La Direction Générale du Trésor se penche sur la durabilité de la faiblesse de l’inflation et les risques associés

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L’inflation est anormalement basse depuis plusieurs années, principalement dans les pays développés. Cette situation, qui pourrait durer, n’est pas sans poser de nombreux problèmes économiques.

Pourquoi l’inflation est-elle si faible ?

L’inflation mondiale est passée de 5 % par an en 2011 à 2,8 % en 2016. Cette décélération est encore plus prononcée dans les pays développés où l’inflation n’a été que de 0,8 % en 2016.

Cette tendance s’explique par plusieurs facteurs, bien qu’il soit difficile de mesurer précisément l’effet de chacun, car ils sont souvent liés les uns aux autres.

Premièrement, le prix des matières premières a fortement chuté, notamment le pétrole à l’automne 2014. Le baril de pétrole, qui dépassait les 100 dollars de 2011 à 2014 a plongé avec des creux autour de 40 dollars. Le cours des autres matières premières, notamment les métaux, ont suivi une tendance similaire, ce qui a tiré à la baisse l’inflation mondiale.

Ensuite, la demande est restée atone dans les principaux pays développés. D’une part, certains Etats, notamment en Europe, ont mené des politiques budgétaires restrictives (hausse des impôts et baisse des dépenses) pour tenter de se désendetter. D’autre part, entreprises et ménages ont plutôt eu tendance à modérer leurs investissements et leur consommation du fait soit d’une dette élevée, soit de faibles revenus, soit de manque de visibilité sur le futur. Cela a eu pour effet, en limitant la demande adressée aux entreprises, de freiner la croissance économique, les embauches et, in fine, une hausse des prix.

La faible hausse des salaires (voire leur baisse dans certains pays en crise comme la Grèce) a mécaniquement pesé sur la hausse des prix. Ce mécanisme peut s’expliquer par la faiblesse de la demande, la moindre influence des syndicats ou la compétition internationale qui diminuent le pouvoir de négociation des salariés.

Le vieillissement démographique pèse lui aussi sur la demande et l’investissement. Les « baby-boomers » tendent à épargner en prévision de leur retraite, ce qui diminue la consommation actuelle. De plus, le vieillissement réduit les perspectives de croissance future et donc l’incitation des entreprises à investir.

La politique économique de certains pays a pesé sur la dynamique des prix. C’est notamment le cas de la Chine qui a favorisé l’accumulation de surcapacités de production, la production correspondante étant vendue à prix cassés dans le monde entier. En Europe, la politique allemande de conquête de parts de marché en cherchant à maintenir des coûts faibles a aussi pesé sur l’inflation et sur la capacité des autres pays à augmenter leurs salaires. 

En outre, la faiblesse des gains de productivité limite la hausse des prix. En effet, l’évolution des salaires est souvent parallèle à la hausse de la productivité du travail. Si la cause du ralentissement des gains de productivité est débattue par les spécialistes, elle permet d’expliquer pour une bonne partie la lente progression des salaires, donc de l’inflation.

Enfin, la politique monétaire semble incapable à relancer l’inflation. La baisse des taux d’intérêts et la politique d’assouplissement quantitatif (QE) peinent à relancer l’investissement, la consommation, donc une dynamique de hausse des prix.

Les conséquences de la faible inflation

La faible inflation freine le désendettement des agents économiques. En effet, l’inflation permet de diminuer le coût réel de la dette passée contractée à taux fixe. Inversement, si l’inflation est faible, cet effet de réduction mécanique des dettes fonctionne moins, aggravant les difficultés des Etats, entreprises ou ménages surendettés.

La faible inflation réduit les marges de manœuvre de la politique monétaire. D’ordinaire, la banque centrale baisse les taux d’intérêts pour relancer l’économie. Mais si l’inflation est déjà faible, et les taux d’intérêts à 0 %, alors les banques centrales voient leur principal outil de politique monétaire devenir inopérant (bien que dans certains cas les taux d’intérêts puissent devenir négatifs). Cette situation présente un risque en cas de nouveau choc macro-économique défavorable. En effet, en cas de crise, les banques centrales ne pourraient pratiquement plus stimuler l’économie puisqu’elles sont déjà « pied au plancher » avec des taux d’intérêts proches de 0 %.

Quelles sont les perspectives à moyen terme ?

Récemment, l’inflation est légèrement remontée, par exemple en zone-euro où elle a atteint 1,4 % en octobre 2017 en glissement annuel (c’est-à-dire par rapport à octobre 2016). Malgré cette hausse, elle reste cependant inférieure à l’objectif de 2 % fixé par la Banque Centrale Européenne.

Les anticipations jouent un rôle important dans la dynamique de l’inflation. Si les agents anticipent peu d’inflation, alors ils ne sont pas incités à consommer et investir dès à présent, ce qui diminue la consommation et l’investissement, donc les anticipations d’inflation future. Autrement dit, l’inflation faible peut s’entretenir dans une sorte de cercle vicieux.

Cependant, l’inflation pourrait accélérer prochainement. D’une part, la hausse récente du prix du pétrole est de nature à stimuler l’inflation. D’autre part, la croissance économique semble gagner en vigueur, notamment en zone euro, ce qui est de bonne augure pour les perspectives d’inflation.