Libor et Euribor : des manipulations sanctionnées

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La Commission européenne a infligé le 4 décembre dernier des amendes records pour un montant total de plus de 1,7 milliard d'euros à l'encontre de six établissements bancaires ou financiers.

Ces banques ont été jugées coupables d’ententes illicites ayant abouti à la manipulation du calcul des taux de référence sur les marchés interbancaires européen (EURIBOR) et britannique (LIBOR).

Les enquêtes menées par la Commission européenne , au titre de sa mission d’application des règles européennes en matière de concurrence, ont notamment démontré que pendant plusieurs années « des traders de différentes banques discutaient des soumissions de leur banque … ainsi que de leurs stratégies de négociation et de fixation des prix » dans le but d’arriver à la fixation de taux qui soient compatibles avec les positions spéculatives qu’ils prenaient sur des instruments dérivés utilisant ces taux comme référence. Le LIBOR et l’EURIBOR sont en effet très largement utilisés comme taux de base pour un grand nombre de produits financiers tels que les futures, les options ou les swaps. Les taux  LIBOR sont notamment particulièrement suivis à l’échelle mondiale, alors que les taux EURIBOR le sont davantage à l’échelle européenne.

A travers ce scandale, qui a permis à certaines banques de s’enrichir au détriment d’autres établissements financiers et d’épargnants, c’est la confiance dans la capacité du système financier à respecter des règles de bonne conduite, en l’absence de toute réglementation, qui s’est effondrée. En effet, le LIBOR comme l’EURIBOR étaient à l’époque des faits (entre 2005 et 2010), et sont toujours aujourd’hui, gérés et administrés par les associations professionnelles bancaires (la British Bankers Association pour le LIBOR et la Fédération Bancaire Européenne pour l’EURIBOR) et échappaient par conséquent au périmètre de la supervision et de la régulation.

Une régulation nécessaire, mais qui reste encore à finaliser

Soucieuses de rétablir la confiance du public et l’intégrité des marchés financiers, les autorités publiques ont pris des initiatives pour réformer et réguler le mode de calcul du LIBOR et de l’EURIBOR.

Le Libor

Concernant le LIBOR, le rapport Wheatley publié en septembre 2012 proposait notamment que les soumissions de taux pour le calcul du LIBOR et la gestion de celui-ci soient confiées à une autorité de régulation (en l’occurrence la Financial Conduct Authority, régulateur britannique) ayant le pouvoir de prendre des sanctions pénales et que les soumissions des banques liées à la fixation du LIBOR reposent sur des données de transactions réelles et non plus déclaratives ou supposées comme cela est toujours le cas aujourd’hui.

Toutefois cette dernière proposition, pourtant la plus à même de garantir la transparence du mode de calcul du LIBOR, a suscité de vives réactions de la part de la profession car elle supposerait l’utilisation d’un système informatique de collecte de données enregistrées centralement permettant de disposer d’informations sur les conditions de financement effectivement obtenues que les banques sélectionnées préfèrent ne pas diffuser ouvertement. Aussi, cette préconisation n’est-elle pas entrée en vigueur. Un groupe de travail réunissant les régulateurs anglais (la Financial Conduct Authority) et américain (la Commodity Futures Trading Commission) a été institué pour réfléchir à cette question et  proposer une solution de compromis avec la profession bancaire. Ces discussions ont finalement débouché sur un accord dont les termes ont été repris par l’OICV dans des « principes applicables aux indices de référence » publiés le 17 juillet 2013. Ceux-ci prévoient notamment que certaines données relatives au calcul des indices de référence (comme le nombre et le volume des transactions soumises) devraient être rendues publiques, ainsi que des informations sur la méthodologie de détermination des indices de référence.

L’Euribor

Concernant l’EURIBOR, les autorités européennes des marchés (ESMA) et des banques (EBA) ont publié en janvier 2013 des recommandations destinées à le rendre plus crédible, notamment en réduisant le nombre de maturités de référence (qui sont passées de 15 à 8 depuis le 1er novembre 2013), et plus transparent. Ainsi, L’ESMA et l’EBA ont-elles demandé à ce que l’entité en charge de la gestion de l’EURIBOR pour le compte de la Fédération Bancaire Européenne, Euribor-EBF, veille régulièrement à la qualité des contributions des banques impliquées dans le calcul, et qu’elle conserve les informations collectées.

Par ailleurs, conformément à la demande de l’ESMA et de l’EBA, la gouvernance d’ Euribor-EBF a été réformée et le comité de direction est dorénavant composé majoritairement d’experts indépendants des banques contributrices.

En outre, l’EBA demande à ce que les superviseurs s’assurent de la qualité du contrôle interne de ces dernières et notamment de l’instauration d’une « muraille de Chine » entre les services chargés de transmettre les informations à Euribor-EBF et ceux qui utilisent l’EURIBOR.

La Commission européenne s’est également emparée de ce dossier. Dans son projet, qui s’inspire largement des principes publiés par l’OICV,  la Commission propose notamment de confier le rôle de supervision de l’EURIBOR à un collège regroupant les autorités nationales compétentes et l’ESMA. La direction en serait assurée par l’autorité belge des services et marchés financiers (FSMA), ce choix étant dicté par le fait qu’ Euribor-EBF est elle-même basée à Bruxelles. Le projet de la Commission prévoit aussi de sanctionner les fraudes par des amendes qui pourraient représenter au moins trois fois le bénéfice retiré de la fraude et jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires pour les banques reconnues coupables. Toutefois, avant que ces mesures puissent entrer en vigueur, elles doivent au préalable être approuvées par le Parlement européen et le Conseil.