Rapport Landau : la régulation des crypto monnaies n’est « ni souhaitable, ni nécessaire »

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Plus de 400 nouveaux crypto actifs ont vu le jour depuis le début de l’année 2018. La capitalisation mondiale des 1 600 crypto actifs existants est estimée à environ 250 milliards de dollars. Dans ce contexte d’innovation permanente, le sous gouverneur honoraire de la Banque de France, Jean-Pierre Landau, a été mandaté en janvier 2018 par le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire afin d’éclairer le gouvernement sur les directives à suivre en matière de régulation.

La régulation des crypto-monnaies n’est aujourd’hui ni souhaitable, ni nécessaire

Rapport Landau : la régulation des crypto monnaies n’est « ni souhaitable, ni nécessaire »Le rapport montre que la régulation des crypto-monnaies n’est pas le point central sur lequel les politiques publiques devraient se concentrer. En effet, essayer de réguler un écosystème aussi jeune et en plein développement pourrait constituer un frein, chose que souhaite éviter le gouvernement.

Le sous-gouverneur honoraire le souligne en effet : « la réglementation doit être technologiquement neutre » afin d’éviter de limiter l’évolution rapide des crypto-monnaies et plus généralement de l’écosystème blockchain en France. Le risque est aussi lié à l’orientation de l’innovation vers « l’évasion réglementaire », en d’autres termes, trop de réglementation contraignantes pourraient pousser les jeunes entreprises à quitter la France pour un pays plus « crypto-friendly ».

En revanche, bien qu’il ne soit pas (encore) question de réguler l’univers des crypto-monnaies, il est souligné dans le rapport qu’une régulation doit être effective en matière de lutte contre le blanchiment (« anti money laundering » ou « AML ») et le financement du terrorisme.

De nombreux dispositifs sont d’ores et déjà en place : de plus en plus d’ICOs (« Initial Coin Offerings ») respectent les règles du « KYC » pour « Know Your Customer », un dispositif visant à récolter un maximum d’informations sur les investisseurs afin de pouvoir justifier de la provenance des fonds, et donc de leur légalité.

Entre régulation technologique et financière

Le rapport Landau met également l’accent sur le fait que le cadre réglementaire doit concerner les liens entre les crypto-monnaies et le système monétaire et financier lui-même.

Il propose notamment la mise en place d’une « Euro Bitlicense », une accréditation européenne permettant aux plateformes d’échange de crypto-monnaie d’exercer leur activité dans la mesure où elles respectent les obligations selon leur statut et leur activité (on peut imaginer, au minimum, la mise en place obligatoire d’un système de KYC et d’AML). Les banques seraient, quant à elles, fortement dissuadées d’investir et/ou d’interagir avec les crypto monnaies.

Un point majeur abordé fait référence au manque de réglementation important en matière comptable, juridique et fiscal des crypto-monnaies, des gains réalisés ou encore des fonds levés par ICO. Le rapport propose ainsi d’aligner la législation du régime comptable et fiscal des crypto actifs sur celui mis en place pour les devises.

Concernant les ICOs, il est souligné qu’il est important de ne pas imposer prématurément une entreprise mais au contraire, de lisser « dans le temps la constatation des produits ».  Cette mesure permettrait ainsi de diminuer considérablement les charges de l’entreprise au début afin de lui permettre de se développer et d’augmenter son activité.

L’avenir de la monnaie fiduciaire et scripturale face aux crypto-monnaies

Le sous gouverneur honoraire met en évidence le fait que, malgré le récent engouement international au sujet des crypto-monnaies, ces actifs numériques ne représentent qu’une part négligeable dans les échanges monétaires. Dans le cas du Bitcoin, c’est 0,2 % des transactions de la zone euro, l’adoption massive en tant que moyen de paiement n’est donc pas d’actualité.

Au-delà des problématiques de « scalabilité » (capacité à s’adapter aux changements d’échelle) ou encore de consommation énergétique, le bitcoin n’a pas été conçu pour pouvoir rivaliser avec les mastodontes des réseaux de paiement bancaires. En effet, le réseau Bitcoin permet d’effectuer environ 80 transactions par minute, contre 100 000 pour les géants Visa et Mastercard.

En revanche, la monnaie fiduciaire (billets et pièces de monnaie) est au cœur des discussions à cause de la digitalisation qui l’affecte directement.
Voir le bitcoin remplacer une monnaie établie et centralisée comme l’euro ou le dollar semble « peu réaliste » selon Jean-Pierre Landau. Toutefois, il est envisageable de voir l’émergence d’une monnaie centrale digitale publique, créée et gérée par une banque centrale, qui viendrait se substituer aux billets et aux pièces.