Venezuela : un défaut de paiement pas comme les autres

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Le Venezuela est en défaut de paiement sur sa dette souveraine depuis le lundi 13 novembre 2017 selon l’agence de notation Standard & Poor’s. Un cas qui n’est pas si rare que ça, puisque sur les 40 dernières années, ce sont près de 80 pays qui se sont retrouvés dans une situation où ils ne pouvaient pas honorer une échéance de leur dette. Cependant, le défaut de paiement d’un Etat souverain n’est pas comparable à celui d’un particulier ou d’une entreprise, puisqu’à moins d’envahir le pays qui fait défaut sur sa dette, il est difficile de réaliser une saisie de ses biens pour rembourser les créanciers.

Comment le Venezuela en est-il arrivé là ?

Sur le papier, le Venezuela a tout pour réussir. A la tête de réserves de pétrole parmi les plus élevées du monde pour une population deux fois moins nombreuse que la France, le Venezuela était l’Arabie Saoudite de l’Amérique du Sud.

Venezuela : un défaut de paiement pas comme les autresMais il est victime du « syndrome hollandais », mal qui consiste à l’éviction de toutes les activités industrielles autres que pétrolières. Aujourd’hui, 50 % des recettes budgétaires et plus de 90 % des exportations sont liées au pétrole. Mais là où d’autres pays, comme la Norvège, décident d’épargner cette manne et d’investir dans l’après-pétrole, le Venezuela a entretenu un système subventionnant toute l’économie par une étatisation à outrance depuis l’arrivée d’Hugo Chavez en 1999.

Avec la chute du prix du baril depuis 2014, le pays est rentré dans une spirale infernale : croissance négative depuis 4 ans, déficit public qui explose (-25 % du PIB) et inflation à 3 chiffres mais qui ne signifie plus rien puisque tout s’achète au marché noir en devises étrangères.

Comment un défaut de paiement se déroule-t-il ?

Il se passe différemment s’il s’agit d’un particulier, d’une entreprise ou d’un Etat

Particulier et entreprise peuvent tout perdre

Pour un particulier, un dossier de surendettement est d’abord déposé à la Banque de France. La commission de surendettement peut décider la vente des biens qui ne sont pas de première nécessité. Les banques peuvent également accepter une restructuration de la dette qui prend généralement la forme d’un rééchelonnement : les mensualités seront moins élevées – mais la durée du prêt sera allongée – et assorties de taux d’intérêt renégociés à un niveau plus faible.

Dans des cas plus difficiles, les créanciers peuvent accepter de reconnaître une perte en réduisant le montant de la dette. Il s’agit alors pour eux de perdre le moins d’argent possible plutôt que de tout perdre. En cas d’échec de la procédure, les créanciers retrouvent leurs droits et peuvent directement avoir recours à un huissier pour une saisie des biens.

Quand une entreprise est en défaut de paiement, le tribunal de commerce peut la placer en redressement judiciaire. Des mesures sont mises en place, comme des restructurations ou l’arrêt de certaines activités non stratégiques pour réduire les coûts … L’entreprise doit pouvoir retrouver sa capacité de remboursement. Comme pour un particulier, les banques peuvent accepter un assouplissement des conditions de crédit pour ne pas tout perdre.

Si le redressement judiciaire échoue, l’entreprise est alors placée en liquidation judiciaire, c’est-à-dire en faillite. Les actifs sont vendus (immobilier, machines, stocks…) et les créanciers sont remboursés dans un ordre de priorité : l’Etat, les employés, les fournisseurs, les créanciers puis enfin les actionnaires pour qui il ne reste généralement rien.

L’Etat est souverain sur son territoire

Pour un Etat, la situation est différente car il est souverain. A moins d’envahir physiquement son territoire pour se rembourser, ce qui pouvait se passer encore au 19e siècle avec des mises sous tutelle, le créancier ne peut pas l’obliger à vendre des actifs pour le rembourser. Néanmoins, si un pays peut décider unilatéralement de ne pas rembourser sa dette, il va s’isoler diplomatiquement, commercialement et se fermer pour de longues années l’accès aux marchés des capitaux.

