BlablaBanque – Le discours de l’inaction

la finance pour tous

BlablaBanque BlablaBanque, au titre quelque peu irrévérencieux par analogie avec Blablacar, est le dernier ouvrage de Jézabel Couppey-Soubeyran, bien connue à la fois du grand public et des spécialistes en économie, pour ses analyses sur le système bancaire et financier. Maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, elle a rejoint en 2015 le CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales).

Ne nous y trompons pas !… si le titre nous fait sourire ou grimacer, c’est selon, c’est à une véritable réflexion critique sur l’évolution du système bancaire depuis la crise financière de 2008 que l’auteure nous invite.

Le sous-titre résume la « substantifique moelle » du propos : les banques malgré leurs belles intentions proclamées au lendemain du tsunami financier, les mesures de régulation prudentielle mises en place par le comité de Bâle et les réformes structurelles comme l’Union bancaire européenne n’ont pas véritablement changé les choses.

Pis même, c’est l’objet du premier chapitre du livre, le lobby bancaire, qui tisse sa toile de plus en plus serrée jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir, est parvenu à convaincre, par médias interposés, pouvoirs publics et citoyens que trop de régulation tuerait la croissance, l’investissement et partant l’emploi.

C’est ensuite dans le deuxième chapitre que J. Couppey-Soubeyran s’inspire très judicieusement de la grille de lecture d’A. Hirschman, brillant intellectuel qui, dans « Deux siècles de rhétorique réactionnaire », décrypte le discours de ceux qui se sont opposés aux réformes sociales depuis la Révolution française.

 Plus connu par les économistes pour son « Exit, Voice ou Loyalty », A. Hirschman se révèle d’une grande fécondité pour dévoiler la dimension réactionnaire des assertions péremptoires de nos banquiers du style : « le remède est pire que le mal »  ou « en réglementant davantage, on va casser la croissance ».

Les trois premiers chapitres de l’ouvrage sont ainsi consacrés à appliquer la démonstration musclée, fort pertinente, d’A. Hirschman au monde bancaire. Ce qu’il appelle l’effet pervers «  le remède est pire que le mal », l’inanité « cela ne sert à rien » et enfin la mise en péril «  ceci tuera cela » explique pourquoi il peut y avoir une véritable « capture »des esprits par ces mots et ces phrases toutes faites selon J. Couppey-Soubeyran.

L’utilisation de  l’analyse d’A. Hirschman se révèle d’une grande féconditépour comprendre ce que cachent les phrases toutes faites. Entendre constamment que «  le remède est pire que le mal », « cela ne sert à rien » ou «  ceci tuera cela » explique qu’il y a une véritable « capture «  des esprits, souligne J. Couppey-Soubeyran. Or, cette capture des esprits – utile aux intérêts des banquiers, des pouvoirs publics et des autorités de contrôle – s’explique par les multiples liens qui se nouent entre les différents acteurs du système financier et politique par le biais des réseaux d’influence, le plus souvent liés aux grandes écoles de la République.

Ceci étant, ce dévoilement des réseaux d’influence entre le monde politique et bancaire a été souvent mis en évidence, notamment par les historiens de la troisième République. L’auteur en convient d’ailleurs, ce serait fort naïf que de croire à un monde vierge de toutes interactions.

Mais il ne faut nier, au moins pour des raisons de volonté démocratique si ce n’est pour des raisons éthiques, que cette entreprise de « désenchantement wébérien » que mène l’auteure sera éclairant pour ceux qui tentent de comprendre les enjeux des réformes bancaires.

Le troisième chapitre du livre est moins « désespérant »,même si cet adjectif est un peu fort. Il y a, d’après J. Couppey-Soubeyran, une voie intermédiaire possible entre la défense d’un statu quo critiquable et les efforts des régulateurs pour réduire les dysfonctionnements financiers. L’évolution du système bancaire, vers une plus grande « sécurité bancaire » pour l’ensemble des acteurs, et on ne peut que la souhaiter, reste possible s’il ya une véritable volonté politique et citoyenne. Les solutions existent, elles sont déjà là pour la plupart d’entre elles.

Pour conclure, ce livre rafraichissant car sans concessions, nous le recommandons à tous ceux qui ont envie de réfléchir aux arcanes complexes du monde des banques et de la finance. 

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