Elections présidentielles mexicaines : « AMLO » face aux défis économiques

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Andrès Manuel López-Obrador, que les foules surnomment « AMLO » d’après ses initiales, a remporté les élections présidentielles mexicaines par 53 % des voix le dimanche 1er juillet. Sur le plan économique, le nouveau président mexicain fait face à de nombreux défis, tant du point de vue des problèmes structurels du pays que de sa situation internationale.

Un candidat de gauche au pouvoir

Elections présidentielles mexicaines : « AMLO » face aux défis économiques AMLO est le premier candidat de gauche à accéder au poste de président, monopolisé depuis plus de 70 ans par le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), qui a gouverné sans discontinuité depuis 1929, à l’exception d’une alternance de douze années entre 2000 et 2012 avec le Parti Action Nationale (PAN), mouvement de centre-droit néolibéral.

L’élection de López-Obrador annonce un profond virage vers la gauche de la politique économique du gouvernement mexicain, jusqu’ici plutôt acquis aux mesures néolibérales. Les propositions phares de sa campagne incluent le doublement progressif du salaire minimum et des retraites, alors qu’au Mexique, 45 % de la population se trouve sous le seuil de pauvreté. Il a également proposé de créer des bourses d’études pour la jeunesse.
Maire de Mexico entre 2000 et 2005, il y avait mis en place des programmes sociaux, comme un système de pensions pour les plus de 70 ans ou de subvention des tarifs de métro.

Alors qu’il a promis après son élection de ne pas augmenter les impôts, AMLO entend financer ces programmes sociaux grâce au produit de la lutte contre la corruption des élites, autre combat au cœur de son programme.

Relancer les leviers de la croissance

Depuis plusieurs années, la croissance de l’économie mexicaine est relativement molle. Elle était de 2,9 % en 2016 après une hausse du PIB de 3,3 % en 2015 et est tombée à 2,3 % en 2017 (sources : FMI World Economic Database et iNEGI).

Le président sortant PRI, Enrique Peña Nieto, menait depuis 2012 une politique de libéralisation et de réduction du déficit budgétaire. La fin du monopole d’exploitation pétrolière de la compagnie nationale Pemex avait ainsi été actée en 2014.
AMLO a lui annoncé son intention de bâtir de nouvelles raffineries. Le pétrole est un enjeu crucial pour le Mexique, en effet 30 % des revenus de l’Etat sont tirés des taxes sur l’extraction pétrolière. Cette dépendance de l’Etat mexicain vis-à-vis de la manne pétrolière est problématique alors que la baisse des cours du pétrole a asphyxié l’entreprise d’Etat Pemex, désormais fortement endettée, et que la production mexicaine chute faute de découverte de nouveaux gisements.

AMLO et ALENA

L’avenir économique du Mexique est surtout suspendu à la renégociation de l’Accord de Libre-Echange Nord-Américain (Aléna), entamée en août 2017 après que Trump en a contesté les dispositions.

L’Aléna, mis en place en 1994, a indéniablement profité au Mexique : en 24 ans, le pays a connu une explosion de ses exportations vers les Etats-Unis, sa balance commerciale avec ce pays de déficitaire est devenu excédentaire. Les exportations mexicaines sont très largement tournées vers les Etats-Unis, auxquels 80 % de ses exportations sont destinées. En particulier le Mexique fournit son voisin du Nord en automobiles, dont les usines d’assemblage sont situées sur son territoire dans des zones franches, les maquiladoras.
Actuellement dans le cadre de l’Aléna, un produit doit contenir 62,5 % de composants issus d’un des 3 pays signataires de l’Aléna pour bénéficier d’exemptions douanières. Trump veut faire monter cette proportion à 85 % et imposer une part de composants américains de 50 %.
Les transferts d’argent d’immigrés mexicains aux Etats-Unis vers leur pays d’origine représentent 26 milliards d’USD de transferts annuels. Trump dispose d’un pouvoir de pression important pour la renégociation de l’Aléna s’il menaçait de taxer ces transferts indispensables à l’économie mexicaine.

Dans le même temps, l’ouverture douanière de l’Aléna qui a stimulé l’industrie mexicaine a miné son agriculture, ce que AMLO reproche à l’accord de libre-échange. Cinq millions de paysans ont perdu leur emploi, nourrissant une partie de l’immigration vers les Etats-Unis. Conséquence de cette déliquescence du secteur agricole, 40 % des besoins alimentaires mexicains doivent être couverts par des importations. Cette situation est particulièrement gênante quand le peso mexicain est faible et se déprécie face au dollar, ce qui est justement le cas avec la remontée des taux américains décidée par la Fed. AMLO a promis pendant sa campagne d’aider les petits paysans et de revivifier la production agricole du pays. Après sa victoire, le candidat de gauche a néanmoins promis de ne pas quitter l’Aléna.
La dépréciation du peso mexicain pourrait également relancer l’inflation, qui était sous contrôle après les politiques de réduction des déficits de Peña Nieto (elle était de 2,7 % en 2015 et 2,8 % en 2016), mais qui a de nouveau dérapé en 2017 à 6 %.
Les marchés financiers ont eu l’air inquiet de la victoire du candidat de gauche : l’indice phare de la Bourse de Mexico a reculé de 1,3 % à son ouverture et le peso a décroché de plus de 1 % face au dollar.

AMLO cherche à renouveler profondément l’orientation économique du Mexique. Pour autant, le candidat de gauche a cherché à rassurer les marchés financiers et les investisseurs : il s’est engagé à ne pas quitter l’Aléna et a annoncé qu’il ne mènerait pas de grande campagne de nationalisations. Chez le nouveau président, la révolution sociale se teinte pour le moment de pragmatisme.