L’économie des maisons hantées

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Quelle est la valeur d’une maison hantée ? C’est à cette question qu’une étude parue dans la très sérieuse Review of Finance tente de répondre à partir du cas du marché immobilier hongkongais. Elle montre qu’un logement hanté a une valeur inférieure de 20 % à un autre bien non hanté, pourtant doté de caractéristiques similaires. Pour un logement se situant au même étage qu’une maison hantée, la décote est de 10 %. La malédiction d’un bien immobilier constitue donc une forte externalité négative.

Qu’est-ce qu’une maison hantée ?

Dans le film Amityville : La Maison du diable sorti en 1979, une famille achète, sans le savoir, une maison hantée par des crimes passés pour un prix dérisoire. Il est bien difficile en effet d’évaluer le prix d’un bien immobilier de ce type… Cela suppose d’une part, de disposer d’une telle information sur la qualité de ce bien et d’autre part, de connaître les conditions de marché, à savoir l’offre et la demande, pour ce type de logement.

Une étude parue dans Review of Finance, une revue de référence en finance, aborde directement cette question de la valorisation des maisons hantées. Pour cela, les auteurs de cet article étudient l’ensemble des transactions immobilières du parc privé à Hong Kong entre 2000 et 2015, soit plus d’un million de contrats de vente. Hong Kong est l’un des territoires mondiaux les plus densément peuplés et où l’immobilier est le plus cher. Ainsi, les logements ont, en moyenne, une taille de 56,3 m² pour un prix de près de 540 000 dollars, soit environ 460 890 euros. Le prix au m² dépasse donc les 8 000 euros en moyenne sur cette période. A titre de comparaison, le prix au m² ne s’élevait « qu’à » 2 740 euros à Paris au début de l’année 2000.

Le choix d’Hong Kong est loin d’être anodin. En effet, avant de pouvoir réaliser une transaction, chaque vendeur de bien immobilier doit obligatoirement signaler si son logement est « hanté », c’est-à-dire s’il a été le lieu d’un suicide, d’un meurtre ou de toute morte non naturelle. Il est donc possible en étudiant le marché hongkongais d’évaluer la valeur des maisons hantées.

Cette obligation de déclarer une mort non naturelle avant toute transaction immobilière découle de croyances locales héritées des principes du Feng Shui. Selon ces derniers, une mort non naturelle serait synonyme de déploiement d’une énergie négative durablement présente dans un lieu d’habitation. Elle entre donc fortement en compte dans l’appréciation psychologique de la valeur d’un logement.

Prix de l’immobilier : quelle valorisation pour une maison hantée ?

Déclarer un logement comme hanté peut être considéré, en termes économiques, comme équivalent à un choc négatif de qualité. En théorie, ce choc exogène peut avoir deux conséquences majeures. D’une part, les acheteurs devraient être plus réticents à investir dans un logement hanté, ce qui devrait réduire la demande pour ce type de bien et donc peser à la baisse sur les prix. D’autre part, les vendeurs de logements hantés, pressés de vendre leur bien pour quitter les lieux, accepteraient sans doute des prix relativement faibles. La conjonction de ces deux effets – l’un de demande, l’autre d’offre – devrait aboutir à ce que la valeur d’un logement hanté soit inférieure à tout autre bien, doté de caractéristiques similaires.

Quelle est la valeur de la décote observée dans le cas du marché immobilier hongkongais ? Selon cette étude, un logement qui deviendrait hanté subirait une baisse immédiate de sa valeur de l’ordre de 20 %. Le voisinage est également touché par l’externalité négative générée par le bien hanté. Pour les logements situés au même étage qu’un bien hanté ou dans le même bloc d’immeubles, la décote est respectivement de 10 et 7 %. Parfois difficile à évaluer en économie, le coût de l’externalité négative est donc dans le cas du marché immobilier hongkongais particulièrement substantiel.

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