Prix Nobel d’économie 2022 : B. Bernanke, D. Diamond et P. Dybvig récompensés

la finance pour tous

Spécialisés dans l’économie bancaire et l’étude des crises financières, Ben Bernanke, Douglas Diamond et Philip Dybvig, trois universitaires américains, ont été récompensés par le prix Nobel d’économie. Présentation de leurs travaux.

Prix Nobel d’économie : trois lauréats spécialisés dans l’étude des banques et des crises financières

Après avoir récompensé des spécialistes de la théorie des enchères en 2020 et de l’économie du travail et de l’analyse des relations causales en 2021 le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel a été décerné en 2022 à trois spécialistes de l’étude des banques et des crises financières : Ben Bernanke, Douglas Diamond et Philip Dybvig.

Le « prix Nobel d’économie » désigne, en réalité, le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel.

Outre des thèmes de recherche proches, ces trois lauréats ont pour point commun d’exercer aux États-Unis : Ben Bernanke mène actuellement des recherches à la Brooking Institution, l’un des think-tank américains les plus prestigieux, tandis que Douglas Diamond et Philip Dybvig sont professeurs, respectivement, à l’Université de Chicago et à l’Université Washington de Saint-Louis.

Les deux vies de Ben Bernanke

Ben Bernanke est connu du grand public pour avoir dirigé la Banque centrale des États-Unis, la Réserve fédérale (FED), entre 2006 et 2014. Il figurait donc aux premières loges lorsque la crise des subprimes s’est déclenchée en 2007-2008 et a joué un rôle majeur dans la gestion de ces évènements. Avant de rejoindre la FED, Ben Bernanke, alors professeur à l’Université de Princeton, était un macroéconomiste, reconnu notamment pour avoir renouvelé les explications traditionnelles de la Grande Dépression.

Le terme de « Grande Dépression » est utilisé en référence à la phase de crise économique qu’a traversée l’économie mondiale dans les années 1930. Elle débute par le krach de la Bourse de New-York en octobre 1929 et ne prend fin qu’à la fin de la décennie 1930.

Bernanke fournit, en effet, une explication à l’ampleur de la Grande Dépression. La gravité de celle-ci tient, selon lui, aux «effets non monétaires de la crise financière », comme l’indique le titre de son article pionnier publié en 1983. En raison du krach de Wall Street en octobre 1929, de nombreux acteurs financiers ont disparu, à la suite de faillites et parfois, de paniques bancaires. Ces défaillances ont provoqué de fortes pertes pour les épargnants – aucune garantie des dépôts n’existait à l’époque – et une perte de confiance généralisée dans le système financier. Selon B. Bernanke, c’est cette défiance qui permet d’expliquer la transmission de la crise financière à l’économie réelle et l’ampleur de la Grande Dépression.

Devant les risques de voir leur banque disparaître et leurs économies avec, les épargnants ont considérablement réduit leurs dépôts. Les banques ont en outre été plus réticentes à accorder des prêts à long terme, craignant d’être victimes à leur tour d’une panique bancaire. Dans un tel contexte, les banques ne parvenaient plus à exercer leur rôle dans l’économie, consistant en particulier à financer l’activité économique, ce qui explique l’ampleur de la Grande Dépression.

Expliquer et prévenir les paniques bancaires : le modèle Diamond-Dybvig

Les deux autres lauréats du prix Nobel d’économie 2022 ont donné leur nom à l’une des plus célèbres constructions théoriques en matière d’économie bancaire : le modèle Diamond-Dybvig. Développé dans un article publié en 1983, ce dernier permet, en effet, de rendre compte, à la fois, de l’utilité des banques et de leur fragilité.

Les banques jouent, en effet, un rôle essentiel en fournissant de la liquidité à leurs clients, ces derniers pouvant récupérer les sommes versées en dépôts dans un délai relativement court. Dans le même temps, elles prêtent des fonds à long terme aux emprunteurs. Autrement dit, les banques transforment les ressources à court terme – les dépôts – en financements à long terme : on parle alors de transformation d’échéance. Le corollaire immédiat du rôle joué par les banques est que celles-ci ne conservent pas en réserves l’intégralité des sommes versées en dépôts. En régime « normal », cela ne pose pas de difficultés particulières, puisque les retraits effectués par certains sont compensés par les dépôts d’autres clients. Toutefois, lorsqu’un doute s’installe dans l’esprit des déposants sur la capacité d’une banque à faire face à ses engagements, les clients vont chercher à récupérer leurs fonds, ce qui peut provoquer une panique bancaire. Utiles, les banques apparaissent donc également comme fragiles, même des établissements bancaires solvables pouvant faire l’objet d’une panique bancaire…

Une panique bancaire, ou bank run, désigne une situation où une part importante des clients d’une banque souhaite retirer simultanément leurs dépôts, ce qui peut aller jusqu’à provoquer la défaillance de l’établissement bancaire. Par exemple en 2007, la banque Northern Rock a connu une telle panique bancaire.

Le modèle Diamond-Dybvig ne se contente pas de donner une explication aux paniques bancaires, il fournit en outre deux pistes pour les éviter. La première est la suspension de la convertibilité des dépôts. Avec une telle disposition, les clients ne pourraient pas retirer l’intégralité de leurs dépôts. La seconde, aujourd’hui utilisée dans la plupart des économies avancées, est la garantie des dépôts. Assurée dans le cadre d’une mission de service public– en France, il s’agit du Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) –, elle permet l’indemnisation des clients en cas de faillite d’une banque. Si la garantie des dépôts n’est généralement pas de 100 %, elle renforce, toutefois, la confiance dans le système bancaire et éloigne le risque de panique bancaire.