Le programme économique d’Elizabeth Warren

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Elizabeth Warren, candidate à l’investiture démocrate en vue de l’élection présidentielle de 2020 aux États-Unis, propose un programme économique ambitieux : taxation des grandes fortunes, démantèlement des GAFA, salaire minimum de 15 dollars de l’heure… autant de mesures vivement critiquées par ses adversaires politiques.

Principaux points du programme économique d’Elizabeth Warren

La sénatrice du Massachusetts Elizabeth Warren est en tête, avec Joe Biden, de la course à l’investiture démocrate pour la présidentielle de 2020. Son programme économique, classé à gauche de l’échiquier politique américain, comporte des mesures à la fois radicales et contestées.

programme économique d’Elizabeth WarrenNous listons ici les principaux points de son programme économique :

Salaire minimum

Porter le salaire minimum à 15 dollars de l’heure, contre 7,25 dollars de l’heure actuellement. A noter que certains États ont déjà augmenté le salaire minimum, comme la Californie, où il est de 12 dollars de l’heure.

Taxes

Augmentation des taxes sur les riches et les grandes entreprises : la proposition d’Elizabeth Warren, inspirée des travaux des économistes français Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, vise à instaurer une taxe annuelle de 2 % sur chaque dollar au-delà d’une fortune de 50 millions de dollars et de 3 % sur chaque dollar au-delà de 1 milliard de fortune.

Le seuil de 50 millions de dollars de fortune a été choisi car il correspond aux 0,1 % les plus fortunés, qui ont vu leur richesse s’accroître considérablement (ils concentraient 7 % de la richesse totale des ménages américains dans les années 1970 contre 20 % aujourd’hui).

De plus, Elizabeth Warren propose une taxe supplémentaire de 7 % sur chaque dollar de profit des entreprises au-delà de 100 millions de dollars de profit.

GAFA

Démanteler les grandes entreprises du numérique (les GAFA) qui auraient acquis un pouvoir de marché et un pouvoir politique excessifs. Ce plan ne vise pas à la disparition de ces entreprises, mais à éviter que se créent des groupes capables de dominer le marché. Par exemple, Facebook, qui détient WhatsApp et Instagram, serait contraint de vendre ces deux entreprises.

Assurance santé

« Medicare for all » : aujourd’hui, 24 millions d’Américains ne sont pas couverts par une assurance santé. Elizabeth Warren veut couvrir toute la population en étendant le programme Medicare à chaque Américain. Le coût de la mesure serait supporté par les taxes sur les riches et les grandes entreprises.

Dette des étudiants

Annulation de la dette des étudiants : les études sont très chères aux États-Unis et les étudiants sont lourdement endettés. Chaque Américain verrait sa dette étudiante effacée jusqu’à 50 000 dollars. Cela concernerait 42 millions de personnes et conduirait de fait à l’effacement total de la dette pour les trois quarts des étudiants. Le coût de la mesure serait supporté par les taxes sur les riches et les grandes entreprises.

Environnement

Interdire la fracturation hydraulique. Les États-Unis produisent 12 millions de barils de pétrole par jour, ce qui fait du pays le plus gros producteur mondial. Depuis 2011, la production américaine a doublé, notamment du fait de la production massive de pétrole de schiste. Ce pétrole nécessite pour être extrait de recourir à la fracturation hydraulique, accusée de nuire à l’environnement.

Pour des raisons écologiques, Elizabeth Warren souhaite interdire cette technique d’extraction qui conduirait de fait à l’arrêt de la production de pétrole de schiste.

Les propositions d’Elizabeth Warren, un suicide économique ?

Le programme d’Elizabeth Warren, assez radical au vue de la tradition économique d’inspiration plutôt libérale des États-Unis (mais assez proche d’une vision interventionniste de l’économie plus répandue en Europe), pourrait changer sensiblement l’économie et la société américaine.

Sans surprise, ses idées sont combattues par les républicains, mais aussi par de nombreux centristes comme l’économiste Larry Summers ou Bill Gates, qui critique les hausses d’impôts sur les riches alors qu’il s’était montré favorable à donner la majorité de sa fortune à des œuvres de charité.

Il est difficile de prévoir les conséquences précises du programme d’Elizabeth Warren s’il était mis en place.

La hausse du salaire minimum diminuerait les profits des entreprises et alimenterait l’inflation du fait de la hausse des coûts, mais stimulerait aussi la consommation des ménages, ce qui pourrait s’avérer profitable à l’économie américaine. De plus, le niveau de vie des salariés à bas salaires stagne depuis plus de 30 ans, creusant les inégalités entre riches et pauvres.

La hausse des taxes sur les riches et les entreprises conduirait, selon ses détracteurs, à réduire l’investissement des entreprises aux États-Unis. Cependant, selon Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, le taux d’imposition moyen des 400 familles les plus riches est de 23 %, c’est-à-dire moins que la moyenne de la moitié des américains les plus pauvres (24,2 %).

De plus, les années 1950 ont été marquées simultanément par un taux d’imposition très élevé sur les plus riches (autour de 90 %) et d’une croissance économique robuste.

Enfin, ces mesures permettraient de financer des programmes sociaux comme la santé ou l’annulation de la dette des étudiants.

Le démantèlement des GAFA est combattu par les principaux intéressés qui y voient une forme d’ingérence de la puissance publique dans la vie des entreprises. Historiquement, de tels démantèlements se sont déjà produits, comme Standard Oil ou AT&T.

De plus, l’économiste Thomas Philippon montre que le droit de l’économie américaine se caractérise de plus en plus par une concentration de grandes entreprises, ce qui augmente les coûts pour les consommateurs.

Enfin, la fin de la fracturation hydraulique, défendue pour des raisons écologiques, conduirait à une hausse sensible du prix du pétrole. Cela relancerait l’inflation et rognerait le pouvoir d’achat des ménages, aux États-Unis et dans le monde entier. De toutes les mesures d’Elizabeth Warren, ce pourrait être celle ayant le plus d’impacts directs sur le reste du monde.