Les « bad banks » européennes détiennent 1 000 milliards d’euros d’actifs toxiques

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Six ans après la crise des subprimes, plus de 1 000 milliards d’euros d’actifs douteux, illiquides ou encore toxiques seraient stockés dans des « bad banks » européennes. Une information révélée par le journal LesÉchos mi-juin 2013. Quelques explications s’imposent.

Pour comprendre ce que représentent ces 1 000 milliards d’euros d’actifs toxiques ou illiquides, il s’agit avant tout de comprendre comment ces derniers sont apparus dans le bilan de ces « bad banks » européennes. La crise des subprimes qui s’est déclenchée en septembre 2008 en est la cause principale. Quant au montant cité, il est à la mesure des répercussions économiques que cette crise a pu provoquer en Europe comme ailleurs.

Retour sur la crise des subprimes

La crise des subprimes, qui donnera plus tard naissance à la crise économique actuelle, a débuté lorsque les ménages américains ont commencé à ne plus pouvoir rembourser leurs crédits hypothécaires. Ces derniers avaient été accordés en masse grâce à des taux d’intérêts très bas et à une hausse régulière des prix de l’immobilier. En cas de défaillance de l’emprunteur, la banque compensait ses pertes par la vente du bien hypothéqué.

Ce qui caractérise fondamentalement la crise des subprimes et ses répercussions à l’échelle internationale, c’est la mise en place de véhicules de titrisation initiée au début des années 1990. Ces derniers permettaient entre autres de transformer des titres financiers (par exemple les crédits hypothécaires consentis aux ménages américains) en portefeuilles d’actifs qui formaient à nouveau des titres émis sur les marchés financiers. Au lendemain de la crise, ces titres deviendront ces fameux actifs « pourris », toxiques douteux ou encore illiquides « polluant » les bilans bancaires mondiaux. Pourquoi ?

Parce qu’une fois que la base de ce système de titrisation s’est effondré – les ménages américains ne pouvant plus rembourser leurs crédits – ces actifs se sont révélés invendables… Résultat, les banques ayant investi dans ces produits se sont résignées à les immobiliser dans leurs bilans.

La naissance des « bad banks »

Si une banque n’est pas totalement une entreprise comme les autres, leurs activités doivent rester attractives aux yeux des investisseurs. À défaut de pouvoir revendre leurs actifs toxiques ou de les intégrer dans un plan de rachat massif organisé par l’État, comme cela fut parfois le cas aux États-Unis, les banques européennes ont créé des structures destinées à accueillir ces actifs illiquides. Ce sont les fameuses « bad banks ». Leur mission : vendre au meilleur prix les actifs toxiques dont elles ont la charge pour limiter les pertes des actionnaires.

La création d’une structure de cantonnement destinée à accueillir ces actifs illiquides a été entreprise par la banque franco-belge Dexia au lendemain de la crise des subprimes. En septembre 2008, pour éviter sa faillite, la France, le Luxembourg et la Belgique décident d’y injecter 6,4 milliards. Son portefeuille d’actifs toxiques est alors estimé à 220 milliards d’euros. En décembre 2012, après plusieurs années de difficultés de refinancement, Bruxelles valide son démantèlement.

Voir notre actualité : Dexia : histoire d’un démantèlement

Si Dexia fait partie de ces « bad banks », elle n’est pas la seule. En effet, plusieurs grandes banques européennes, dont des banques françaises, ont également eu recours à ce mécanisme. On peut par exemple citer la West LB en Allemagne qui fut la première, en décembre 2009, à créer une « bad bank » regroupant à l’époque 77 milliards d’euros d’actifs toxiques, un nombre porté par la suite à 200 milliards d’euros.

Au total, plus de 1 000 milliards d’euros d’actifs toxiques seraient ainsi stockés dans ces « bad banks » européennes. En guise de comparaison, le produit intérieur brut (PIB) annuel de la zone euro s’est élevé en 2011 à 9 000 milliards d’euros…

À terme, une bombe à retardement pour les contribuables ?

Il existe deux cas de figure faisant courir un risque plus ou moins conséquent aux contribuables. Dans le premier, la structure de défaisance créée dépend directement de la banque en difficultés financières. Dans ce cas, les pertes éventuelles sont principalement supportées par les actionnaires même si cette situation peut fragiliser l’établissement bancaire, d’autant plus si son poids dans l’économie est relativement important… Dans le second cas de figure, une structure publique a spécialement été créée pour racheter les actifs toxiques d’une ou plusieurs banques comme ce fut le cas en Irlande. Dès lors, les pertes encourues sont directement à la charge du contribuable.

À noter que dans certains cas, un État peut lui-même être actionnaire d’une banque ayant mis en place une « bad bank ». En cas de perte, les contribuables peuvent donc être mis à contribution à l’issue de la liquidation de ses actifs.