Zone euro : la Bulgarie adopte l’euro au 1er janvier 2026

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Le 1er janvier 2026 marquera une date historique pour l’Union européenne et pour les Balkans. La Bulgarie deviendra le vingt-et-unième État membre à adopter la monnaie unique, abandonnant ainsi le Lev national. 

Depuis quelques jours, les bulgares sont allés chercher en masse les kits de pièces en euros disponibles quelques jours avant l’entrée officielle.

Si les autorités institutionnelles, à l’image de Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, saluent cette avancée majeure qui ancre Sofia à l’Ouest, l’ambiance sur le terrain reste mitigée, partagée entre espoirs de prospérité et craintes inflationnistes.

Une adhésion de la Bulgarie à l’euro sur fond d’instabilité politique

L’adoption de l’euro n’est pas une option pour les États membres ayant rejoint l’Union européenne après la création de la monnaie unique, mais une obligation juridique fixée par les traités, dès lors que les critères économiques de convergence sont respectés. Pour la Bulgarie, ce chemin a été semé d’embûches, notamment en raison d’une inflation persistante qui a retardé l’échéance initiale. Aujourd’hui, bien que les feux soient verts au niveau européen, le contexte politique intérieur demeure fragile. Le pays traverse une période d’instabilité chronique, marquée par la succession rapide de gouvernements et d’élections anticipées. Cette volatilité politique a récemment culminé avec le retrait d’un projet de budget face à des manifestations massives contre des hausses d’impôts, soulignant la difficulté pour l’exécutif de maintenir la discipline budgétaire requise par l’appartenance à la zone euro.

Cette transition monétaire suscite également une contestation populaire. Des mouvements d’opposition, portés par certains partis politiques, ont organisé des manifestations dans la capitale pour exprimer leur refus de la monnaie unique. Les arguments avancés mêlent la crainte d’une perte de souveraineté nationale à la peur, très concrète pour les ménages, d’une augmentation brutale du coût de la vie. Pour une partie de la population, l’euro est perçu comme un risque supplémentaire dans un climat déjà marqué par des soupçons de corruption et une méfiance envers les institutions. À l’inverse, pour les partisans de la réforme, l’adoption de l’euro est un outil géopolitique indispensable pour protéger la Bulgarie des influences extérieures, notamment russes, et garantir sa stabilité à long terme.

Le 11 décembre, le premier ministre bulgare, Rossen Jeliazkov, a annoncé sa démission. Bien que la mise en place de l’euro face l’objet de contestation, elle n’est pas la raison principale de cette chute. Les manifestations monstres à Sofia ont avant tout pour origine la dénonciation de la corruption du régime, et le budget de l’État bulgare en 2026, qui annonçait des hausses d’impôts (avant de se voir retirer).

Pays zone Euro

Une économie bulgare dynamique mais sous tensions

Sur le plan macroéconomique, la Bulgarie présente pourtant des fondamentaux solides au moment d’entrer dans le club de l’euro. Les prévisions économiques font état d’une croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) robuste, estimée autour de 3 % pour l’année 2025, soutenue principalement par la consommation des ménages et l’investissement public. Le marché du travail affiche une santé remarquable avec un taux de chômage historiquement bas, descendant sous la barre des 4 %. Cette dynamique entraîne une hausse des salaires, notamment dans le secteur public, ce qui favorise le pouvoir d’achat mais alimente en retour les pressions inflationnistes.

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Cependant, ce tableau positif est nuancé par des défis structurels. L’industrie bulgare souffre, selon l’OCDE, d’un ralentissement de la demande extérieure, en particulier celle venant d’Allemagne, son partenaire commercial clé. De plus, la forte croissance des salaires, si elle n’est pas accompagnée de gains de productivité équivalents, risque d’éroder la compétitivité des entreprises locales. L’inflation, bien qu’en décélération pour atteindre des niveaux plus acceptables autour de 2,4 % à l’horizon 2027, reste un point de vigilance absolu. Les autorités doivent donc naviguer entre le soutien à la croissance et la nécessité de ne pas laisser les prix déraper, une équation complexe alors que la politique budgétaire est contrainte par les exigences européennes.

Les défis et perspectives de la monnaie unique en Bulgarie

L’entrée dans la zone euro offre à la Bulgarie des avantages indéniables. Le principal bénéfice réside dans la disparition du risque de change et des coûts de transaction pour les échanges avec les autres membres de la zone, ce qui devrait théoriquement stimuler le commerce et l’investissement étranger. De plus, l’accès aux liquidités de la Banque centrale européenne et la surveillance bancaire accrue apportent une sécurité financière supplémentaire au système bancaire bulgare. Les agences de notation, comme Fitch, ont d’ailleurs anticipé ces effets positifs en améliorant la note souveraine du pays, ce qui permet à l’État et aux entreprises de se financer à moindre coût sur les marchés internationaux.

Néanmoins, la transition comporte des risques psychologiques et économiques. La population redoute l’effet d’arrondi des prix lors du passage du lev à l’euro, un phénomène souvent observé lors des précédents élargissements de la zone. Pour contrer cela, le gouvernement a mis en place un double affichage des prix et des campagnes de surveillance pour prévenir les abus. Par ailleurs, en adoptant l’euro, la Bulgarie perd l’autonomie de sa politique monétaire, bien que celle-ci fut déjà limitée par le régime de caisse d’émission (currency board) qui liait le lev à l’euro depuis des années.

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Le véritable défi sera désormais budgétaire : en l’absence de levier monétaire national, seule une politique fiscale prudente et des réformes structurelles permettront d’absorber les chocs économiques futurs.