Après la tempête politique, la météo économique au beau fixe
A rebours des prévisions catastrophistes de certains, le référendum de 2016 et la victoire du Brexit n’a pas eu d’emblée d’effets négatifs brusques sur l’économie britannique.
Certes la livre sterling s’est dépréciée, ce qui était attendu, le taux de change chutant de 1,307 € pour une livre à 1,165 € après le référendum, mais cette baisse de la valeur de la livre sterling a initialement profité à l’économie britannique.
Les entreprises britanniques sont devenues plus compétitives et les exportations ont été dopées par une livre faible. La production industrielle au Royaume-Uni est ainsi en pleine forme.
Le chômage – qui reste à un niveau élevé en zone euro – atteint au Royaume-Uni un minimum historique de 4,2 % sur les trois premiers mois de 2018, un niveau inégalé depuis 1975.
Premiers remous du Brexit : l’inflation accélère
Néanmoins, la faiblesse de la livre a fini par générer de l’inflation, par un mécanisme d’inflation importée : les importations coûtent plus cher et le prix des biens augmente donc. L’inflation a connu un pic de 3,1 % en novembre 2017, atteignant un niveau bien supérieur aux objectifs de 2 % de la Banque d’Angleterre.
Dans le même temps, les salaires ne progressaient que de 2,5 % sur la période d’août à octobre 2017 en moyenne annualisée. Le niveau élevé de l’inflation, supérieure à la progression des salaires, entraîne une érosion du pouvoir d’achat des Britanniques. Ainsi le salaire réel a baissé pendant 8 mois consécutifs de mars à novembre 2017. Par conséquent, la consommation des ménages (qui est le principal moteur de la croissance) ralentit fortement : elle a augmenté de 1 % par rapport aux 3 mois précédents en décembre 2017, contre 5,8 % lorsque la croissance de la consommation était au plus haut, en octobre 2016.
Une croissance en berne
Le ralentissement de la consommation des ménages explique que le Royaume-Uni connaisse une croissance faible par rapport à la zone euro et à tous les pays du G7, dont les économies sont en reprise.
La croissance britannique décroche par rapport à celle de la zone euro : alors qu’elle lui était supérieure jusqu’au référendum avec un taux de 3,1 % contre 1,3 % pour la zone euro en 2014 et de 2,2 % contre 2 % en 2015, les deux ensembles croissent à égalité en 2016 à 1,8 % avant que les performances de la zone euro ne dépassent celles de l’économie britannique, avec 1,7 % de croissance pour celle-ci en 2017 contre 2,1 % pour la zone euro.
Les projections pour 2018 tablent sur une croissance de 1,5 % (un niveau qui ne devrait pas être dépassé jusqu’en 2021 d’après les anticipations du gouvernement), contre 1,9 % pour la zone euro.
La partie immergée du Brexit : un problème de productivité du travail
Cette croissance faible étant donné le contexte de reprise mondiale est d’autant plus préoccupante que l’économie britannique souffre de handicaps structurels. En particulier la productivité du travail est faible et atone depuis la crise de 2008. En effet si le chômage est extrêmement bas, c’est à cause de la multiplication des contrats « zéro heure », des emplois précaires ou des travailleurs indépendants avec un statut d’autoentrepreneur. Ces emplois instables sont faiblement productifs et faiblement payés. De ce fait la productivité des travailleurs britanniques stagne depuis 2008, elle est désormais inférieure de 20 % à celle des travailleurs français et de 15 % à celle de l’ensemble du G7.
Finalement, les effets les plus importants du Brexit ne se feront sentir que lorsque le Royaume-Uni aura véritablement quitté l’Union européenne. Ils dépendront du type d’accord commercial que négociera le Royaume-Uni, avec toutes les nuances possibles entre union douanière complète et absence d’accord et retour aux règles de l’OMC.