L’appréciation de l’euro et ses conséquences

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Depuis le début de l’année, l’euro s’est apprécié de plus de 6 % par rapport au dollar, en particulier du fait d’une meilleure réaction des pays européens face à la pandémie de Covid-19. Porteuse d’effets désinflationnistes, cette appréciation de l’euro pourrait perturber la politique mise en œuvre par la Banque Centrale Européenne (BCE).

L’appréciation de l’euro en pleine crise de Covid-19

Depuis fin février 2020, l’euro s’est apprécié de près de 10 % par rapport au dollar. 1,19 dollar était nécessaire pour acheter un euro le 14 septembre, contre 1,079 le 20 février. Sur l’ensemble de l’année 2020, le recul du dollar par rapport à l’euro dépasse les 6 %. Le cours actuel de l’euro est, certes, encore loin de son record historique : en juillet 2008, juste avant que la crise des subprimes n’atteigne son paroxysme, l’euro flirtait avec la barre de 1,6 dollar.

Evolution du cours de l’euro en dollar

Plusieurs facteurs contribuent à expliquer l’appréciation de l’euro et/ou l’affaiblissement du dollar. Tout d’abord, les pays européens semblent, dans une certaine mesure, mieux gérer la crise sanitaire déclenchée par le Covid-19 que les États-Unis, ce qui permet d’espérer un retour plus rapide au niveau d’activité économique du début de l’année 2020. De plus, l’émission d’une dette européenne commune à venir, suite à l’adoption du plan de relance de 750 milliards d’euros, renforce le rôle de l’euro comme monnaie de réserve.

Dans le même temps, le déficit public s’est davantage creusé sous l’effet de la crise aux États-Unis qu’en Europe. Selon le Bureau du budget du Congrès américain, il devrait, en effet, atteindre, aux États-Unis, 17,9 % du PIB – un niveau record – en 2020 et 9,8 % en 2021.

A titre de comparaison, le Gouvernement table, en France, sur un déficit public proche de 11 % du PIB en 2020, soit près de 7 points de pourcentage de moins.

Enfin, dans un contexte global de taux d’intérêt faibles, voire même négatifs, les États-Unis ne parviennent plus à attirer autant d’épargne de non-résidents, ce qui réduit la demande en dollars.

Vers un nouveau risque de déflation en zone euro ?

Les conséquences de cette appréciation de l’euro par rapport au dollar sont nombreuses.

  • Tout d’abord, en redevant une monnaie forte, l’euro risque de peser sur le commerce extérieur de la zone. Une monnaie forte dégrade, en effet, la compétitivité-prix des entreprises. Traditionnellement, les économistes considèrent que cet effet n’est pas toujours négatif pour l’économie concernée, notamment si le pays est doté d’institutions fortes permettant d’accompagner les entreprises devenues non rentables suite à l’appréciation de leur devise.
  • Dans le même temps, une monnaie forte rend les importations d’un pays relativement moins coûteuses. Ainsi, les consommateurs ont tendance à bénéficier d’une telle situation, en termes de pouvoir d’achat.

Ces effets désinflationnistes d’une monnaie forte inquiètent, pourtant, les dirigeants européens. L’appréciation de l’euro intervient, en effet, dans un contexte de très faible inflation au sein de la zone euro. En rythme annuel, l’indice des prix à la consommation a reculé en août 2020 de 0,2 %, sous l’effet du fort recul du coût de l’énergie. L’appréciation de l’euro pourrait ainsi faire courir le risque d’une déflation pour la zone euro, à l’image de ce que l’on a connu entre 2013 et 2016.

Estimations du taux d’inflation annuel en Europe

Union monétaire et inflation

L’adoption d’une monnaie unique ne signifie pas la disparition des écarts d’inflation d’un pays à l’autre. La zone euro ne fait pas exception. Plusieurs explications peuvent être avancées.

Tout d’abord, bien que la zone euro soit relativement homogène, les pays qui la composent ne disposent pas du même niveau de développement. Des économistes ont ainsi montré que les pays dits « en rattrapage » connaissaient en moyenne une inflation plus forte.

Un deuxième facteur explicatif réside dans les écarts de conjoncture entre les pays – la pandémie de Covid-19 n’ayant pas impacté les économies de la zone euro de la même manière –, et dans les différences portant sur les marchés du travail nationaux.

Pour le moment, la BCE, qui ne mène pas de politique de change stricto sensu, n’entend pas modifier sa politique monétaire et ses prévisions d’une progression de l’indice des prix à la consommation en zone euro de 0,3 %, 1 % et 1,3 % respectivement en 2020, 2021 et 2022.

Toutefois, l’appréciation de l’euro pourrait l’amener à prendre des mesures, comme par exemple l’extension de son programme de rachats d’actifs, dans les semaines qui viennent, pour éloigner tout risque de déflation au sein de la zone euro.