Accord Union Européenne – Mercosur : quels enjeux ?

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Après vingt ans de négociations et de nombreuses impasses, l’Union Européenne (UE) et le Mercosur (communauté économique regroupant cinq pays sud-américains, notamment le Brésil et l’Argentine) ont finalement conclu le 29 juin 2019 un accord de libre échange qui concernera près de 775 millions de personnes.

Accord Union Européenne – Mercosur : quels enjeux ?

Accord Union Européenne – Mercosur : un accord historique ?

L’accord de libre -échange, annoncé lors de la réunion du G20 à Osaka, Japon, prévoit une élimination progressive d’environ 91 % des droits de douane. Côté européen, cela profitera surtout à l’industrie automobile (taxes aux importations de 35%), aux machines (14% à 20%), aux produits chimiques (18%) et aux produits pharmaceutiques (14%). L’accord supprime également les frais dans des secteurs tels que les textiles, les chaussures, les vins et les spiritueux. La commission européenne estime le gain pour les entreprises européennes à 4 milliards d’euros par an.

En retour, les exportations du Mercosur vers l’Europe seront stimulées principalement pour les produits agricoles et de l’élevage. De plus, l’accord devrait garantir l’accès des entreprises du “vieux continent” aux marchés publics des pays du Mercosur (l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay) et la protection des produits européens qui compteraient une indication géographique : appellation d’origine protégée, évitant ainsi les copies.

Quelques semaines avant la fin de son mandat actuel, cet accord permet à la Commission européenne d’envoyer un message à ses partenaires commerciaux en consolidant le rôle de l’UE comme bastion du libre-échange face à la vague protectionniste, en pleine guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine.

« Je pèse mes mots avec précaution quand je dis qu’il s’agit d’un moment historique » Jean-Claude Juncker, Président de la Commission Européenne.

Inquiétude des agriculteurs européens

Les agriculteurs européens et certains dirigeants communautaires restent réticents par rapport à l’accord car celui-ci prévoit l’ouverture du marché unique aux produits agricoles sud-américains, notamment le bœuf, le sucre et les volailles, sous forme de quotas.

Sujet délicat pour l’échiquier politique européen, en particulier pour la France, l’Irlande, la Pologne et la Belgique, qui craignent une concurrence déloyale et du « dumping » de la part des producteurs agricoles latino-américains.

Le Mercosur est déjà le principal fournisseur de produits agricoles de l’UE avec 20% de part de marché (les quatre pays fournissent à l’UE près de 70% des produits destinés à l’alimentation animale).

Pourtant, le texte final inclut un mécanisme de sauvegarde qui pourrait être activé en cas de déstabilisation considérable du marché.

Mercosur et Ecologie

La victoire du candidat d’extrême-droite Jair Bolsonaro aux élections présidentielles du Brésil en octobre 2018 avait inquiété certains dirigeants européens, particulièrement vis-à-vis de son engagement de campagne de quitter l’accord de Paris souscrit lors de la COP 21 en 2017.

Élément clé pour aboutir à l’accord, le « climatosceptique » président brésilien a dû renoncer à quitter l’accord sur le climat pour convaincre l’UE de poursuivre les négociations.

Dans ce cadre, l’engagement du Brésil inclut les actions pour combattre la déforestation de l’Amazonie et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Accord UE-Mercosur en attente de ratification

Cet accord doit d’abord être ratifié par les gouvernements des 28 pays membres pour entrer en vigueur. Or, pour la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye « La France, pour l’instant, n’est pas prête à ratifier ». L’Elysée se méfie et demandera « des garanties » aux pays du Mercosur. Face aux critiques des écologistes, des agriculteurs et de certains députés de la majorité présidentielle, Emmanuel Macron ne souhaite pas une répétition des controverses suscitées en 2015 lors de la négociation avortée du traité de libre-échange avec les Etats Unis (TAFTA). Ainsi, le président de la République préfère être prudent, « regarder dans le détail et, en fonction de ce détail, décider ».