financiers et des effets attendus des efforts de réduction du déficit public.
15,6 Milliards de mesures nouvelles porteront sur des prélèvements fiscaux supplémentaires.
Les mesures concernant les entreprises (9,6 Milliards d’euros) :Les avantages fiscaux des plus grandes entreprises seront limités
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Aménagement de la déductibilité des charges financières
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Aménagement du régime des Plus-values sur cession de titres de participation – Calcul de la quote-part de frais et charges sur les plus-values brutes
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Aménagement du mécanisme de report en avant des déficits des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés
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Modification du régime des acomptes d’impôt sur les sociétés applicable aux grandes entreprises
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Taxation des sommes placées en réserve de capitalisation des entreprises d’assurance.
S’agissant des dépenses des organismes de sécurité sociale, l’évolution des dépenses d’assurance maladie a été fixée à 2,6 % soit moins que l’évolution tendancielle qui est de l’ordre de 4 %, ce qui suppose de faire des économies. Mais nous n’en connaissons pas le chiffrage. Côté recettes, 4 Milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sont prévus.
Les prélèvements obligatoires nouveaux prévus pour la sécurité sociale (4 Milliards d’euros)
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Mise à contribution des retraités imposables. Leurs pensions seront soumises à un prélèvement de 0,15 % en 2013 puis de 0,3 % en 2014.
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Relèvement du niveau de fiscalité sur les bières ( 5 centimes sur un demi de bière)
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Hausse des taxes sur le tabac. Les taxes sur le tabac augmenteront au 1er juillet 2013, passant de 64,25 % du prix du paquet à 64,7 %
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Les cotisations d’assurance maladie des travailleurs indépendants seront relevées.
25,6 + 4 + les économies à faire du côté de la sécurité sociale.Voilà qui fait environ 30 milliards. Et pourtant, comme on l’a vu plus haut, c’est 1,7 point de PIB qui est nécessaire, soit 35 milliards euros pour arriver à un déficit de 3 %. Cherchez l’erreur.
En fait, l’effort budgétaire est bien de 36 milliards €, mais il a été décidé en trois temps : au cours de l’été (et ce sont les 6,3 milliards € de mesures nouvelles), dans le PLF pour 2013 et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Pour les années suivantes, l’effort serait poursuivi de la façon suivante : les dépenses de l’Etat hors charges de la dette et de pensions sont stabilisées en valeur sur la durée du quinquennat. L’évolution de la charge de la dette sera favorable grâce aux effets de la réduction du déficit. Les effectifs de l’Etat et de ses opérateurs seront stabilisés en moyenne. Les concours versés par l’Etat aux collectivités territoriales diminueront de 750 Millions en 2014 et 2015. La norme d’évolution des dépenses d’assurance maladie restera fixée à 2,6 % en moyenne. Mais globalement l’effort budgétaire nécessaire serait limité garce à une croissance annuelle de 2 % en volume à partir de 2014 (soit sensiblement plus que la croissance potentielle actuelle de la France).
Ces prévisions sont-elles réalistes ?
La question du réalisme de ces projections est posée.
La croissance actuelle est quasi nulle depuis trois trimestres. On peut donc s’interroger sur le réalisme d’une prévision de léger rebond de la croissance en 2013 et de fort rebond à partir de 2014. D’une part l’environnement économique européen et mondial n’est pas favorable. D’autre part l’effort budgétaire entrepris c’est-à-dire les actions structurelles d’augmentation des prélèvements obligatoires et de diminution en volume des dépenses publiques de l’Etat va entrainer un effet dépressif sur l’activité économique. Les dépenses privées des ménages et des entreprises ne prendront pas le relai de la diminution des dépenses publiques. La croissance risque fort d’être inférieure à la prévision de 0,8%. Du coup les rentrées fiscales seront inférieures aux prévisions et les dépenses seront supérieures. L’objectif de 3 % ne pourrait pas être atteint sauf nouvel effort budgétaire en cours d’année entrainant de nouveaux effets dépressifs etc.
On constate en tout cas ces difficultés de réalisation de diminution des déficits publics programmés pour de nombreux pays de la zone euro : Espagne, Irlande, Grèce, Portugal, Pays Bas mais aussi dans d’autres pays européens comme au Royaume Uni.