Fiscalité successorale : le programme des candidats

la finance pour tous

Alors qu’une étude du conseil d’analyse économique recommande de réformer en profondeur les règles successorales, les candidats à l’élection présidentielle affichent leurs propositions… Lesquelles, sans grande surprise, varient selon la couleur politique !

La France est devenue, au fil des années, une « nation d’héritiers », et « l’héritage redevient un facteur déterminant dans la constitution du patrimoine dans les pays industrialisés », comme le constate le conseil d’analyse économique (CAE) dans une très récente étude. Selon ce rapport, la fortune héritée représente désormais 60 % du patrimoine total contre 35 % en moyenne au début des années 1970. Une tendance commune à tous les pays développés mais qui semble particulièrement forte en France.

Les inégalités sur l’héritage se creusent : 50 % des individus hériteront de moins de 70 000 euros de patrimoine tout au long de leur vie, alors que le « top 0,1 % », percevra environ 13 millions d’euros !

Succession : un barème progressif… Mais de nombreuses niches fiscales !

En France, il existe tout d’abord un abattement égal à 100 000 euros par parent et par enfant, lequel s’applique pour les donations et également sur les successions (si cet abattement n’a pas été consommé lors d’une donation au cours des 15 dernières années). Et ensuite, un barème progressif, de 5 % à 45 %, s’applique pour déterminer la valeur taxable. Toutefois, l’étude du CAE note – et notamment pour les gros patrimoines – que certaines niches fiscales permettent de réduire le coût réel des successions. Le CAE pointe notamment le doigt sur l’assurance-vie, le pacte Dutreil (transmission des biens professionnels), le démembrement de propriété ou encore la non-taxation des plus-values latentes en cas d’héritage ou donation.

Un taux réel d’imposition bien inférieur au barème

De fait, et grâce à ces dispositifs permettant de réduire l’impôt, les « plus riches » parviennent à diminuer massivement la charge fiscale. Comme le précise la note du CAE, « Dans le haut de la distribution, le top 0,1 % de chaque cohorte, qui aura reçu au cours de la vie environ 13 millions d’euros de transmissions brutes, ne paie qu’à peine 10 % de droits de succession sur l’ensemble de ce patrimoine hérité, bien loin du taux marginal de 45 % affiché par le barème au-delà de 1,8 million d’euros transmis en ligne directe ». Cela implique, selon cette étude, que 40 % du patrimoine échappe à l’impôt.

Le barème des droits en ligne direct » (parents/enfants)

Part nette taxable après abattement

Taux applicable

< 8 072 euros

5 %

8 072 <= < 12 109 euros

10 %

12 109 <=< 15 932 euros

15 %

15 932 <=< 552 324 euros

20 %

552 324 € <=< 902 838 euros

30 %

902 838 € <=< 1 805 677 euros

40 %

>= 1 805 677 euros

45 %

 

Selon l’étude, « 50 % des individus auront hérité de moins de 70 000 euros de patrimoine tout au long de leur vie, et parmi ceux-là, une large fraction n’aura hérité d’aucun patrimoine. Alors que 10 % bénéficient d’un héritage supérieur à 500 000 € ». Le document du CAE prône de repenser les dispositifs en vigueur en réformant ces niches fiscales, et notamment en renfonçant les contrôles sur les transmissions d’entreprise (Pacte Dutreil) et en repensant l’assiette des droits de succession.

Fiscalité successorale : les propositions des prétendant.e.s à l’Elysée

Tous les programmes n’ont pas encore été publiés, et certaines propositions doivent encore être affinées, mais on peut déjà constater de fortes différences selon la couleur politique ! Et au fil des journées, les propositions évoluent…

A droite : vive les entreprises, et hausse des abattements pour les ménages !

Du côté des Républicains, le programme de Valérie Pécresse prévoit d’« exonérer totalement de droits de succession la transmission d’une entreprise familiale ». Si la candidate est élue, il est prévu un abattement sur les successions et les donations à ses enfants de 200 000 € (contre 100 000 actuellement) tous les 6 ans (au lieu de tous les 15 ans) et de majorer l’abattement pour les transmissions dites indirectes (frère, cousin) à 100 000 €.

Eric Zemmour souhaite également supprimer totalement les droits lors de la transmission d’entreprises familiales, et doubler le plafond d’abattement pour les enfants.

Du côté du Rassemblement National, Marine le Pen prévoit de « renforcer la solidarité intergénérationnelle en permettant à chaque parent de transmettre sans taxation 300 000 euros à chaque enfant sur les biens immobiliers et de réduire la durée permettant de refaire une donation exonérée tous les 10 ans (contre 15 ans) dans le dispositif actuel. »

Nicolas Dupont-Aignan prévoit d’exonérer de frais de succession la résidence principale « pour que les parents puissent transmettre à leurs enfants le bien où ils ont en général été élevés ». Et du côté des entreprises, il souhaite relever le plafond d’exonération des pactes Dutreil à 90 % (75 % actuellement).

Emmanuel Macron n’a pas encore officialisé sa candidature, mais il a récemment précisé, dans les colonnes du Parisien, souhaiter encourager la transmission populaire. « Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu’il faut augmenter les droits de succession à tout-va, au contraire ». A suivre.

A gauche : serrage de vis !

Sans grande surprise, les propositions de la gauche sont moins clémentes vis-à-vis des entreprises, et des propriétaires aisés.

Du côté de Jean-Luc Mélenchon, pas de quartier ! Il souhaite augmenter les droits de succession sur les gros patrimoines et créer un héritage maximum pour les fortunes les plus importantes (égal au patrimoine des 0,01 % les plus riches. « Au-delà de 12 millions, je prends tout. Si vous n’avez pas 12 millions d’héritage de prévu, vous ne risquez rien avec moi » a-t-il déclaré récemment. Il prévoit également de rétablir l’ISF.

Au Parti Socialiste, même combat, mais plus nuancé. Sans entrer dans le détail, Anne Hidalgo prévoit d’augmenter l’impôt sur les successions au-delà de 2 millions d’euros, et également de rétablir l’ISF.

Et au Parti Communiste, Fabien Roussel souhaite exonérer les successions pour une valeur de 188 000 € (héritage moyen). Pour rappel, l’abattement actuel est de 100 000 €. Et comme ses concurrents, il souhaite rétablir l’ISF qui serait « refondé et renforcé pour inciter les entreprises à l’investissement et aux créations de richesses réelles ».

Enfin, du côté des « verts  », il est prévu de supprimer les niches fiscales et de faire revivre un ISF plus contraignant.