Au Liban, l’une des plus graves crises économiques mondiales jamais enregistrées

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Un an tout juste après les terribles explosions au port de Beyrouth, le Liban traverse actuellement l’une des plus graves crises économiques enregistrées par un pays depuis le milieu du XIXe siècle. Celle-ci se caractérise par une profonde dépression économique, des finances publiques fortement dégradées, une dépréciation massive de la monnaie et une inflation galopante. Explications.

Liban : des indicateurs macroéconomiques fortement dégradés

Un an tout juste après les explosions au port de Beyrouth, la situation économique au Liban ne cesse de se dégrader. Alors que, sous l’effet de la crise que traverse depuis plusieurs années le pays et de la pandémie de Covid-19, le produit intérieur brut (PIB) a chuté de plus de 20 % en 2020, la Banque mondiale estime que le recul de l’activité économique atteindra 9,5 % en 2021. Conséquence de cette dépression : plus de la moitié de la population libanaise vivrait, désormais, en dessous du seuil de pauvreté ! La période actuelle contraste donc fortement avec les années 2000 où la croissance du PIB libanais était, en moyenne, supérieure à 5 % par an.

Évolution du PIB Liban

Les indicateurs monétaires ne sont guère plus réjouissants. Toujours selon la Banque mondiale, l’inflation était de 84,3 % en 2020 et devrait atteindre 100 % en 2021. Ces niveaux restent en deçà de ceux observés dans des épisodes d’hyperinflation, mais ils n’en demeurent pas moins particulièrement élevés et provoquent une chute drastique du pouvoir d’achat de la population. Cette situation est amplifiée par la forte dépréciation de la livre libanaise, officiellement ancrée sur le dollar, la devise libanaise a perdu plus de 90 % de sa valeur sur le marché noir.

Les explosions au port de Beyrouth

Le 4 août 2020, deux explosions au port de Beyrouth provoquaient 218 morts et plus de 6 500 blessés. Les conséquences au niveau économique sont également considérables : la Banque mondiale estime entre 3,8 et 4,6 milliards de dollars le coût engendré par les dégâts matériels et entre 2,9 et 3,5 milliards de dollars l’impact sur le produit intérieur brut (PIB) libanais. Selon des responsables libanais, le coût total de l’explosion pourrait, au total, atteindre près de 15 milliards de dollars !

Le Liban a fait défaut sur sa dette en mars 2020. Depuis, faute d’aide extérieure, la situation des finances publiques ne s’est guère améliorée. Le déficit public, après s’être élevé à 4,9 % en 2020, devrait atteindre 5,3 % du PIB en 2021. Dans le même temps, la Banque mondiale estime que la dette publique, en augmentation continue depuis 2013, pourrait frôler le seuil de 200 % du PIB l’année prochaine.

Évolution des finances publiques libanaises

Les conséquences de la dépression économique au Liban sont amplifiées par la crise politique que traverse le pays. Le Fonds monétaire international (FMI) a, par exemple, promis une aide financière, mais l’a conditionnée à la formation d’un gouvernement stable… dont le pays est dépourvu depuis août 2020 !

Utilisant une méthodologie développée par deux économistes, C. Reinhart et K. Rogoff, la Banque mondiale estime que la crise que traverse actuellement le Liban pourrait être la troisième plus grave de l’histoire économique mondiale depuis le milieu du XIXe siècle ! Seuls le Chili en 1926 et l’Espagne en 1931 ont, selon ces calculs, connu une crise économique plus violente.

Liste des plus graves crises économiques à l’échelle mondiale

Les causes de la crise libanaise

La crise économique actuelle libanaise s’explique par plusieurs facteurs. Outre les explosions du port de Beyrouth, le Liban a, à l’instar de la quasi-totalité des pays du globe, été touché par les conséquences de la pandémie de Covid-19, et notamment par la baisse des envois de fonds des Libanais installés en dehors du pays. Celle-ci n’a, toutefois qu’amplifié la crise libanaise, mais ne l’a pas provoquée, tant les difficultés s’accumulaient au Liban depuis la fin de la décennie 2010.

Parmi les facteurs propres à l’économie libanaise, on peut, entre autres, citer :

  • un contexte géopolitique instable, notamment depuis 2011 et le déclenchement de la guerre civile en Syrie ;
  • un fort endettement, en particulier public. La dette publique dépasse largement le seuil de 130 % du PIB depuis 2013. Pire : un manque de transparence entoure la gestion des finances publiques au Liban et les réformes attendues pour élargir l’assiette fiscale n’ont jamais vu le jour. Il s’en est suivi une perte de confiance dans la livre libanaise et une fuite vers une monnaie plus sûre et stable, comme le dollar, qui a participé à la dépréciation de la livre libanaise ;
  • une politique monétaire hasardeuse menée par la Banque centrale libanaise. En arrimant la livre libanaise au dollar et en maintenant les taux d’intérêt à un niveau élevé, l’institution dirigée par Riad Salamé – autrefois qualifié de « magicien » et aujourd’hui critiqué, et même menacé judiciairement –, a permis un afflux de capitaux vers le Liban. Grâce à ces derniers, en partie libellés en dollars, la Banque du Liban empruntait des fonds aux banques commerciales, afin de prêter à l’État et de maintenir des réserves de change suffisantes. Ces « ingénieries financières » de la Banque du Liban – comme il est d’usage de qualifier ces pratiques – se sont avérées particulièrement coûteuses ;
  • des institutions économiques défaillantes. Selon un classement de l’indice de perception de la corruption établi par l’ONG Transparency International, le Liban se classe au 149e rang (sur 180). Le climat des affaires n’y est guère meilleur : d’après l’enquête Doing Business menée par la Banque mondiale, le Liban se classe en 143e position (sur 190).