C’est pour cette raison, que généralement, le pays s’assoit autour de la table avec ses créanciers. A l’image du tribunal de commerce pour un redressement judiciaire, le Fonds Monétaire International sert d’intermédiaire avec les créanciers. Il peut même se substituer pour partie à eux. En devenant un nouveau créancier capable d’octroyer de nouvelles lignes de crédit, le FMI permet au pays débiteurs de faire face aux frais de fonctionnement (payer les fonctionnaires, etc…) mais aussi au remboursement des anciennes dettes qui auront été restructurées. Cette substitution par le FMI permet aussi de mutualiser les pertes et d’éviter une crise systémique (faillite des créanciers, souvent des banques, entrainant la faillite d’autres acteurs de la finance avec un effet récessif sur l’économie). Mais en contrepartie, le pays débiteur doit accepter des mesures impopulaires d’austérité budgétaire et de libéralisation économique.

Avec la mondialisation des échanges économiques, il est devenu de plus en plus difficile pour un Etat même souverain de se soustraire totalement à ses obligations d’honorer sa dette.

Comment cela va-t-il se passer avec le Venezuela ?

Pour ne pas couper toute relation avec l’extérieur, un pays négocie donc avec ses créanciers et le FMI afin de trouver une solution. Mais le Venezuela n’entretient plus de lien avec cette organisation internationale depuis 2007. De plus, ses créanciers sont pour plus des deux tiers d’Amérique du  Nord. Or, le président des Etats-Unis, Donald Trump, a signé le 25 août dernier, un décret interdisant l’achat d’obligations du Venezuela ou de sa compagnie pétrolière nationale PDVSA ce qui empêche toute renégociation de la dette vénézuélienne.

Pourquoi maintenant ?

Le Venezuela avait deux échéances de remboursement : vendredi 10 novembre pour un montant de  81 millions de dollars et lundi 13 novembre pour 200 millions. Si les sommes en jeu sont importantes, les raisons sont éminemment plus politiques.

Avec le durcissement des relations avec l’administration américaine, les émeutes meurtrières de cet été et alors que des élections présidentielles se profilent fin 2018, il n’est plus question pour le président vénézuélien, Nicolas Maduros, de sacrifier davantage les importations de produits alimentaires et sanitaires pour la population au paiement de la dette. Si le Venezuela a retardé ce moment, c’est peut-être parce que son principal actif à l’étranger pouvant être saisi est situé au… Texas : il s’agit de l’entreprise Citgo, appartenant à PDVSA, qui transforme le brut vénézuélien en produits pétroliers (essence, pétrochimie…) et qui les distribue dans son réseau de stations-services. C’est donc vers une perte sèche que s’orientent les créanciers américains dont Goldman Sachs qui avait acquis pour 30 % de leur valeur des obligations de PDVSA au printemps dernier… à moins de mettre la main sur Citgo ou parier sur un changement de régime.

Comment le Venezuela parvient-il à survivre ?

Le Venezuela survit grâce au soutien de ses alliés russes et chinois qui, en échange de pétrole, lui fournissent de l’argent frais. Si la Russie lui a apporté 8 milliards de dollars et a d’ores et déjà accepté une restructuration de sa créance, c’est surtout la Chine, importatrice nette de pétrole, qui est le principal pourvoyeur de fonds avec 28 milliards de dollars engagés et vers qui les regards sont désormais tournés.

L’une des hypothèses possibles si l’on s’oriente vers un défaut total de la dette de l’Etat vénézuélien, c’est que la compagnie pétrolière nationale PDVSA, dont le pétrole sert de monnaie d’échange, soit préservée en continuant d’honorer ses engagements.