Agences de notation : le rapport sans concession de l’AMF

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Depuis la loi de sécurité financière du 1er août 2003, l’AMF publie chaque année un rapport sur les agences de notation. Il était particulièrement attendu cette année car celles-ci ont été vivement critiquées pour leur manque de réactivité et leur rôle amplificateur, notamment dans la crise de la dette souveraine. Ce devrait également être le dernier rapport de ce type dans le contexte de la réforme européenne des agences de notation.

L’évolution de l’environnement réglementaire : renforcer la transparence et améliorer la qualité du processus de notation.

 

Cette évolution résulte du constat que les agences ne sont pas parvenues à répercuter suffisamment tôt la dégradation des conditions de marché et la crise financière dans les notes qu’elles ont attribuées.

En Europe le Règlement sur les agences de notation est entré en vigueur en décembre 2009.

Ce nouveau règlement a quatre objectifs principaux :

  • 1. la limitation des conflits d’intérêt notamment grâce à une indépendance renforcée des parties engagées dans le processus de notation ;

  • 2. l’amélioration de la qualité des notations à travers des exigences accrues envers les méthodologies utilisées ;

  • 3. une transparence accrue du processus de notation ;

  • 4. une plus grande supervision et, le cas échéant, des sanctions renforcées contre les agences.

Pour assurer ces missions, l’Agence européenne des marchés financiers (AEMF) va être créée début 2011. Elle va se substituer à l’actuel Comité des régulateurs européens (CESR).

Néanmoins la surveillance effective des agences ne devrait intervenir, au mieux, que fin 2010. Elle portera essentiellement sur le contrôle des procédures de notation. Aucune appréciation de la note ne sera donc effectuée à cet horizon.

En France, toutes les agences déjà existantes et qui souhaitent voir leurs notations utilisées dans l’Union Européenne doivent s’enregistrer auprès de l’AMF entre le 7 juin et le 7 septembre 2010.

Un marché français de la notation dominé par trois acteurs

Le chiffre d’affaires des entités européennes ne représente pas plus du tiers de l’activité globale des agences, les Etats-Unis constituant toujours la principale zone d’activité.

Le marché français des agences de notation est historiquement dominé par trois agences : les américaines Moody’s et Standard & Poor’s et Fitch, détenu par le français Fimalac.

Suite à la crise financière, ces agences ont modifié leur organisation de façon à mieux séparer l’activité de notation et les autres services offerts .L’an passé les effectifs des agences, qui se sont généralement maintenus, ont été en partie réalloués vers l’activité de surveillance dans le domaine de la titrisation.

Le chiffre d’affaires des filiales françaises des agences de notation est en baisse depuis 2007, du fait d’un recul de l’activité de titrisation. Plus globalement, après avoir connu un pic historique en 2007, l’activité mondiale de titrisation a été faible en 2009, après s’être effondrée en 2008. Les émissions ont atteint 1 200 milliards d’euros l’an passé, contre 3 000 milliards en 2007.

Environ 32 % des entreprises notées sont cotées en bourse. Cela souligne que l’évolution de la notation des émetteurs n’influe pas seulement sur le marché de la dette (avec un coût de refinancement surenchéri lorsque la note est dégradée) mais aussi sur le marché des actions. Cela reflète l’ampleur de la responsabilité des agences de notation sur l’économie.

Une année 2009 marquée par un fort niveau de dégradation de notations

En France, depuis 2008, le nombre d’abaissements de notation de la qualité du crédit est très largement supérieur aux relèvements. Sur l’année 2009 on note un rapport de 4,5 abaissements pour un relèvement.

Les révisions ont été de forte ampleur car un tiers a engendré des changements de catégories (avec 7 catégories de notes existantes, AAA ou Aaa étant la meilleure note selon les agences). Rappelons que les notes peuvent être réparties en deux grands ensembles : les meilleures d’entre elles font partie de la catégorie « Investment Grade » alors que les moins bonnes sont connues sous l’appellation « Non Investment Grade » (ou « Speculative Grade »).

Du fait des difficultés budgétaires de la Grèce, les préoccupations concernant le risque de crédit souverain se sont intensifiées à partir de la mi-octobre 2009. Ces inquiétudes sur l’état des finances publiques dans la zone euro ont alors entraîné une forte augmentation des primes de risque sur le marché des CDS souverains (Espagne, Portugal, Irlande et Grèce notamment).

Plusieurs vagues de dégradations de la note de la Grèce sont intervenues. Le 27 avril dernier la dégradation de la note grecque en catégorie spéculative par l’agence Standard & Poor’s, suivie en juin 2010 par Moodys a souligné la volatilité des notations souveraines jusqu’alors réputées stables.

A partir de ce moment, les notations des agences et la perception du marché vis-à-vis de la dette grecque ont fortement inter-réagi. En effet, d’une part les spreads de crédit augmentaient sous l’anticipation d’une dégradation de la notation. D’autre part les agences dégradaient fortement les notations du fait d’une détérioration des conditions de financement de la Grèce.

Quant aux produits de financement structuré, les dégradations de notation ont atteint des niveaux historiquement élevés en 2008 et 2009. Elles s’expliquent surtout par la détérioration de la qualité de crédit des sous-jacents.

Les solutions préconisées par l’AMF pour enrichir la réglementation en cours

Les notations ne doivent pas être les seuls critères à prendre en compte par les investisseurs.

Pour réduire l’influence excessive des agences, plusieurs solutions existent, en particulier le développement d’autres intervenants, notamment une agence à capitaux publics soumise aux mêmes exigences que les agences privées.Cela va dans le sens d’une offre de notation plus large et plus diversifiée.

L’AMF recommande également aux agences d’exercer leur droit de refus de notation si elles considèrent qu’elles sont dans l’impossibilité de garantir la meilleure notation possible du fait par exemple d’une insuffisance d’informations.

Enfin et surtout l’autorité de contrôle préconise la « désintoxication de la notation » et encourage les investisseurs à réaliser eux-mêmes leurs propres analyses, en particulier lorsqu’ils investissent dans des produits structurés. Les acteurs financiers sont donc invités à se réapproprier le travail d’analyse du risque.

Toutefois les spécialistes s’accordent à dire que cette «désintoxication » prendra du temps.

Aux Etats-Unis, l’environnement des agences de notation évolue également dans le cadre de la réforme bancaire et financière.

En savoir plus : rapport de l’AMF