La chute du hedge fund Archegos

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Les déboires du hedge fund Archegos, empêtré dans des opérations financières complexes, ont affolé les marchés financiers à la toute fin du mois de mars. Au cœur de cette affaire : les produits dérivés, l’effet de levier et les appels de marge. Explications.

Archegos, l’effet de levier et les appels de marge

Fondé en 2013 par Bill Hwang, Archegos est un hedge fund de type family office, ce qui signifie qu’il a pour vocation de gérer la fortune d’une ou de plusieurs familles – ici en l’occurrence la fortune de la famille de son fondateur.
Bill Hwang est un investisseur bien connu des milieux de Wall Street : en 2012, alors à la tête de Tiger Asia Management, son précédent fonds, il avait accepté de payer près de 44 millions de dollars au gendarme américain de la bourse, la Securities and Exchange Commission (SEC), pour régler une affaire de délit d’initié.

Le délit d’initié désigne, pour un investisseur, le fait d’acheter ou de vendre des titres financiers en disposant d’informations privilégiées et non publiques.

Les opérations financières menées par Archegos portaient sur des produits dérivés et s’appuyaient sur un fort effet de levier : alors que le fonds ne disposait que de 10 milliards de dollars d’actifs, ses positions sur les marchés financiers atteignaient près de 50 milliards de dollars. Autrement dit, Archegos investissait des fonds dont il ne disposait pas, ce qui est à la fois normal – l’une des fonctions principales du système financier est d’avancer des fonds aux agents économiques –, mais également dangereux. Si le pari de l’investisseur, ici Archegos, n’est pas gagnant, alors les pertes financières peuvent atteindre des montants considérables.

Pour financer ses investissements, Archegos avait donc recours à des prêts de la part d’autres institutions financières. Pour se protéger, celles-ci exigeaient d’Archegos qu’il dépose des fonds sur un compte de leur établissement et l’alimente en fonction de l’évolution de la position de ses investissements : les fameux « appels de marge ».

Les appels de marge : un exemple simple

Supposons qu’un investisseur achète à terme 100 actions d’une entreprise pour une valeur totale de 100 000 euros (soit 1 000 euros par action). Les contrats à terme se liquident dans la majorité des cas par règlement des différences. Cela signifie que la valeur de ce contrat sera comparée à la valeur de marché de ces 100 actions. Si cette dernière est, à l’échéance du contrat à terme, supérieure à la valeur du contrat (100 000 euros), alors l’investisseur recevra la différence entre les deux. Dans le cas contraire, l’investisseur devra régler la différence. Pour pouvoir réaliser cette opération, l’investisseur a dû verser une fraction du montant global de son contrat sur son compte chez son intermédiaire financier : la marge initiale.

Supposons maintenant que la valeur des actions en bourse baisse après la signature du contrat à terme. Dans ce cas, la position de l’investisseur se trouve dans une situation de moins-value latente et l’intermédiaire financier lui demandera de déposer des fonds sur son compte, afin de limiter sa perte potentielle. Ces fonds supplémentaires correspondent aux appels de marge.

Un (mini) vent de panique à Wall Street

En se révélant incapable de satisfaire les appels de marge le 26 mars, le fonds Archegos a provoqué un vent de panique à Wall Street fin mars.
En l’absence de couverture suffisante, les établissements de crédit ayant prêté des fonds à Archegos ont, en effet, décidé de rapidement liquider ses positions afin de limiter leurs pertes potentielles. Devant ces ventes massives, le cours des actions des entreprises sur lesquelles s’était positionné Archegos ont chuté, parfois fortement. Ainsi, le cours de l’action Viacom, un conglomérat américain détenteur de plusieurs médias, a été divisé par deux en moins d’une semaine.

Le précédent LTCM

La chute du fonds Archegos rappelle, toute proportion gardée, celle du Long Term Capital Management (LTCM) intervenue en 1998.

Ce hedge fund – sans doute, l’un des plus célèbres de l’histoire –, fut fondé en 1994 par John Meriwether. Ce banquier star s’associa notamment à Myron Scholes et Robert Merton, deux futurs lauréats du prix Nobel d’économie pour leurs travaux sur la valorisation d’options. Malgré cette direction prestigieuse et qualifiée, la stratégie agressive et complexe du LTCM rencontra un échec retentissant en 1998 : suite au défaut de paiement de la Russie, le fonds perdit près de 5 milliards de dollars en l’espace d’une journée ! On estime alors que l’ensemble des positions du LTCM représentait environ 1200 milliards de dollars !

Afin d’éviter que cette chute ne déclenche une crise systémique affectant l’ensemble du système financier, un plan de sauvetage fut mis sur pied permettant de liquider progressivement les positions du LTCM. Le retour à la « normale » sur les marchés financiers nécessita alors de long mois…

Dans le même temps, la valeur en bourse de Nomura et Crédit Suisse, deux banques ayant subi des pertes à la suite de la chute d’Archegos, a reculé. À ce stade, les établissements bancaires français ne semblent pas être particulièrement exposés aux conséquences des déboires du fonds Archegos.