Le low-cost bancaire

la finance pour tous

Économiste et vice président de l’Autorité de la concurrence, Emmanuel Combe nous explique les grands principes du low-cost.

 

Cette interview a été réalisée en 2014.

Qu’est-ce que le low-cost bancaire ?

Il y a des confusions sur la notion même de low cost : ce n’est pas parce que l’on vend un produit bon marché qu’on est low-cost et ce n’est pas parce que l’on produit en Chine avec des coûts de production plus faibles que l’on est low-cost.

Le low-cost consiste à prendre un produit complexe, riche et à le dépouiller de tous ses accessoires et options pour en faire un produit basique, simple.

L’exemple du transport aérien  est significatif : le billet d’avion est un produit cher et complexe qui donne accès à de multiples services pendant la durée du vol (café, journal…). Un  billet d’avion low-cost n’offre pas toutes ces options ; il garantit ce qui est essentiel pour la clientèle, à savoir la ponctualité et la sécurité du vol.

Donc le low-cost se définit comme un  produit peu cher car simplifié à l’extrême sans avoir toutes les options . Chaque fois que le consommateur veut plus de services, il paie en plus.

On retrouve typiquement l’esprit du low-cost dans le low-cost bancaire.

Un compte bancaire et une carte bleue offrent une multitude de services : le droit d’avoir un découvert, d’emprunter, d’épargner et d’avoir une relation physique avec un conseiller bancaire en agence. Le low-cost bancaire part de ce produit complexe et le dépouille pour en retenir là aussi  l’essentiel, qui est d’avoir un compte bancaire sur lequel on peut déposer et retirer de l’argent.

A partir de cette définition, on a deux modèles de low-cost bancaire différents:

  • un modèle « d’entrée de gamme » très récent, avec le compte Nickel,

  • un modèle plutôt « haut de gamme »: le produit low-cost est une carte bancaire à zéro euro,  elle permet seulement d’avoir accès à une banque en ligne. Pour bénéficier d’options supplémentaires, il faut payer en  plus.

Ce modèle » haut de gamme » s’adresse aux catégories socio-professionnelles qualifiées, qui connaissent bien les produits financiers et préfèrent gérer elles-mêmes leurs comptes. C’est une clientèle le plus souvent  jeune et urbaine qui a pleinement confiance dans la banque en ligne.

Cependant il faut souligner que ces banques en ligne choisissent leur clientèle car elles ont des exigences en termes de niveau de revenu et de domiciliation ; tout le monde ne peut pas avoir accès à ce type de banque.

Qu’est-ce que le compte Nickel ?

Le compte Nickel est un produit low-cost par excellence, d’entrée de gamme puisqu’il démarre à 20 euros. C’est un produit basique, un simple compte  où l’on peut seulement déposer et  retirer de l’argent ; il n’est pas possible de bénéficier  des conseils financiers, d’emprunter ou d’avoir un découvert. Le compte Nickel est donc un service financier minimal que l’on peut ouvrir chez les buralistes ou auprès de distributeurs.

La mise de fonds initiale est faible mais, comme pour tout produit low-cost, chaque fois que l’on fait une opération de dépôt ou de retrait, celle-ci est facturée. Ce produit peut finalement  revenir plus cher que son équivalent dans une banque classique, dès lors que le client utilise fréquemment sa carte bancaire.

Ce marché cible essentiellement une clientèle de passage, des saisonniers, des personnes qui ont rompu avec le système bancaire (500 000 personnes sont sans compte bancaire en France) ou des étrangers qui souhaitent avoir une carte bleue pour une durée limitée.

Le compte Nickel peut être un moyen de redonner confiance à toute une clientèle, pas ou peu bancarisée. Contrairement à ce qu’on croit, il ne s’agit pas d’un produit concurrent des banques mais d’une  première étape vers l’accès (ou le retour) à un service bancaire traditionnel car une fois en confiance, le client peut renouer avec une relation bancaire classique.

Pourquoi les banques investissent-elles dans le low-cost ?

Les banques traditionnelles investissent dans le low-cost pour trois raisons :

  • Dès lors qu’une banque investit un marché et « trouve » sa clientèle, ses concurrentes ont intérêt à faire de même et à aller sur ce marché (principe de réaction monopolistique).  Le leader historique en France, Boursorama banque, a réussi à capter une part de ce marché en ligne (entre 3 et 4%), ses concurrents ont tout intérêt à faire de même.

  • Ce marché correspond à une attente et à une demande d’autonomie de la clientèle qui est souvent très critique vis à vis du service bancaire. Leur donner grâce à la banque en ligne la possibilité de gérer leurs comptes permet de les réconcilier avec les banques.

  • La banque en ligne est encore  un marché  confidentiel (entre 3 et 4 millions de comptes) mais c’est un marché en croissance avec le développement de la 4 G et des smartphones. Les clients de ce type de banque ne craignent pas  de ne pas avoir d’agence physique et d’interlocuteur privilégié.

Donc le marché du low-cost bancaire est encore un marché de taille modeste, en forte croissance, toutes les grandes banques de réseaux se doivent d’y être présentes. 

Qu’est-ce-que le « mobile banking » ?

Le low-cost bancaire pourrait trouver un formidable débouché dans les pays en voie de développement, notamment en Afrique subsaharienne pour deux raisons:

  • Nous sommes à l’heure actuelle 7 milliards d’hommes sur la planète dont 6 ont un téléphone portable et 2 milliards seulement un compte bancaire. Or, la carte à puce du téléphone portable est très proche de la carte bancaire. Il y a donc un formidable  potentiel de développement pour un marché bancaire, propice au développement économique  de ces pays.

  • Ces pays sont caractérisés par une forte dispersion géographique de leur population avec peu de moyens de transport, des revenus faibles et un taux d’alphabétisation critique. La banque classique ne peut pas fonctionner en dehors des grandes villes ce qui explique pour partie le faible taux de bancarisation: 15 à 16 % contre plus de 80 % dans les pays développés.

Certains opérateurs de téléphonie mobile ont compris tout l’intérêt d’utiliser le téléphone portable pour diffuser des services financiers de base c’est-à-dire émettre et recevoir des virements. En Afrique, ce sont les opérateurs de téléphonie qui ont été à l’initiative.

Aujourd’hui, les grands groupes bancaires (dont la Société générale) reprennent ce marché en mains avec pour objectif d’habituer progressivement ces populations à l’intermédiation financière. Ce qui pourrait permettre ensuite dans un deuxième temps d’offrir soit par le mobile soit par un réseau physique (camions faisant office d’agences) des produits financiers plus complexes, comme des produits d’épargne…

Le « SMS banking » est donc une première étape vers une bancarisation plus classique des pays en  voie de développement, même si celle-ci reste adaptée aux spécificités de ces économies.

 

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