Comprendre les déboires des banques régionales américaines

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Établissements de taille intermédiaire, les banques régionales américaines font face à de nombreuses difficultés depuis plusieurs jours, subissant des retraits de dépôts massifs de la part de leurs clients. Elles ont atteint un paroxysme avec la faillite de la First Republic Bank. Décryptages.

Que sont ces banques régionales américaines ?

Largement inconnues du grand public il y a encore quelques semaines, les banques régionales américaines (US regional banks) font désormais les gros titres de l’actualité financière.

Que sont-elles ? La Réserve fédérale américaine (FED) – la Banque centrale des États-Unis – retient un critère financier pour les caractériser : les banques régionales sont des établissements dont la valeur de l’actif total est comprise entre 10 et 100 milliards de dollars. Il s’agit donc de banques de taille intermédiaire, entre les community banks, dont l’influence est purement locale, et les grands établissements opérant à l’échelle nationale et internationale.

La comparaison avec le cas de la France, où de tels établissements n’existent pas, est délicate. Il apparaît, toutefois, que ces banques sont de taille relativement modeste en comparaison des grands groupes bancaires français – BNP Paribas, Groupe BPCE, Groupe Crédit Agricole, Groupe Crédit Mutuel, Société Générale –, pour lesquels la taille du bilan dépasse, parfois très nettement, les 1000 milliards d’euros. Chaque banque régionale est généralement présente dans plusieurs Etats américains.

Par exemple, Comerica, l’une des plus importantes banques régionales américaines, est présente au Texas (où se trouve son siège social), en Arizona, en Californie, en Floride et dans le Michigan.

Les banques régionales américaines connaissent des déboires depuis mars dernier. Dans le sillage des faillites de la Silicon Valley Bank et de Signature Bank, elles ont ainsi vu leurs dépôts et leur cours en bourse baisser fortement. L’indice KBW Regional Bank, composé notamment des actions de banques régionales cotées à New York (Nasdaq et New York Stock Exchange) ou à Chicago (CBOE Exchange), a ainsi reculé de près de 30 % depuis début mars, alors qu’au cours de la même période, l’indice S&P 500, basé sur 500 grandes sociétés cotées aux États-Unis, progressait de 3,5 %. Ces difficultés ont même conduit, le lundi 1er mai, à la chute de la First Republic Bank, ce qui constitue l’une des plus importantes faillites bancaires de l’histoire américaine moderne.

indice KBW Regional Bank

Comment expliquer les difficultés rencontrées par les banques régionales américaines ?

Les banques régionales américaines subissent tout d’abord la hausse des taux d’intérêt. Conséquence du durcissement de la politique monétaire menée par la FED, celle-ci peut entraîner des pertes pour les détenteurs d’obligations, comme les banques régionales. Ces dernières ont, en effet, massivement placé les dépôts de leurs clients en obligations, actifs considérés comme peu risqués. Des erreurs de gestion pour certains et un défaut de régulation pour d’autres les ont, toutefois, conduit à négliger le risque de taux.

Le risque de taux est le risque de baisse de la valeur d’actifs encouru en raison de la hausse des taux d’intérêt.

La valeur des obligations émises avant l’augmentation des taux d’intérêt a sensiblement baissé, les investisseurs préférant les céder pour acquérir des obligations nouvellement émises et plus rémunératrices. Si le détenteur d’une obligation « ancienne » est capable de la conserver jusqu’à son remboursement, il ne subit pas de perte. C’est le cas, en revanche, s’il doit liquider son portefeuille par anticipation, la valeur de marché étant inférieure à la valeur de remboursement.

Les banques régionales se retrouvent dans cette situation, car elles doivent vendre une partie des obligations qu’elles détiennent pour faire face aux demandes de retraits de leurs clients.

Les retraits de dépôts subis par les banques régionales sont amplifiés par, au moins, trois facteurs. Le premier est la faible attractivité des comptes bancaires qu’elles proposent, en raison de leur famélique rémunération. Les rendements offerts par les Bons du Trésor américains sont, par exemple, nettement supérieurs à celui de ces comptes, sans forcément que cette différence ne s’explique par l’existence d’un risque supérieur.

Le second est la plus grande rapidité de transferts de fonds permise par les nouvelles technologies : avec internet, les retraits de dépôts sont instantanés ou presque.

Enfin, ces banques font actuellement l’objet d’une défiance,  qui pousse les déposants à s’en détourner (notamment ceux dont la valeur des dépôts dépasse la garantie fédérale de 250 000 dollars).