L’unification monétaire à Cuba : un pas supplémentaire dans la transition économique

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Raul Castro, le président cubain, a annoncé le 10 décembre 2020, la fin du système de double monnaie actuellement en vigueur sur l’île. En accélérant la transition vers une économie de marché, cette réforme devrait stimuler la productivité et l’économie cubaines, au prix d’un ajustement brutal à court terme.

Cuba : un pays, deux monnaies

Cuba vit, actuellement, sous un régime composé de deux monnaies : le peso cubain et le peso cubain convertible (CUC). Cuba est, à ce titre, le seul pays au monde à émettre deux monnaies différentes. Le CUC a vu le jour en 1994, afin notamment de stabiliser l’économie et de dissuader la population de se tourner vers le dollar américain. Le CUC est arrimé au dollar et sa valeur officielle est fixée à 1 dollar. Sur le marché officiel des changes, il faut aujourd’hui compter 24 pesos cubains pour obtenir 1 CUC.

Cuba : le paradoxe d’une économie pauvre mais (relativement) développée

Avec un produit intérieur brut (PIB) par habitant d’environ 9 000 dollars courants, Cuba figure autour du 90e rang mondial en matière de richesses créées. En revanche, son indice de développement humain (IDH) – 0,778 en 2019 – le place à la 72e place. Calculé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’IDH cherche à définir le niveau de développement de chaque pays et prend ainsi en compte, outre le PIB/habitant, des indicateurs portant sur la santé et l’éducation de la population.

Dans le cas de Cuba, l’écart entre le classement calculé via le PIB/habitant et celui obtenu à partir de l’IDH s’explique, en partie, par les réformes économiques menées suite à la Révolution cubaine de 1959 et notamment la réforme agraire, la mise en place d’un Etat-providence fort et d’une économie planifiée où l’Etat a un rôle crucial dans l’allocation des ressources.

Le CUC est, tout d’abord, utilisé dans les relations commerciales impliquant des résidents cubains et le reste du monde (importations de biens, tourisme, etc.). Il intervient également dans le paiement de la plupart des salaires versés par le secteur privé émergent sur l’île. Alors que la majorité de la population est employée par des entreprises publiques et est donc rémunérée en pesos cubains, il en résulte des inégalités croissantes au sein des salariés.

La fin du système de double monnaie

Raul Castro, le président cubain, a annoncé le 10 décembre, la fin de ce système de double monnaie. Le CUC disparaîtra, en effet, le 1er janvier 2021. La valeur du peso cubain sera fixée à 24 pesos pour 1 dollar.

Pour Cuba, il s’agit, tout d’abord, d’aligner davantage le secteur public sur le secteur privé, poursuivant ainsi la transition vers une économie de marché amorcée au cours des dernières années.
Jusqu’à présent, les entreprises publiques bénéficient, en effet, d’une parité préférentielle d’un peso cubain pour un dollar, ce qui leur permet de bénéficier d’importations à bas coût. 

La fin de ce tarif préférentiel va, sans nul doute, fortement alourdir, à court terme, les coûts de production de ces entreprises, mais devrait, à moyen et long terme, réduire les distorsions de l’économie cubaine et stimuler la productivité.

Ce « Big bang » monétaire, comme certains le nomment déjà, constitue une dévaluation de fait et devrait provoquer une accélération de l’inflation. Dans ce contexte, le gouvernement a, d’ores et déjà, prévu de multiplier par cinq le salaire des fonctionnaires et le montant des pensions de retraites, ainsi que de renforcer le contrôle exercé sur les prix de nombreux biens et services.

Cette réforme intervient alors que Cuba traverse la pire crise économique de son histoire récente. Le gouvernement cubain a récemment annoncé attendre une chute de 11 % du PIB cette année, la faute notamment à une diminution drastique de l’activité touristique sur l’île. Ce moment de crise a paru propice, pour les dirigeants cubains, à une réforme en profondeur de l’économie cubaine, visant à la stimuler durablement et à la rendre moins dépendante du reste du monde.