La mondialisation n’est pas coupable – vertus et limites du libre-échange

la finance pour tous

« La mondialisation n’est pas coupable » est paru en 1996 aux Etats-Unis (et en 2000 dans sa version française). A l’époque, l’euro n’existe pas, les Etats-Unis connaissent la forte croissance des années Clinton, l’Argentine semble sur la bonne voie et l’explosion de la bulle internet aurait fait figure de science-fiction. Autrement dit, les évènements d’il y a 20 ans nous paraissent aujourd’hui passablement préhistoriques.

La mondialisation n’est pas coupable – vertus et limites du libre-échange

Pourtant, le livre n’a rien perdu de son actualité. Son thème central est, comme le titre l’indique, que la mondialisation et l’ouverture aux échanges ne sont pas coupables, plus précisément pas coupables du chômage, de la désindustrialisation et du ralentissement de la croissance dans les pays riches.
Autrement dit : ne pas mettre tous les problèmes sur le dos des travailleurs sous-payés de Chine, du Mexique ou d’ailleurs.

Cependant, Paul Krugman n’est pas un libéral dogmatique, il appartient au courant keynésien et ferraille habituellement avec les milieux conservateurs. Seulement, à partir d’une analyse rigoureuse tant de la théorie que des faits économiques, il s’évertue à démontrer l’inconsistance de nombre d’arguments pourtant abondement relayés par la presse, les responsables politiques et certains économistes.
L’auteur critique ce qu’il appelle la « théorie pop du commerce international », c’est-à-dire une idée selon laquelle les pays sont en concurrence les uns contre les autres, un peu comme le seraient des entreprises, et que la compétitivité est la clé de la croissance.
Pour Krugman, c’est la productivité et non la compétitivité qui détermine la prospérité économique d’un pays. La différence peut sembler relever du débat d’experts, elle a pourtant de vastes implications en termes de politique économique. En effet, la compétitivité ne concerne que les biens et services échangeables alors que la productivité recouvre l’ensemble de l’économie. Puisque les biens et services échangeables représentent une part largement minoritaire de l’économie, une politique économique qui ne viserait à accroître que la compétitivité oublierait d’améliorer l’efficacité de la majeure partie de l’économie.

La majorité du livre se présente sous la forme de retranscriptions de conférences ou de papiers publiés précédemment, ce qui explique des changements de ton ou d’angle de vue au cours du livre. L’auteur rentre dans la mêlée, il ne prend pas de gants pour défendre ses idées. Si parfois on peut lui reprocher certaines simplifications un peu cavalières (exemple : la banque centrale peut régler à peu près comme elle le souhaite le niveau d’activité), l’argumentaire est généralement pointu et rigoureux. Après-tout, Paul Krugman est un des spécialistes les plus reconnus du sujet et a même reçu le prix Nobel en 2008 pour ses travaux sur « les effets des économies d’échelle sur les modèles du commerce international et la localisation de l’activité économique ».

Le tout écrit dans un style savoureux et assez inhabituel en économie. Un livre passionnant à une époque où l’ouverture au commerce tient parfois le rôle de bouc émissaire idéal.  

De Paul Krugman
Editions La Découverte
218 pages
9 €
Paru en 2000 (dans la version française)