L’Argentine de nouveau dans la tourmente

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Depuis le début du mois de mai, le peso argentin se déprécie dangereusement, forçant la banque centrale d’Argentine à une hausse drastique de son taux d’intérêt. Les prémices d’une nouvelle crise ?

L’histoire économique mouvementée de l’Argentine

Accord sur la dette argentine Au début du XXème siècle, l’Argentine est un pays relativement prospère, comparable à l’Amérique du nord ou à l’Europe de l’ouest. Aujourd’hui, le pays a très nettement décroché en termes de niveau de développement économique par rapport aux pays les plus prospères. Le siècle écoulé a en effet été une succession de crises suivies de rebonds avortés qui ont fait de l’Argentine le pays utilisé dans tous les manuels lorsque l’on souhaite illustrer les mécanismes des crises économiques.

Au tournant du siècle, en 2000 – 2001, l’Argentine a connu une crise extrêmement violente. Le pays a ensuite été dirigé par les époux Kirchner qui ont mené une politique de gauche assez radicale (fixation du cours du peso par la banque centrale, isolement par rapport aux flux financiers étrangers, forte intervention de l’Etat dans l’économie…).

Le résultat de cette politique a été mitigé. La croissance est revenue, mais surtout sous l’effet d’une hausse des prix des produits agricoles (viande, céréales). Dans le même temps, l’investissement est resté atone, empêchant l’économie de se diversifier dans d’autres secteurs que l’agriculture, et l’inflation a atteint 40 %.

En novembre 2015, le pays a opéré une transition radicale avec l’élection de Mauricio Macri, qui a appliqué un programme résolument libéral : ouverture aux capitaux étrangers suite à un accord avec les « fonds vautours » (voir lien ci-dessous pour plus de détails), baisse des impôts, priorité donné à l’investissement des entreprises…

Cette thérapie de choc a eu pour conséquence de casser l’activité économique à court terme (récession de 2,6 % en 2016), mais avait pour objectif de mettre l’économie sur de meilleurs rails à moyen terme. Cette stratégie commençait à sembler payante, avec un rebond de la croissance à 2,7 % en 2018.

Mais la récente dépréciation du peso soulève de nouvelles interrogations…

Pourquoi le peso plonge-t-il ?

Depuis le début du mois de mai, le peso a perdu environ 10 % par rapport au dollar. En effet, comme les taux d’intérêts augmentent aux Etats-Unis, les investisseurs préfèrent placer à New York qu’à Buenos Aires, ils changent donc leurs pesos contre des dollars, ce qui pousse le peso à la baisse.

Le problème de la baisse du peso est double : d’une part elle stimule l’inflation (les importations coûtent plus cher) et elle accroit le poids de la dette externe (il faut plus de pesos pour rembourser une dette en dollars). Or, l’Etat argentin s’est lourdement endetté en dollars, et les investisseurs commencent à craindre un scénario qui pourrait conduire à une crise similaire à celle de 2000-2001, ce qui les incite à quitter le pays, aggravant la chute du peso dans un effet « boule de neige ».

Pour Mauricio Macri, résoudre les problèmes actuels revient à résoudre la quadrature du cercle.

D’une part, il s’est engagé ne plus financer le déficit public par la création monétaire, ce qui implique de lever des fonds sur les marchés. Mais comme le système financier argentin est limité, ces levées de fonds s’effectuent en dollar, ce qui augmente la dette externe, renforçant les risques de crise si les investisseurs internationaux venaient à douter de la stabilité du pays.

D’autre part, pour limiter la chute du peso, la banque centrale d’Argentine peut augmenter ses taux d’intérêts de façon à inciter les investisseurs à placer en peso. Elle a d’ailleurs augmenté ses taux brutalement, jusqu’à 40 %. Mais ces taux élevés découragent l’investissement et asphyxient la croissance.

Cependant, l’Argentine dispose encore de réserves de change importantes (un peu plus de 60 milliards de dollars) pour freiner la chute du peso.

De plus, le pays pourrait bénéficier d’un prêt d’urgence du FMI, actuellement en négociation.

Si le risque d’une crise comparable en violence à celle de 2000-2001 semble encore faible, les perspectives de croissance et d’inflation de court terme se sont clairement assombries et Mauricio Macri, un temps acclamé par les milieux financiers du monde entier, semble avoir perdu de sa superbe.