Parallèlement, le Parlement européen s’était emparé du sujet. Ce processus a finalement conduit la Commission européenne a adopter en février 2013 un projet de mise en place, à partir du 1er janvier 2014, d’une taxe sur les transactions financières dans onze pays de l’Union européenne qui en ont accepté le principe, dont la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et l’Espagne.
Cette taxe vise à décourager les transactions purement spéculatives qui ne contribuent pas à l’efficacité des marchés et au financement de l’économie.
Le projet européen prévoit ainsi d’imposer un prélèvement de 0,1% du montant des transactions effectuées sur les actions, les obligations, les prêts-emprunts de titres et les rachats de parts d’OPCVM, dés lors que l’une des parties concernées par l’opération est domiciliée dans l’un des pays signataires. Les transactions réalisées sur produits dérivés seraient également concernées, mais au taux de 0,01%.
Selon les calculs de la Commission européenne, ce sont quelque 30/35 milliards d’euros qui pourraient ainsi être collectés annuellement, sans qu’à ce stade l’affectation du produit de la taxe ait été déterminée précisément.
Dans l’attente de la mise en œuvre de la taxe européenne, la France et l’Italie appliquent déjà une taxe sur les transactions financières.
En France, depuis le 1er août 2012, une taxe de 0,2% du montant des achats d’actions effectués sur 109 sociétés ayant leur siège en France et dont la capitalisation boursière excède 1 milliard d’euros est appliquée.
L’Italie a également introduit ce type de taxe en mars 2013 pour les transactions sur actions et en juillet 2013 pour celles réalisées sur les produits dérivés. Le taux est fixé à 0,12% pour l’année 2013. L’Italie a également introduit en septembre 2013 une taxe spécifique de 0,02% sur le trading à haute fréquence.
A l’approche de l’échéance de mise en œuvre de cette taxe européenne, le Gouverneur de la Banque de France s’est publiquement déclaré très critique à son encontre. Il indique en effet que cette taxe provoquerait « une hausse du coût du capital pour les Etats et les entreprises »et serait « susceptible de conduire à la destruction de pans entiers du secteur financier français, de déclencher des délocalisations massives et d’endommager l’économie toute entière ».
Plusieurs éléments méritent en effet d’être soulignés :
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en premier lieu, la définition retenue pour les transactions financières concernées est très large, bien plus que celle retenue dans l’actuelle législation française. C’est donc une grande partie de l’activité de l’industrie financière qui est visée par la taxe européenne.
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en second lieu, en plus d’accroître les coûts de transaction, la taxe risque de provoquer une baisse des transactions et ce faisant de réduire la liquidité et donc l’efficacité des marchés financiers sur lesquels elle s’appliquerait.
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en troisième lieu, la taxe pourrait entraîner un surcoût de financement pour les émetteurs de titres obligataires sur les places financières concernées si les souscripteurs internationaux exigent une compensation du montant de la taxe via des taux d’intérêts plus élevés.
En outre, les taux peuvent être jugés a priori faibles, mais la taxe s’appliquera à chaque transaction réalisée, d’où un système de taxation « en cascade » peu incitatrice à la multiplication des opérations d’arbitrage, qui sont des éléments importants dans le cadre d’une gestion de portefeuilles de valeurs mobilières. Ainsi, les coûts de gestion de ces portefeuilles pourraient très rapidement s’envoler dans les pays adoptant la taxe européenne et cela pourrait alors conduire à donner un avantage concurrentiel élevé aux places financières des pays n’ayant pas adopté la taxe, comme le Royaume-Uni ou le Luxembourg. Ainsi, dans la mesure où la taxe ne s’appliquerait pas uniformément au sein de l’Union européenne puisque seulement 11 pays sur 27 l’ont approuvée, le risque de délocalisation de ce type d’activité est bien réel.
Ces arguments sont confortés par l’analyse qui peut être faite des expériences menées en matière de taxation des opérations financières (ou taxe « Tobin »).
La Suède avait ainsi instauré une taxe sur les transactions financières (sur les actions et les obligations) au milieu des années 1980. Il en avait résulté une fuite importante de capitaux, notamment vers la place financière de Londres, contraignant le pays à renoncer à cette taxe quelques années plus tard.
En France, la taxe actuelle sur les échanges d’actions des 109 sociétés concernées s’est traduite par une baisse sensible des volumes traités sur ces titres depuis son entrée en vigueur. En Italie, les échanges à la bourse de Milan se sont également fortement contractés depuis la mise en place de l’impôt boursier.
Au total, le risque est donc bien présent que l’instauration de cette taxe se traduise par une disparition ou une délocalisation de nombreuses activités financières françaises, affectant l’emploi dans ce secteur, alors que les recettes pour les finances publiques pourraient être moins importantes qu’escompté en raison de la baisse du volume des transactions qu’elle engendrerait, comme l’expérience française l’a montré.
Les recettes de cette taxe ont été deux fois moins élevées que ce qui étaient attendu en 2012. Pour l’année 2013, le niveau des recettes est également anticipé comme devant finalement atteindre des montants très inférieurs aux projections initiales.