GameStop et la vente à découvert
GameStop est une entreprise américaine spécialisée dans la distribution de jeux vidéo. Elle est, depuis 2018, propriétaire de Micromania, la plus grande chaîne de magasins de jeux vidéo en France. En prise à des difficultés financières et lourdement endettée, GameStop a vu le cours de ses actions, cotées à Wall Street, diminuer drastiquement entre 2015 et 2020. Début 2020, les actions GameStop s’échangent contre un peu moins de 6 dollars.
La crise déclenchée par l’irruption de la pandémie de Covid-19, associée aux restrictions sanitaires, n’a guère permis d’améliorer la situation de l’entreprise. Au contraire, les titres de GameStop ont fait l’objet de ventes à découvert de la part de fonds spécialisés dans ces opérations. Les ventes à découvert, ou « VAD », permettent à des investisseurs de parier à la baisse sur les cours d’une société.
Pour cela, un investisseur vend des titres qu’il ne possède pas, en les empruntant auprès d’autres opérateurs. A l’issue de cet emprunt, l’investisseur espère générer une plus-value en achetant à un cours plus bas les titres en question.
Puisqu’il n’est pas nécessaire pour l’investisseur de disposer de ces titres le jour où la transaction se conclut, la vente à découvert constitue un levier puissant.
Selon certaines estimations, les positions des vendeurs à découvert représentaient près de 140 % du flottant de GameStop !
En cas de baisse des cours, les vendeurs à découvert, ou « vadeurs » dans le jargon des forums boursiers, empochent la différence entre la valeur de vente spécifiée dans le contrat et le cours au jour de l’échéance.
En cas de hausse des cours, toutefois, les pertes peuvent être lourdes pour les vendeurs à découvert. A l’échéance du contrat, ceux-ci doivent en effet acheter, au prix fort, les titres sur le marché pour les vendre à un cours plus faible.
Explication de la vente à découvert
Supposons que le cours d’une action soit, à un instant t, de 100. Un investisseur, souhaitant parier à la baisse sur celle-ci, en emprunte sur le marché pour les revendre immédiatement. Il empoche ainsi 100 par action vendue moins le coût de l’emprunt. A l’échéance de ce dernier (par exemple, en t+10), l’investisseur doit racheter les titres vendus en bourse pour procéder au remboursement du prêteur.
Deux scénarios sont alors possibles :
- un scénario « favorable » (du point de vue de l’entreprise émettrice de l’action) : le cours de l’action a progressé. Le vendeur à découvert subit alors des pertes, puisqu’il doit racheter, en t+10, les titres à un cours supérieur auquel il les a vendus en t. A ces pertes s’ajoute également le coût de l’emprunt ;
- un scénario « défavorable » : le cours de l’action a diminué. Le « pari » du vendeur est ainsi gagnant. Le gain correspond alors à la différence entre le cours en t et le cours en t +10, moins le coût de l’emprunt.
Le forum en ligne Reddit et le cours des actions GameStop
L’aventure boursière des actions GameStop a pris une allure particulière mi-janvier. Des boursicoteurs, encouragés par des messages postés sur Reddit, l’un des forums en ligne comptant le plus de membres à travers le monde, ont décidé de contrer l’action des fonds spéculatifs, engagés dans des ventes à découvert sur les actions GameStop.
Devant l’ampleur de la mobilisation, le cours des actions s’est rapidement envolé, passant de 17,25 dollars début janvier à près de 40 dollars le 14 janvier, soit une augmentation de plus de 130 %. La semaine du 25 janvier fut particulièrement impressionnante avec une explosion des cours de près de 435 % en l’espace de quelques jours seulement !
Cette hausse s’explique notamment par le fait que les fonds spéculatifs disposant de positions vendeuses, ou short, se sont progressivement mis à acheter des actions afin de tenter de limiter leurs pertes.
Dans ce contexte de forte demande, le prix des actions GameStop ne pouvait que suivre un mouvement fortement haussier. La forte augmentation des volumes témoigne, d’ailleurs, du vent de panique qu’a connu le marché sur ces titres. Plusieurs fonds spéculatifs, qui avaient parié sur la baisse des cours des actions GameStop, ont accumulé de lourdes pertes.
Par exemple, les pertes totales du fonds Melvin Capital s’élèveraient à près de 8 milliards de dollars d’actifs pour le seul mois de janvier 2021 !
Devant une telle débâcle, certains fonds ont annoncé leur intention de ne plus pratiquer de ventes à découvert.
On parle de short squeeze pour désigner une situation où, suite à une forte augmentation du cours d’un actif, des opérateurs, comme des vendeurs à découvert, doivent l’acheter massivement pour réduire leurs expositions et éviter de plus grandes pertes. Ces achats provoquent de nouvelles hausses des cours, ce qui accroît la pression sur ces opérateurs et se transforme en cercle vicieux pour eux.
Si elle est surveillée de près par la SEC (Securities and Exchange Commission), l’organe de surveillance des marchés boursiers américains, et pourrait être qualifiée de manipulation de marché, une pratique illégale, cette opération sur les titres GameStop a, d’ores et déjà, provoqué des remous sur le cours d’autres actions parmi celles les plus vendues à découvert : Unibail-Rodamco-Westfield, Klépierre, Varta, etc.
S’ils venaient à se généraliser, de tels mouvements pourraient rendre les marchés boursiers plus volatils et instables.